Pio Raymond Chihane, enfant de la télé

Qui est Pio Raymond Chihane ? Son nom ne figure presque nulle part et il n’existe quasiment aucune information le concernant sur internet, hormis quelques photos dans lesquelles on aperçoit un jeune homme comme les autres à la plage ou en nature, avec des amis ou seul, toujours rieur.

Pourtant, son visage est familier à une grande majorité de Libanais. Parce que Pio Chihane n’est pas tout à fait comme les autres : à l’âge de vingt ans, il a déjà joué dans 8 séries et 2 films libanais. Tout commence en 2007 alors qu’il n’a que neuf ans. Cette année-là, Fadi Charbel, l’acteur de la série 3ayle 3a fared maylé, voit une photo de Pio sur le bureau de sa mère et, très intéressé par le visage de l’enfant, lui demande l’autorisation de faire un casting avec son fils. C’est un succès. « Peu à peu, d’autres réalisateurs et metteurs en scène ont commencé à m’appeler. Ils ont aimé comment je jouais. » C’est alors le début d’une carrière qui ne cessera d’évoluer au fur et à mesure que Pio grandit (on le retrouve entre autres dans Ajial, Kinda, Nadam…) jusqu’à la consécration en 2015, avec le Murex d’or du nouveau talent pour son rôle de délinquant dans la série 3ochk al-nisa2.

Sauf que tout parcours exceptionnel implique travail et contraintes, et quand on lui demande aujourd’hui comment c’était d’être un écolier célèbre, il répond, mitigé, que ça se jouait quelque part entre la fierté et l’épuisement. Car si le jeune Pio était quotidiennement arrêté dans la rue pour une photo, il y avait aussi le revers de la médaille. « On ne se rend pas compte quand on est enfant de ce qui se passe. Je ratais des jours d’école à cause des castings. Parfois, c’était très dur. Parfois, je haïssais ce travail qui m’obligeait à me lever plusieurs heures plus tôt, avant d’aller à l’école », se souvient-il.

Yeux et esprit

Une de ses plus grandes joies est d’avoir joué dans le long-métrage 3asfouri, réalisé par Fouad Alaywane en 2012 « C’était une belle expérience, la première fois que je jouais dans une grande production, j’étais habitué aux séries libanaises, et là, j’avais l’impression d’être à Hollywood. 3asfouri est un très beau film, très profond. Malheureusement les Libanais ne regardent pas beaucoup de films d’art et d’essai, ils préfèrent le commercial. » C’est que, pour Pio Chihane, la société libanaise, au même titre que de nombreuses sociétés consuméristes, a subi « un lavage de cerveau », elle « se contente de choses trop faciles, matérielles et, somme toute, superficielles ».

Mais le jeune acteur a une vision de l’art bien à lui et rêve de passer de l’autre côté de la caméra pour tourner son propre film. Il aimerait dénoncer à la fois les problèmes de corruption et le laxisme des citoyens, leur résignation. « L’art n’ouvre pas que les yeux, il ouvre surtout l’esprit à ce qui est invisible au quotidien. J’ai toujours cette phrase en tête que ma prof de philo nous avait dite quand on était en terminale : l’esprit, c’est comme un parachute, si on ne l’ouvre pas, on s’écrase. » Sauf qu’entre l’esprit et l’art, il y a la nature. Et de nature, le jeune homme est particulièrement friand. Se sentant l’âme aventurière, il voyage quand il peut (il a été récemment au Népal), à la recherche de calme et de spiritualité, curieux de tout explorer. « Je me sens simple dans la nature », affirme-t-il. Intéressé par la philosophie et porté par une intuition du religieux, il va régulièrement se ressourcer près des montagnes, et cela l’aide en tant qu’acteur et en tant qu’étudiant.Après avoir obtenu son baccalauréat au lycée Nahr Ibrahim il y a trois ans, intégrer l’université a été pour Pio Chihane une évidence, car « ça ne fait pas vivre, le métier d’artiste ». Il tente alors un premier semestre d’éducation sportive à l’Université libanaise, mais se tourne vite vers un univers qu’il connaît bien : celui de l’audiovisuel. Pour lui, tout est alors très simple : « Ma carrière d’acteur m’aide beaucoup, surtout pour les mots techniques que je connais grâce aux tournages. » Parvenant à jongler avec aisance entre les bancs de la fac et les plateaux de tournage, Pio Chahine n’a finalement jamais cessé de jouer depuis ses 9 ans. Après 108 jours d’enregistrement, on le retrouvera dans la série Thawrat al-fellahine, qui sortira en octobre.