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Culture - Rencontre

Tania Saleh, ou « le devoir de prendre des risques »

C’est à elle que revient l’honneur d’inaugurer la 6e édition du BBIMF ce jeudi 6 décembre à Station. La chanteuse présentera son album « Intersection », où elle peint un monde arabe plus que jamais en déliquescence.

Tania Saleh lors d’un concert récent à Rabat dans le cadre du festival Visa for Music en partenariat avec Lisa Nordstrom. Photo Ali Laarousi

C’est une femme presque intimidée qu’on découvre lorsque l’on rencontre Tania Saleh. L’artiste multidimensionnelle, dont la réputation n’est plus à faire, se produira dans le cadre du Beirut & Beyond International Music Festival (BBIMF)*. La 6e édition de cette plateforme de musique indépendante sera l’occasion pour elle d’être une nouvelle fois au plus près d’un public libanais et de lui faire découvrir les textes qui dérangent de son dernier opus, Intersection.

Cette fois-ci, Tania Saleh a choisi de chanter, mais aussi de peindre le marasme d’un monde arabe plus que jamais en déliquescence. De la guerre à la femme-objet en passant par l’extrémisme religieux et la répression de la parole libre, autant de thèmes qu’elle reprend – dans Ana Lilith, Khna’a maa Allah, etc. – à travers des textes classiques de poètes arabes sur des sons électroniques étonnants. Intersection est surtout une expérience audiovisuelle innovante : Tania Saleh impose un registre que l’on n’attendait pas forcément. Des traces de pinceau assénés aux murs inertes d’une région qui se noie, des sons brandis comme une arme, la dernière peut-être, pour essayer de ramener l’attention de l’opinion publique sur les véritables maux de notre région. « Les politiciens ne parlent pas des sujets qui dérangent », déplore-t-elle. Si elle pointe du doigt ces gouvernements hypocrites, elle remet également en question le rôle d’un pseudo-activisme emmené par le réseau des ONG qui brandissent le thème de la misère comme pour laver une conscience moins collective que faussement bienveillante. Une artiste, mais d’abord une femme qui prend pleinement conscience du devoir qu’ont les filles d’Ève de s’imposer comme égales, indépendantes et productives. « Les femmes sont celles qui ont la charge de l’éducation des enfants. C’est à elles que revient le devoir de réécrire l’histoire sur des bases plus justes », explique la chanteuse et auteure-compositrice qui fait toutefois l’éloge de certaines plateformes qui œuvrent concrètement pour une réhabilitation de femmes marginalisées, comme Phenomenal Women.

Décider d’abandonner la stabilité du poste de graphiste qu’elle a occupé durant de longues années et écouter cette voix intérieure qui lui dictait de déverser toute son énergie dans la musique n’a pas été de tout repos. Tania Saleh a fait face aux mises en garde de son entourage pour qui « la musique n’est pas un vrai métier ». « Je me devais de mettre en place ce que je répétais inlassablement à mes enfants : ils n’avaient qu’un devoir, celui d’être heureux. Alors, c’est ce que j’ai fait », se réjouit-elle.

Après sa collaboration avec Ziad Rahbani, aux côtés de Soap Kills et Aks es-seirr, Tania Saleh a été une des figures fondatrices de la scène musicale indépendante au Liban. Aujourd’hui, elle sait qu’elle a fait le bon choix et se félicite d’une scène artistique indépendante qui compte désormais des centaines de groupes tellement divers.

Nul n’est prophète en son pays

Avec Intersection, l’artiste aux différentes facettes prend le risque de mélanger le tarab à des sons électroniques et de coupler le tout à une expérience des arts de la rue. Elle promènera ainsi ses pinceaux sur les murs de contrées urbaines régionales. Pourtant, et contre toute attente, Tania Saleh fait le choix de ne pas aller tout de suite à la rencontre du public libanais qu’elle décrit comme exigeant. « J’ai eu besoin de tester Intersection d’abord à l’international car le public libanais n’a pas un goût facile. » Elle s’est ainsi produite dans plusieurs villes de Scandinavie. Tania Saleh présentera également Intersection à l’Institut du monde arabe (IMA) le 15 décembre.

« Je suis fière de faire partie des artistes qui se produiront au BBIMF. C’est une scène musicale qui promeut l’échange entre des artistes qui veulent faire bouger les choses et pour qui prendre des risques est au cœur même de leur responsabilité d’artiste », déclare Tania Saleh, pour qui puiser dans ses tripes est la seule manière d’espérer déranger un statut quo qui enlise. Rendez-vous donc le 6 décembre à Station pour une expérience musicale très peu commune.

Le BBIMF se tiendra du 6 au 9 décembre à Beyrouth pour un échange bienvenu de sons et de sensations éclectiques.

*Le BBIMF est une plateforme pour la promotion de la musique régionale indépendante créée en partenariat avec le Oslo World Musical Festival.



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