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Économie - Focus

La Banque centrale, un autre front de la guerre au Yémen

Des employées comptent des liasses de billets à la Banque centrale à Aden, la grande ville du sud du Yémen, le 13 décembre 2018. Saleh al-Obeidi/AFP

À l’intérieur du bâtiment criblé de balles de la Banque centrale à Aden, des employés trient des sacs d’argent. Luttant contre un effondrement de l’économie nationale, l’institution symbolise les effets ravageurs de la guerre au Yémen. Déclenché il y a quatre ans, le conflit entre les rebelles houthis soutenus politiquement par l’Iran et le pouvoir appuyé militairement par l’Arabie saoudite, a provoqué une catastrophe humanitaire et une crise économique aiguë dans ce pays, le plus pauvre de la péninsule Arabique. Certains diplomates évoquent « une famine d’emplois et de salaires » au Yémen, alors que la Banque centrale, qui a dû déménager à Aden, la grande ville du Sud et capitale de facto du gouvernement, peine à remplir pleinement son rôle. L’institution s’emploie à soutenir la monnaie nationale, le riyal, qui a perdu deux tiers de sa valeur depuis 2015.

Dans un contexte d’inflation croissante, la Banque centrale attend une injection de trois milliards de dollars de la part du Koweït et des Émirats arabes unis, a indiqué le gouverneur adjoint de la Banque, Shokeib Hobeishy, sans préciser de date. S’ils se confirment, ces dépôts s’ajouteront à 2,2 milliards de dollars de fonds injectés par Riyad dans une banque plus dépendante que jamais des aides internationales. M. Hobeishy a admis que la Banque centrale avait du mal à affirmer son autorité sur ses branches situées dans les zones contrôlées par les rebelles, y compris la capitale Sanaa (Nord) aux mains des houthis depuis 2014.

« Le plus dangereux »

Le gouvernement a déplacé le siège de la Banque centrale de Sanaa à Aden en 2016, suspectant les rebelles d’en avoir pillé une quantité des réserves, ce que les houthis nient. Et le pays se retrouve avec deux centres de pouvoir avec des politiques budgétaires parallèles pour une monnaie commune. L’économie était absente d’un accord conclu la semaine dernière en Suède entre les protagonistes qui ont convenu notamment d’une trêve à Hodeida, principal front de la guerre actuellement. Selon un diplomate présent en Suède, les houthis ont refusé que la Banque centrale à Aden paye les salaires des fonctionnaires dans toutes les régions du pays, comme le demande le gouvernement.

Cette institution est désormais « le front le plus dangereux de la guerre », a déclaré à l’AFP Wesam Qaid, un responsable de l’ONG Small and Micro Enterprise Promotion Service, qui œuvre pour le développement économique, notamment du secteur privé au Yémen. « Des milliers de personnes sont mortes à cause des bombardements, des mines et des opérations militaires », a-t-il dit. « Mais beaucoup d’autres sont mortes à cause de la pauvreté, de la famine, du manque de soins médicaux, alors que la Banque centrale est rattrapée par le conflit. »

Depuis 2015 et l’intervention militaire saoudienne dans le conflit, l’économie nationale s’est contractée de 50 % et l’inflation devrait atteindre plus de 40 % en 2018, selon la Banque mondiale. Avec la chute du riyal (1 dollar vaut 250 riyals), des millions de Yéménites ont fortement perdu de leur pouvoir d’achat et le secteur privé a subi un coup dur – fermeture d’entreprises et licenciements.

« Seul moyen »

De plus, nombre de Yéménites ont peur de déposer leur argent dans les banques locales. Les entreprises critiquent, elles, le lourd processus pour obtenir des lettres de crédit nécessaires aux importations dans un pays qui en dépend fortement. Dans une lettre envoyée en novembre au Premier ministre Maïn Saïd et au gouverneur de la Banque centrale Mohammad Zemam, la Chambre de commerce de Aden a évoqué les difficultés rencontrées par des commerçants dans les régions rebelles pour importer des produits de première nécessité.

Selon une directive de la Banque centrale, les commerçants doivent payer uniquement en espèces. Une mesure qui a causé, selon la Chambre, une importante baisse des importations dans ces régions densément peuplées et menacées aujourd’hui par la famine. « Nous demandons aux rebelles de laisser le secteur bancaire tranquille », a dit M. Zemam. « C’est le seul moyen de nourrir les gens. »

Anuj CHOPRA / AFP

À l’intérieur du bâtiment criblé de balles de la Banque centrale à Aden, des employés trient des sacs d’argent. Luttant contre un effondrement de l’économie nationale, l’institution symbolise les effets ravageurs de la guerre au Yémen. Déclenché il y a quatre ans, le conflit entre les rebelles houthis soutenus politiquement par l’Iran et le pouvoir appuyé militairement par...

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