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Lifestyle - Célébration

Un cèdre de Nabil Nahas sur un timbre, à l’occasion du 75e anniversaire de l’indépendance

L’artiste libanais, invité par LibanPost à concevoir un timbre à cette occasion, a choisi de réaliser la toile d’un cèdre qui se chargera d’incarner et de faire voyager, sur nos lettres et colis, le projet d’un Liban rêvé...

Nabil Nahas, hier soir au Grand Sérail, à côté du tableau représenté sur le timbre émis à l'occasion du 75eanniversaire de l'indépendance. Photo G.K.

Il est de ces failles du temps qui échappent au chaos d’un pays marchant sur la tête, de ces moments qui réussissent encore, par on ne sait quelle magie, à nous réconcilier avec un Liban qu’on se plaît à désaimer. À nous faire au moins rêver, sinon croire à ce Koullouna Lil Watan et à cette impossible unité nationale. Pour marquer d’une pierre blanche le 75e anniversaire de l’indépendance, LibanPost met à l’honneur l’artiste Nabil Nahas qui a choisi de réaliser la toile d’un cèdre, déclinaison de sa série Cedrus Libani entamée en 2006. Un cèdre « dans toute sa sublime, charriant le projet d’un Libanais rêvé » et qui voyagera sur 100 000 lettres et colis en partance du Liban. Le timbre a été dévoilé hier au Grand Sérail, sous le patronage du Premier ministre désigné Saad Hariri, lieu hautement symbolique puisqu’il nous rappelle le vide gouvernemental que nous traversons. Ce soir aura lieu au musée Sursock une vente aux enchères de la toile, sous le patronage du commandant en chef de l’armée, le général Joseph Aoun. Les recettes seront reversées aux familles des martyrs de l’armée morts lors de la bataille de Ersal en août 2014. À cette occasion, l’artiste confie à L’Orient-Le Jour la genèse de ce projet, sa fascination pour le Cedrus Libani ainsi que son idée de l’indépendance.

Comment expliquez-vous votre fascination pour le cèdre auquel vous avez consacré l’une de vos séries de toiles intitulée « Cedrus Libani » ?

De toute évidence, le cèdre porte en lui toute la symbolique du Liban depuis des millénaires. Ce qui me plaît aussi, c’est que l’emblème du cèdre est chargé de figures, sur plusieurs niveaux. On pense bien sûr à l’aspect mythologique de cet arbre, l’époque de Gilgamesh et des demi-dieux, mais aussi à son aspect biblique et historique du fait qu’au moment de toutes les invasions, ce cèdre était la première cible de destruction. Il y a aussi l’idée romantique du cèdre qui me parle et m’inspire. À travers toutes ces connotations, mais aussi sa carrure robuste et altière en dépit des aléas de l’histoire, cet arbre représente une précieuse passerelle secrète avec les multiples passés, un emblème qui a traversé le temps en s’amarrant à ses racines. On se plaît d’ailleurs à croire qu’il est éternel, jusqu’à nouvel ordre…

Parlez-nous de la genèse de votre série « Cedrus Libani » dont le cèdre figurant sur le timbre dévoilé hier au Grand Sérail est une déclinaison...

À mon retour au Liban en 1993, à l’issue de 18 ans d’exil, je me suis longtemps baladé dans les montagnes. J’étais fasciné par le paysage qui avait tout de même résisté à l’atrocité de la guerre et qui contrastait avec la destruction du pays. Je me disais : « Si seulement j’étais paysagiste », et j’ai été pris d’une envie instinctive de peindre ces arbres iconiques du bassin méditerranéen, et en particulier du Liban. Peut-être dans l’optique de les faire vivre plus longtemps ? Peut-être pour incarner le Liban dans mes toiles ? Je ne sais plus, ce n’était pas prémédité. L’idée, à mesure que je peignais, était de réaliser des portraits de cèdres, plutôt que des paysages, et ainsi d’en faire ressortir l’âme… de les faire parler.

On décèle dans ces toiles une forme de souffrance sous-jacente…

Les cèdres sont émotionnellement chargés. Ils racontent des conquêtes, des guerres et de la destruction, d’où sans doute leur air chagriné, je crois. Ce qui les rend davantage troublants, c’est qu’en même temps, ils évoquent une forme de sérénité et d’aplomb, face au désastre.

Que représente pour vous, à cette époque, le terme indépendance ?

Au cœur de l’échiquier socio-politique où est planté le Liban, l’indépendance relève aujourd’hui de l’utopie. Elle est devenue un concept mental auquel on tente encore de s’accrocher. Cela dit, il me semble que la seule, et inestimable, indépendance à laquelle on aura toujours accès est celle de l’esprit.

Comment a vu le jour ce projet de la création d’une toile à l’effigie d’un cèdre pour ce timbre, à l’occasion du 75e anniversaire de l’indépendance du Liban ?

J’ai été approché par Khalil Daoud, président de LibanPost, afin de réaliser ce timbre (qui marque le 75e anniversaire de l’indépendance) à partir de l’une de mes toiles de cèdres. Flatté par cette reconnaissance et séduit par l’initiative, j’ai préféré réaliser une nouvelle toile pour ce projet, histoire de marquer cette occasion d’une pierre blanche. Il était important pour moi que ce nouveau tableau incarne mon idée idéalisée du cèdre, l’aspect sublime et divin auquel fait écho l’appellation de Arz el-Rab, et qui résonne avec celle d’un Liban rêvé... Le cèdre plutôt qu’un cèdre !

Justement, quelle est votre idée fantasmée du Liban ?

C’est, tout simplement, le projet d’un Liban éternel et éternellement indépendant et souverain. Indépendant de toute ingérence ou inférence étrangère, chose qui conduirait nécessairement à une tolérance généralisée et une entente nationale. Cela relève peut-être d’une naïveté, mais il est impossible de vivre sans espoir. D’ailleurs, le génie libanais repose depuis la nuit des temps sur cette faculté à s’adapter aux fatalités en se chevillant à un espoir qu’on continue à puiser je ne sais où ni comment.

Vivant entre Beyrouth et New York, quel rapport vous lie aujourd’hui au Liban ?

Une forme d’enracinement. Je suis viscéralement lié à la terre du Liban, ses racines et son histoire que je ne cesse d’explorer et d’interroger. Je ne me considère toutefois pas comme un artiste politiquement engagé, car ce qui m’intéresse, par-delà les zizanies politiques que j’estime accessoires et accidentelles, c’est une image plus large du pays, une vision, un projet, un rêve, en fait. Un peu à l’instar de ce que symbolise et raconte la figure du cèdre, justement.

Qu’éprouvez-vous à l’idée que l’une de vos toiles se retrouve sur un timbre, qu’elle rentre dans l’histoire du Liban d’une certaine manière ?

Une immense fierté, et un grand honneur d’avoir pu, à ma manière, contribuer à célébrer cette occasion à travers une de mes créations. Je suis très reconnaissant envers LibanPost qui a initié ce projet, ainsi qu’au Grand Sérail et au musée Sursock qui accueille les deux événements. L’objet du timbre charrie la même nostalgie que celle d’un cèdre et sa pérennité menacée fait écho à celle des cèdres qui sont aujourd’hui, plus que jamais, en danger.

Quel message aimeriez-vous que ce timbre, circulant à 100 000 exemplaires, porte ?

Celui d’une indépendance pour laquelle il faut continuer à se battre, et à laquelle il faut continuer à aspirer. La portée écologique de ce projet m’est très importante également. La question de la protection de nos forêts de cèdres n’a jamais été autant d’actualité.

Ce soir, la toile représentée sur le timbre sera vendue au enchères au musée Sursock et les recettes seront reversées aux familles des martyrs de l’armée tombés à Ersal en août 2014…

C’est une cause qui me tient à cœur, celle de ces soldats qui ont sacrifié leurs vies et ont été arrachés à leurs familles pour préserver la paix et la souveraineté de notre pays. Ils sont une leçon de vie. Si les recettes de cette vente aux enchères réussiront à leur apporter un petit soulagement, cela me remplirait de bonheur…


Le timbre en chiffres

100 000 tirages de timbres d’une valeur de 10 000 LL.

Premières émissions numérotées de 1 à 750 à la valeur de 15000 LL.

Une série numérotée de 1 à 650 dont :

1 à 350 avec des enveloppes premières émissions, vendus à

45000 LL.

351 à 650 avec timbre, vendus à 19000 LL.


Il est de ces failles du temps qui échappent au chaos d’un pays marchant sur la tête, de ces moments qui réussissent encore, par on ne sait quelle magie, à nous réconcilier avec un Liban qu’on se plaît à désaimer. À nous faire au moins rêver, sinon croire à ce Koullouna Lil Watan et à cette impossible unité nationale. Pour marquer d’une pierre blanche le 75e anniversaire de...

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Dans les années cinquante en primaire, le cèdre fut le must dans le cours de dessin.

DAMMOUS Hanna

14 h 49, le 20 novembre 2018

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Commentaires (1)

  • Dans les années cinquante en primaire, le cèdre fut le must dans le cours de dessin.

    DAMMOUS Hanna

    14 h 49, le 20 novembre 2018

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