Rechercher
Rechercher

Les sapeurs de Troie

Ruse, dissimulation et duperie ont toujours constitué une part essentielle de l’art de la guerre : l’exemple le plus épique en étant le célébrissime cheval de Troie. C’est bien le cas de le dire, mentir est de bonne guerre… à condition, bien entendu, de ne pas être pris la main dans le sac à salades.

C’est bien ce qui vient de nous arriver pourtant, avec cette singulière affaire de tunnels courant sous la frontière sud et débouchant sur le territoire israélien. Révélée à grand fracas, en début de semaine, par Benjamin Netanyahu, celle-ci faisait l’objet, peu après, d’une réunion tripartite groupant, autour de la Force intérimaire des Nations unies, des officiers libanais et israéliens. Comme on sait, le bord libanais a exigé des preuves. Manque de pot, l’existence d’un premier tunnel (car deux autres devaient suivre) se trouvait confirmée jeudi par la force onusienne, invitée à inspecter le secteur et qui s’est émue de la gravité de l’incident.

Bah, pourrait-on être tenté de se dire, ce ne serait toujours là qu’un prêté pour un rendu. C’est par milliers que se chiffrent en effet les violations israéliennes de la providentielle résolution 1701 qui mit fin à la guerre de 2006, les plus fréquentes (et insolentes!) étant les survols quasi quotidiens de notre territoire. Malgré cette balance plutôt favorable des coups de canif dans le contrat, c’est d’un irrémédiable handicap que souffre néanmoins l’État libanais dans cette hasardeuse partie de poker menteur ; la raison, d’une effarante simplicité, en est que même sur ses propres terres, il n’est pas seul maître de ses relances et encore moins de ses jetons.

C’est à un double niveau que cette rocambolesque affaire de tunnels est, pour Beyrouth, source d’embarras, sinon de préoccupation. Embarras pour l’institution militaire d’abord qui, confrontée aux plaintes israéliennes, ne pouvait faire autrement qu’attendre et voir venir, au risque de passer pour complice de la milice. Ou, pire encore, de se voir reprocher d’être hors du coup, dans une région où elle est pourtant censée étendre une autorité étatique sans partage. Embarras ensuite pour une autorité politique réduite à sa plus simple expression, c’est-à-dire un peu imposant gouvernement d’expédition des affaires courantes. Comme de coutume, le pouvoir se retrouvera probablement divisé sur la réponse qu’il convient d’apporter aux menaces d’escalade israéliennes, comme aux appels ou injonctions de la communauté internationale ; et ce n’est pas la diplomatie gesticulatoire du ministre sortant Gebran Bassil qui, en cas de conflagration, pourra éviter cette fois un isolement du Liban.

Last but not least, la force onusienne elle-même n’est guère à l’abri des interrogations, occasion que ne manquera sans doute pas de saisir Israël. Car si ces tunnels existent, s’ils ont effectivement été creusés à partir du territoire libanais par le Hezbollah, d’aucuns ne manqueront pas de s’étonner que les patrouilles de Casques bleus quadrillant sans cesse la région n’aient pas décelé les travaux de percement.

Pas de panique, la guerre n’est pas encore là, s’emploie-t-on à nous rassurer. Mais c’est la bonne santé de la 1701 que menace, à la longue, l’air vicié qui flotte dans ces tunnels.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Ruse, dissimulation et duperie ont toujours constitué une part essentielle de l’art de la guerre : l’exemple le plus épique en étant le célébrissime cheval de Troie. C’est bien le cas de le dire, mentir est de bonne guerre… à condition, bien entendu, de ne pas être pris la main dans le sac à salades.C’est bien ce qui vient de nous arriver pourtant, avec cette singulière...