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Lifestyle - La Mode

Paris célèbre déjà le printemps

Ouverte le 29 septembre, la semaine de la mode de Paris où défilaient les collections printemps-été 2019 a été le théâtre de spectacles controversés autant que de l’adoubement de certains créateurs.

Loewe, printemps-été 2019. Photo DR

Valentino en bohème

Si Charles Aznavour n’est plus là pour chanter la Bohème, Pierpaolo Piccioli chez Valentino célèbre la belle liberté des artistes et des créateurs dont la pauvreté matérielle est une chance pour la créativité. Cette liberté s’exprime en brocards, cachemires et plissés traités avec une éblouissante maîtrise couture et chahutés par des chemises paysannes et des bérets, ainsi que des éléments sportswear chic, notamment les fameuses baskets Valentino devenues un must-have. Si l’on y retrouve un parfum de Saint Laurent, années Marrakech, cette collection est inspirée, selon son créateur, de la première communauté artistique utopiste, la Maverik Art Colony, fondée en 1905 au Nord de l’État de New York. Les carnavals bohèmes de cette communauté étaient déjà une préfiguration du Woodstock de 1969.


Celine sous Hedi Slimane

Le jeune créateur qui a forcé l’admiration de Karl Lagerfeld jusqu’à le convaincre de perdre la moitié de son poids pour entrer dans ses costumes vient de reprendre, après le majestueux parcours de Phoebe Philo, les rênes de la maison Celine (dont le logo a perdu son accent dans la foulée). Hedi Slimane n’a pas surpris, a même parfois déçu. Très attendu, il n’a cependant rien livré d’inattendu. Ses mannequins, plus maigres que jamais, étaient certes habillés (hommes et femmes) par Hedi Slimane, mais en Hedi Slimane. Les fans de la marque n’y ont pas retrouvé l’élégante, minimaliste et architecturale empreinte Céline. À l’extrême limite de la maigreur syndicale, les modèles arboraient des tenues très rock, très noires, très punks, souvent agrémentées de voilettes qui leur conféraient une attitude de poupées désarticulées. Clairement, Slimane a jeté aux orties le confort et la fluidité qui faisaient le succès de Céline pour poursuivre une chimère obsessionnelle qui fait son propre succès auprès d’une pléthore d’adorateurs.


Alexander McQueen : la force soit avec elles

Elle invoque son esprit, et il ne manque jamais de manifester sa présence. Sarah Burton est en totale harmonie, en infinie cohérence avec son mentor Alexander McQueen, disparu en 2010. Pas une collection où l’on ne retrouve avec émotion un prolongement de l’esthétique du maître, obsédé par l’histoire et l’héritage britanniques, se servant de la mode pour dénoncer et panser les injustices du passé et du présent ou anticiper un futur à la fois dystopique et émouvant. Pour la collection printemps-été 2019, Sarah Burton a interrogé l’esprit chevaleresque du Moyen Âge anglais, s’inspirant du monumental cheval blanc creusé dans la colline crayeuse d’Uffington. Empruntant couleurs et ses motifs à une tapisserie du XVIIIe siècle récemment acquise par la maison, elle a décliné un vestiaire aussi puissant que délicat, dédié à la force et à la beauté de la femme contemporaine, entre chiffon vaporeux et cuir protecteur.


Sonia Rykiel, allée Sonia Rykiel

C’est la première fois que Paris consacre une rue à un grand nom de la mode. Mais le nom de Sonia Rykiel est si intimement associé aux événements de mai 1968, la créatrice ayant assisté en direct, lisant et tricotant derrière sa vitrine, aux volées de pavés d’une barricade à l’autre, qu’à l’occasion du 50e anniversaire de sa fondation, l’enseigne avait édité des sacs cubiques baptisés Pavés. Il était donc légitime que ce tronçon du boulevard Raspail fût baptisé allée Sonia Rykiel. Et c’est donc sous les lampions du marché y attenant qu’a eu lieu le défilé printemps-été de la marque, avec des mannequins arborant des cabas remplis de légumes, de longues robes en macramé à franges et de grands tricots à rayures, autant de symboles, avec la baguette, de la vie parisienne au quotidien, certains mannequins ayant même défilé avec des chiens ou avec mari et enfants.


Hermès sous le vent

C’est à l’hippodrome de Longchamp, sans surprise, qu’Hermès, maison de qualité et de savoir-faire issue de la tradition du harnais et de l’équipement des attelages, a présenté sa collection printemps-été 2019 dédiée à la vie au grand air et surtout l’air marin.

Entre piano et vent, futurisme et patrimoine, on a vu des cols prendre la forme de selles, des selles se transformer en robes, des cordages servir d’épaules à des tuniques, s’insérant dans des anneaux métalliques subtilement rouillés par le vent du large. Pure poésie.


Stella plus Beatles que jamais

L’écologiste anglaise a offert une collection d’une audace pop extrêmement rafraîchissante, toute d’humour so british et de matières naturelles et végétales, même le cuir. Palette poudrée et fleurie, pour l’homme comme pour la femme, revers démesurés aux pantalons comme aux vestes et chemises, combinaisons d’ouvriers comme pour inviter chacun à se remettre au travail manuel et à l’huile de coude, élégances nocturnes taillées dans des robes de fées, les mêmes qui font des sarabandes dans certaines forêts et châteaux hantés de l’Angleterre profonde. La collection, tout en confort, sensualité tactile et poésie a réjoui plus d’un.


Miu-Miu, les ciseaux pour le dire

C’était un peu comme la toile de Banksy s’autodétruisant au premier coup de marteau du commissaire-priseur. La collection Miu-Miu printemps-été 2019, aussi puissante en termes de couture que visuellement brute, avait subi en coulisses un rare acharnement de ciseaux sur des tissus déjà martyrisés, jeans délavés et autres toiles artificiellement vieillies. Dans la logique de la collection Prada présentée à Milan quelques jours plus tôt, Miuccia Prada donnait un coup de pied dans la fourmilière du vestiaire bourgeois, n’en flattant les codes que pour mieux les ébouriffer. Pour la joliesse, il faudra repasser, mais pour la beauté, cela touche au sublime, au sens XIXe siècle du terme : « Plaisant sentiment d’horreur ».


Loewe, plein les yeux

C’est une collection Op’art qu’a imaginé l’Irlandais Jonathan Anderson pour la très madrilène Maison Loewe. Entre rayures contrastées et multitude d’effets cinétiques, tout semble bouger, même à l’état statique.

Faisant la part belle à l’artisanat, le savoir-faire et le cuir étant les points forts de l’héritage Loewe, le directeur artistique a multiplié les effets de franges et de lanières, les silhouettes tourbillonnantes, les effets de plumes et les contrastes de textures. Sur le carton d’invitation, véritable vanité moderne, on distinguait la tombe d’Oscar Wilde couverte de baisers au rouge à lèvres. Tout un programme.


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