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Lifestyle - La Mode

L’irrésistible ascension de Slimi

En 2013, nous évoquions déjà dans ces mêmes colonnes le jeune prodige de Enfé lancé par Aïshti puis Roberto Cavalli, devenu directeur visuel régional de la maison Saint Laurent à seulement 23 ans. Cinq ans plus tard, nous retrouvons Sleiman Dayya, dit Slimi, à la tête de « Slimi Magazine », le trimestriel sexy chic qui challenge les plus grands.


Le mannequin français Cora Emmanuel pose pour « Slimi Magazine ».

À une certaine époque, pour être sûr de rencontrer Sleiman Dayya, il suffisait de longer, en période de collections, les vitrines des magasins de la chaîne Aïshti au centre-ville de Beyrouth. Coiffé d’une charlotte, chaussé de couvre-pieds, ganté de blanc, il ressemblait alors à un mime ou à quelque artiste contemporain jouant les figurants dans une œuvre absconse. Les mannequins de vitrines étaient ses amies. Il les traitait avec une extrême douceur, s’excusant presque d’estropier l’une ou de décapiter l’autre pour la bonne cause. Le résultat était toujours fascinant, tant il avait le talent d’associer l’inassociable et de faire d’une apparente cacophonie une petite merveille. Et puis celui qu’on appelait Slimi avait disparu. On nous disait qu’il était à Dubaï et on l’imaginait, dans la ville émiratie, composant d’autres vitrines dans le ronflement obsédant de la climatisation. La réalité était autrement scintillante. Repéré par les équipes de Roberto Cavalli qui, comme toutes les grandes marques du réseau Aïshti, se rendaient sur le terrain pour approuver la présentation des produits, il avait déjà le pied à l’étrier d’un cheval fou. La qualité de son travail attire, sur le site LinkedIn, des recruteurs de chez Saint Laurent. Huit rencontres et interviews plus tard, il est engagé par la maison parisienne pour diriger l’ensemble de son marketing visuel dans les pays du Golfe. Non seulement Slimi décore les vitrines et veille à l’agencement des produits en boutiques : sa présence est requise à Paris pour contribuer à la préparation des défilés et des showrooms lors des saisons de la mode. Cette mission dure trois ans au bout desquels, fort d’une expertise plus que professionnelle, il est tenté de poursuivre son chemin en solo.


La foi d’une mère
Constatant la qualité insuffisante des magazines de mode imprimés dans les pays du Golfe, son idée est de créer un support de très haut niveau avec l’aide des grandes agences de mannequins à la direction desquelles il compte plus d’un ami. Les plus belles femmes, les plus belles images, les plus belles destinations, et naturellement le meilleur de la mode, voilà ce qui peuple ses rêves. Il se lance avec un budget relativement modeste de 60 000 dollars que lui assure celle qui dès le départ n’a jamais cessé de croire en lui : sa mère. Il choisit d’abord les photographes. Urivaldo Lopez, une grosse pointure dont il adore le travail, accepte de collaborer avec lui. Il deviendra le codirecteur artistique de Slimi Magazine, le trimestriel qui voit le jour avec un premier numéro explosif, présentant en couverture la top Txema Yeste et contenant non moins de douze shoots éditoriaux réalisés entre l’Inde, Paris et l’Espagne.

Pour le deuxième numéro, l’argent venant à manquer, Slimi se met en quête de partenaires. Nombreux sont ceux qui manifestent de l’intérêt à son projet sans pour autant donner suite à leur élan. Un jour, dans le cadre d’un petit événement, il croise un compatriote libanais qui travaille dans une banque à Dubaï. Ce dernier dit au jeune créatif qu’il suit son travail et qu’il aime ce qu’il fait. Slimi confie qu’il cherche des investisseurs et il entend son interlocuteur lui dire « I’m in ». Réunion dans un café : Slimi explique, les amis du banquier lui emboîtent le pas. Cent mille dollars sont levés pour réaliser l’un des plus beaux magazines de mode et de voyages de ces dernières années. Mais il faut donner du temps au temps, n’est-ce pas, et ce n’est qu’au 5e numéro que Slimi Magazine commence à vraiment devenir rentable, grâce à la contribution et à l’engagement des géants de la mode qui se passionnent pour ce support aussi décadent qu’ébouriffant. Entre-temps, le styliste accepte des missions en free-lance et investit tout ce qu’il gagne dans ce projet qui le dévore. Il entraîne toute son équipe en Afrique ou au Cap Vert, réalise des histoires somptueuses avec les plus belles créatures du monde. Les grandes agences, telle qu’Élite Paris, lui confient leurs plus beaux modèles gratuitement, sachant qu’il va les mettre en valeur mieux que personne, leur offrir sa couverture et une inestimable visibilité. Tout le monde est gagnant dans ces accords qui vont propulser le magazine en tête des ventes en kiosque, de New York à Paris en passant par Londres.


Beautés, puis icônes
Les portraits comme le stylisme, comme les atmosphères, comme l’audace et la sensualité atteignent dans ses pages une qualité rarement vue, même dans les supports les plus mythiques de l’édition de mode. Slimi Magazine est un des premiers à montrer des beautés qui vont rapidement devenir des icônes : Léa Julian, le mannequin incontournable des saisons 2018, fait déjà sa couverture en 2017. La sublime Mayowa Nicholas se voit proposer, pour sa part, après un shoot dans Slimi Magazine, de devenir le visage de Saint Laurent et Miu Miu. Slimi donne le thème, crée les fiches d’inspiration, soumet le tout aux créatifs et les équipes se mettent en route, sachant que chaque histoire est une aventure à part entière, souvent dans les lieux les plus sauvages ou improbables du monde.

Parallèlement à Slimi Magazine, Sleiman Dayya lance en ce moment deux aventures de poids. La première est la création d’un parfum en trois volets, boisé, fleuri, hespéridé, inspiré de son amour du Cap Vert. La seconde est une entreprise de stylisme curatorial, à travers laquelle il mettra en scène des produits de son choix sélectionnés parmi les créations des grandes marques. Pour ce qui est du magazine, un grand nom encore tenu secret est promis pour la prochaine couverture. Quand on lui demande sa vision de l’avenir de la mode, il répond que l’inspiration « vintage » va prendre le dessus pour longtemps, ainsi que le « upcycling » qui est une manière de sublimer l’usagé ou faire du neuf avec du vieux. Le secret de son succès ? La simplicité et l’amour. « Je n’ai jamais rencontré de diva dans ce métier. Nous travaillons tous dans la joie, sans comédie, sans tragédie. Les gens sont très simples et l’énergie qu’on dégage agit comme un miroir. »


Pour mémoire
La success story de Slimi

À une certaine époque, pour être sûr de rencontrer Sleiman Dayya, il suffisait de longer, en période de collections, les vitrines des magasins de la chaîne Aïshti au centre-ville de Beyrouth. Coiffé d’une charlotte, chaussé de couvre-pieds, ganté de blanc, il ressemblait alors à un mime ou à quelque artiste contemporain jouant les figurants dans une œuvre absconse. Les mannequins...

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