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Moyen Orient et Monde - Syrie

Un 11e round à Astana aux objectifs limités

Des émissaires de l’Iran, de la Russie et de la Turquie ont entamé hier dans la capitale kazakhe des pourparlers qui doivent se terminer aujourd’hui.


Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov (centre), avec ses homologues iranien et turc, Mohammad Javad Zarif (gauche) et Mevlut Cavusoglu (droite) à Moscou le 28 avril 2018. Alexander Nemenov/AFP

Le processus d’Astana pour la Syrie se poursuit. Des émissaires de l’Iran, de la Russie et de la Turquie ont entamé hier dans la capitale kazakhe des pourparlers qui doivent se terminer aujourd’hui, a annoncé le ministère kazakh des Affaires étrangères. Des délégations syriennes du gouvernement et de l’opposition y participent également, selon le communiqué du ministère, qui précise que les discussions sont centrées sur la situation dans la province d’Idleb, les conditions du retour des réfugiés et déplacés, et la reconstruction après le conflit. Ces discussions, les onzièmes depuis le lancement du processus d’Astana en janvier 2017, se déroulent alors que plusieurs évolutions ont eu lieu ces dernières semaines, sur le terrain et sur le plan diplomatique.

La province d’Idleb, ultime grand bastion insurgé et jihadiste en Syrie, est le théâtre de bombardements et d’affrontements sporadiques entre forces du régime et jihadistes depuis plusieurs semaines. Dimanche dernier, la Russie a quant à elle mené ses premières frappes aériennes depuis plus de deux mois dans la région, visant des positions « terroristes » selon Moscou, en représailles à une attaque chimique présumée menée selon Damas à Alep, dans la province voisine. Ces combats et bombardements continuent de mettre à mal la trêve négociée le 17 septembre dernier à Sotchi par Moscou, allié du régime de Damas, et Ankara, parrain traditionnel de certains groupes rebelles, avec la mise en place d’une « zone démilitarisée » à Idleb pour éviter une offensive de grande ampleur du régime contre la région. L’accord devait entrer en vigueur mi-octobre mais sa mise en œuvre a buté sur le refus des jihadistes de déserter la zone tampon de 15 à 20 kilomètres de large autour de la province d’Idleb, dominée par le groupe Hay’at Tahrir al-Cham (HTS), émanation de l’ex-branche syrienne d’el-Qaëda, qui contrôlent environ 70 % de cette zone, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

Concernant le retour des réfugiés et des déplacés, « on peut s’attendre à assez peu d’avancées » estime Thomas Pierret, chargé de recherche au CNRS (Paris) et à l’Iremam (Aix-en-Provence), interrogé par L’Orient-Le Jour. « Il n’y a pas énormément de marge de manœuvre », parce que deux des trois principaux pays qui reçoivent les réfugiés (Jordanie, Liban et Turquie) ne sont pas présents à Astana, tandis que la Turquie « n’accepterait pas d’envoyer des gens qui ne le veulent pas dans les zones contrôlées par le régime de Bachar el-Assad », note M. Pierret, qui ajoute que « de toute façon, on peut obliger les gens à revenir autant qu’on veut, mais pour beaucoup de réfugiés il n’en est pas question parce que les conditions politiques et même économiques ne sont pas réunies ». Le troisième point mentionné dans le communiqué du ministère kazakh des Affaires étrangères, portant sur la reconstruction d’après-guerre, requiert justement de bonnes conditions économiques. Sur ce point également, on peut s’attendre à assez peu d’avancées : « On peut éliminer d’emblée la question de la reconstruction parce que la clé du problème n’est pas entre les mains des pays qui se réunissent à Astana », analyse M. Pierret, qui explique que « la Turquie, l’Iran et la Russie ont un pouvoir d’influence en termes militaires, mais très faible en termes économiques ».


(Lire aussi : Syrie : Riyad et Abou Dhabi tentent à nouveau d’entrer dans la danse)


Trois faits notables, mais à la portée limitée

Au-delà des discussions elles-mêmes, trois faits notables peuvent être relevés dans ces discussions. D’abord, les États-Unis, dont les alliés sur le terrain contrôlent une large partie du territoire syrien, où se trouve notamment la majorité des champs pétroliers, n’assistent pas aux discussions, comme ils l’ont déjà fait par le passé en tant qu’observateurs. Ensuite, le retour de l’Iran dans les discussions internationales concernant la Syrie doit être noté, alors que Téhéran n’était présent ni à Sotchi en septembre dernier ni à Istanbul le 27 octobre, lorsque les dirigeants allemands, français, russes et turcs se sont mis d’accord pour consolider la trêve à Idleb et pour soutenir la proposition de l’envoyé spécial de l’ONU Staffan de Mistura. Celle-ci consistait à mettre en place un comité constitutionnel en Syrie, dont les termes avaient antérieurement été rejetés par Damas. M. de Mistura et sa proposition font l’objet du troisième fait notable dans ce round de discussions, dans le sens où il représente la dernière mission de l’envoyé de l’ONU. « La présence de l’envoyé spécial à Astana visera à ne rien laisser au hasard et à maximiser les chances de faire respecter la déclaration commune d’Istanbul », souligne le communiqué de son bureau. M. de Mistura avait annoncé sa démission après 1 600 jours à son poste. En comparaison, le mandat combiné de ses deux prédécesseurs était environ deux fois moins long. Il doit être remplacé par le Norvégien Geir Pedersen dès le 1er décembre.

Le comité proposé par M. de Mistura devait être composé de 150 personnes : 50 choisies par le régime, 50 par l’opposition et 50 par l’ONU. Damas a officiellement refusé que l’ONU compose cette troisième liste et a proposé en revanche que ce soit les trois pays garants du processus d’Astana qui la choisissent, en partenariat avec le régime. Il est difficile d’imaginer beaucoup d’avancées sur ce dossier lors des discussions, alors que M. de Mistura est sur la sortie et que le régime et ses alliés ont l’avantage sur le terrain. « Le rapport des forces est tel aujourd’hui qu’on voit mal le régime syrien accepter la mise en place de ce comité », estime M. Pierret, qui explique que même si « la Russie a donné des gages de bonne volonté à Istanbul, il y a une différence entre s’asseoir avec Macron et Merkel et s’engager à discuter avec Assad et mettre la pression sur le régime syrien ».

Le processus d’Astana a illustré le rôle incontournable de Moscou, dont l’intervention militaire en septembre 2015 a permis au régime du président syrien Bachar el-Assad, alors en mauvaise posture, d’inverser la donne. Il a éclipsé les négociations de Genève parrainées par l’ONU et a permis à la Russie d’attirer la Turquie vers elle. C’est tout de même un processus limité, dont la création avait pour but des discussions « essentiellement militaires », rappelle M. Pierret. Dans ce cadre, la solution au conflit syrien ne peut s’y trouver. Lors des discussions qui doivent se terminer aujourd’hui « il y aura peut-être quelque chose qui va se faire concernant Idleb, avec des promesses de se tenir tranquille des deux côtés, ou alors le régime et les forces loyalistes, qui ont récemment accentué la pression militaire, essayeront d’obtenir des concessions en échange d’une nouvelle accalmie, comme un engagement des rebelles via la Turquie de neutraliser les groupes jihadistes » qui ont fait scission de HTS, un groupe qui a « intérêt à garder le calme pour être accepté par la Turquie », conclut M. Pierret.


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commentaires (2)

ASTANA EN FIN DE COMPTE NE RESOUDRA RIEN. SANS LES OCCIDENTAUX PAS DE SOLUTION EN SYRIE. ET LES CONDITIONS DE CES DERNIERS SONT TRES CLAIRES !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 02, le 29 novembre 2018

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Commentaires (2)

  • ASTANA EN FIN DE COMPTE NE RESOUDRA RIEN. SANS LES OCCIDENTAUX PAS DE SOLUTION EN SYRIE. ET LES CONDITIONS DE CES DERNIERS SONT TRES CLAIRES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 02, le 29 novembre 2018

  • S'il vous plaît l'olj , parlez nous du rapprochement hystérique que tentent de faire les bensaouds, émirats, bensaoudie, Jordanie , Bahreïn. . avec le pays du héros BASHAR EL ASSAD. Il est de votre devoir de nous informer à ce sujet . C'est intéressant parce que ce groupe vient de réaliser qu'il était dangereux et inneficace de laisser le héros syrien BASHAR EL Assad entre les mains des iraniens et des russes . Please penchez vous sur cette info . Merci .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 25, le 29 novembre 2018

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