Iran : les avocats d'une militante condamnée pour espionnage fustigent un verdict illégal

Les avocats d'une célèbre militante des droits de l'Homme en Iran arrêtée en juin ont dénoncé mercredi sa condamnation à une peine de prison pour des accusations d'espionnage, soulignant qu'elle n'avait jamais été officiellement inculpée et qu'elle n'avait pas comparu devant le tribunal.

L'avocate de 55 ans Nasrin Sotoudeh avait été arrêtée en juin. Il lui avait alors été signifié qu'un tribunal révolutionnaire de Téhéran l'avait reconnue coupable "par contumace" pour des accusations d'espionnage, selon ses avocats.

Un des avocats, Payam Derafshan, a indiqué à l'AFP que le procès s'était tenu il y a un certain temps déjà. Mais selon lui, la peine (cinq ans de prison) n'a été appliquée qu'après qu'elle a défendu en début d'année des femmes ayant manifesté contre le port du voile, obligatoire en Iran. Un autre de ses avocats a estimé que son emprisonnement était illégal, parce qu'elle avait le droit à une remise en liberté sous caution en attendant son procès en appel. "Selon la loi, le tribunal doit libérer l'accusée sous caution jusqu'à ce qu'un verdict définitif soit prononcé", a indiqué l'avocat Mahmoud Behzadi à l'agence de presse officielle IRNA.

Les avocats assurent par ailleurs qu'aucune accusation d'espionnage n'a été officiellement retenue contre la militante, qui est poursuivie pour "propagande contre le système". "Il n'y a aucune preuve dans son dossier sur une accusation d'espionnage, aucun rapport du ministre des Renseignements expliquant pourquoi elle est une espion", a précisé à l'AFP Me Derafshan. Il assure qu'elle est aussi poursuivie pour son engagement contre la peine de mort. "Nulle part dans la loi il est indiqué que c'est un crime que d'appeler à l'abrogation progressive de la peine de mort" a souligné Me Derafshan à l'agence IRNA.

Me Sotoudeh a défendu plusieurs femmes arrêtées en décembre et janvier pour avoir enlevé leur foulard en public afin de protester contre l'obligation faite aux femmes de porter le voile dans l'espace public en Iran depuis la révolution islamique de 1979. L'avocate a été récompensée en 2012 par le Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit délivré par le Parlement européen. Par le passé, elle a défendu des journalistes et des militantes comme l'avocate et lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, ainsi que des opposants arrêtés lors des manifestations de 2009 contre la réélection à la présidence de l'ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Incarcérée de 2010 à 2013, elle avait observé deux grèves de la faim pour protester contre ses conditions de détention dans la prison d'Evine à Téhéran et l'interdiction qui lui était faite de voir son fils et sa fille. Elle a été libérée en septembre 2013 mais il lui est interdit de quitter l'Iran jusqu'en 2022.