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Moyen Orient et Monde - Reportage

Iraniennes au stade de foot : un peu d’espoir, beaucoup de scepticisme

Samedi 10 novembre, près d’un millier de femmes ont pu entrer au stade Azadi à Téhéran pour suivre la finale de la Ligue des champions asiatique et soutenir leur équipe. Mais pour beaucoup de supportrices, l’autorisation exceptionnelle n’était qu’un leurre pour contenter la FIFA.

Des Iraniennes, heureuses, dans le stade Azadi à Téhéran pour encourager leur équipe, Persépolis, face à l’équipe japonaise Kashima Antlers, samedi 10 novembre. Atta Kenare/AFP

Le fait est assez rare pour être souligné : un millier d’Iraniennes ont été admises, samedi dernier, au stade Azadi de Téhéran pour la finale de la Ligue des champions asiatique de football entre Persépolis et les Kashima Antlers (0-0). Si plusieurs journaux réformateurs ont salué, le lendemain, une « victoire » pour les femmes en Iran, nombreuses sont les Iraniennes à avoir un avis beaucoup plus nuancé. Et pas seulement parce que leur équipe a perdu.

« Les femmes qui ont pu entrer ont été présélectionnées ! » s’indignent-elles sur les réseaux sociaux. « Ils ont fait entrer les familles des joueurs et des célébrités! » affirme une amatrice de football, originaire d’Ispahan. Pour Mitra*, qui était sur place, pas de doute, il y avait bien une présélection : « Les responsables m’ont dit que je n’avais pas le droit d’entrer. Quand j’ai demandé pourquoi certaines ont pu et pas moi, ils m’ont répondu que les autres avaient été choisies d’avance! » Mitra est en colère. Selon elle, ces filles-là n’auraient pas dû accepter d’entrer dans le stade car toutes les femmes n’étaient pas sur un pied d’égalité. « Ou nous entrons toutes, ou personne n’entre! » abonde Mona.

Pour son amie Faezeh, ce genre d’ouverture en trompe-l’œil risque surtout de diviser les femmes. « On pourrait se réjouir qu’un certain nombre d’entre elles aient pu entrer, mais on a aussi peur que cela ne se répète plus. On ne peut parler d’espoir que si toutes les femmes peuvent entrer dans les stades », estime-t-elle. « Cependant, temporise-t-elle, nous ne savons pas comment elles ont été choisies ni si elles savaient à l’avance qu’elles étaient présélectionnées. »


(Pour mémoire : Femmes au stade en Iran: le procureur général dit non)


« C’était magnifique à l’intérieur »

Une des supportrices du Pirouzi (autre nom donné au club Persépolis) raconte qu’un mois auparavant, Abbas Esmailbeygi, manager du fan club de Persépolis, aurait annoncé vouloir créer un groupe officiel de supportrices. Dans un message audio, l’homme aurait affirmé que l’idée était de permettre aux plus ferventes supportrices, et notamment celles qui se déguisent en homme pour assister aux matches, d’accéder aux stades lorsque les autorisations seraient obtenues. « Certaines ont refusé car cela sentait la présélection », explique Zahra qui a pu entrer dans le stade après en avoir été, un moment, empêchée. « C’était magnifique à l’intérieur, il y avait plein de monde ! Je n’y croyais pas, même bien après être rentrée chez moi, je n’y croyais toujours pas », s’emballe-t-elle.

Pour elle, son accès au stade est un coup de chance. « Je suis arrivée à l’hôtel Olympique vers 15 heures, c’est par là que les filles devaient passer. Certaines supportrices attendaient depuis midi, mais personne ne nous laissait entrer. À 18h30, alors que le match commençait, ils nous ont fait croire qu’ils allaient tous nous faire entrer. Nous sommes montées dans des bus qui devaient nous emmener au stade. Il y avait trois bus, seules les filles de notre bus ont finalement accédé au stade », soupire-t-elle. Sur Instagram, la vidéo d’une jeune femme en larmes, expliquant que le bus dans lequel elle était montée l’avait éloignée du stade, a été vue plus de 8 500 fois et vient confirmer les propos de Zahra. « Nous n’avons ni vu le stade ni vu le match ! Voilà ce qu’il en est de notre espoir sous le gouvernement Rohani ! » affirme la jeune femme sur le réseau social. L’accès au stade pour les Iraniennes était en effet une des promesses de campagne du président Hassan Rohani.


(Pour mémoire : En Iran, une parachutiste "aussi capable" que tout homme)


Un leurre pour la FIFA

« Je crois qu’on a voulu nous utiliser pour faire croire à la FIFA qu’il y avait une ouverture en Iran », regrette Zahra. Samedi, le président de la Fédération internationale Gianni Infantino était en effet présent lors du match. Leili est également de cet avis : « Il n’y avait aucun moyen pour les femmes d’acheter un billet. » La jeune fille a déjà assisté à des matchs déguisée en homme : « Je considère que soutenir une équipe ne doit pas être une affaire d’homme ou de femme. Chacun doit être libre de se réjouir ou de pleurer pour son équipe », affirme-t-elle. Samedi, elle a renoncé à aller voir le match pour ne pas entrer dans ce qu’elle qualifie de « jeu malsain de communication envers la FIFA ».

Il y a un mois déjà, le 16 octobre, une centaine de femmes avaient été présélectionnées pour assister au match de l’équipe nationale contre la Bolivie. « J’étais très enthousiaste à cette idée, je me disais qu’on avance petit à petit, mais hier, j’ai eu un gros doute ! Je ne sais pas s’il s’agit vraiment d’une avancée », se demande Faezeh. « Ce qui me met vraiment en colère, c’est qu’on nous dise qu’il n’y a pas les infrastructures nécessaires à l’accueil des femmes, que c’est mauvais pour l’image de la femme et toute une série d’autres choses qui me paraissent ridicules, mais dès que la FIFA a fait pression, tout à coup il n’y a plus eu de problèmes ! » s’indigne Atefe. Suite au match contre la Bolivie, le procureur général s’était opposé à la présence des femmes dans les stades. « Nous gardons espoir. Mais c’est triste que nous soyons obligées de nous battre pour obtenir un droit aussi simple », regrette-t-elle.


« Le plus beau jour de ma vie ! »

Certaines sont néanmoins satisfaites. « C’était vraiment le plus beau jour de ma vie, c’était génial ! » s’exclame une supportrice présente devant le stade dès 10h samedi matin. Selon elle, après avoir fait entrer les femmes présélectionnées, les responsables ont fini par laisser entrer toutes les autres également. Environ 200 femmes parmi les supportrices auraient ainsi pu entrer.

Samane refuse également de croire que les 850 femmes autorisées à entrer aient été choisies d’avance. « Il y avait trois ensembles : d’un côté les journalistes, membres de la Fédération et familles des joueurs qui étaient sur une liste. De l’autre des femmes qui s’étaient pliées en quatre pour arriver à mettre leur nom sur une liste par le biais d’un lien quelconque et qui avaient réussi. Enfin, nous, qui n’étions sur aucune liste. Mais je peux assurer que toutes les filles qui étaient venues à l’hôtel Olympique ont pu entrer », affirme-t-elle avant d’exulter : « C’était encore plus grand et plus excitant que je ne me l’imaginais. Une fois que nous sommes entrées, les hommes nous ont tous applaudies, il n’y a eu aucune insulte ! ».


*Le prénom a été modifié



Pour mémoire

Quand un entraîneur se voile pour assister à une compétition sportive féminine en Iran...

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Le fait est assez rare pour être souligné : un millier d’Iraniennes ont été admises, samedi dernier, au stade Azadi de Téhéran pour la finale de la Ligue des champions asiatique de football entre Persépolis et les Kashima Antlers (0-0). Si plusieurs journaux réformateurs ont salué, le lendemain, une « victoire » pour les femmes en Iran, nombreuses sont les Iraniennes...

commentaires (5)

Du sarcasme de rabat joie jaloux .

FRIK-A-FRAK

20 h 40, le 13 novembre 2018

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Commentaires (5)

  • Du sarcasme de rabat joie jaloux .

    FRIK-A-FRAK

    20 h 40, le 13 novembre 2018

  • Quand on connait l'énorme civilisation passée de chacun .... Arabie et Perse ... On est un peu dubitatif. Darius, Persépolis, Zarathoustra ....

    Sarkis Serge Tateossian

    18 h 19, le 13 novembre 2018

  • En Iran on autorise les femmes dans les stades de foot pour appâter ou faire plaisir à la FIFA ? Omar KHAYYAM Aujourd'hui, sur demain tu ne peux avoir prise. ------------------------------------------ En Arabie saoudite on autorise les femmes à conduire une voiture (peut-être pour appâter ou faire plaisir à la FIA .... ? IBN KHALDOUN Tout cela est dû à la difficulté d'exprimer le réel et l'inaptitude du langage à se prêter à la traduction adéquate des choses. ---------------------------------------- La civilisation est elle vraiment enfin en marche ? Espérons ...

    Sarkis Serge Tateossian

    17 h 48, le 13 novembre 2018

  • Ah bon ce n st que maintenant qu’elles peuvent y aller ... ?!? Car on nous a tellement bassiner sur les bonnes choses venant d’iran Que je pensais que les femmes y avaient droit de tout faire

    Bery tus

    17 h 13, le 13 novembre 2018

  • Nous souhaitons aux iraniennes ainsi qu'au séoudiennes la bienvenue au vingtième siècle! Bon séjour mais surtout bon courage vous en aurez besoin et on vous attendra au portail du vingt-et-unième siècle..

    Wlek Sanferlou

    16 h 26, le 13 novembre 2018

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