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Moyen Orient et Monde - Russie

Pourquoi la réforme des retraites fait vaciller le pouvoir en Russie

Selon un sondage, 90 % des Russes s’opposent au projet des retraites et une pétition demandant son abandon a recueilli trois millions de signatures sur internet.

Plusieurs milliers de Moscovites ont défilé dimanche dans les rues de Moscou pour protester contre le projet de réforme des retraites. Vasily Maximov/AFP

C’est une épine dans le pied de Vladimir Poutine qui participe à éroder sa popularité, pourtant au beau fixe depuis l’annexion de la Crimée. Il ne s’agit pas de la Syrie, du respect des droits de l’homme, ou encore des sanctions occidentales contre la Russie mais d’un sujet beaucoup plus délicat pour le chef du Kremlin : la réforme des retraites. Celle-ci propose de relever progressivement à partir de 2019 l’âge de la retraite en Russie, de 60 à 65 ans pour les hommes et de 55 à 63 ans pour les femmes. Annoncé le jour-même de l’ouverture de la Coupe du monde de football en Russie, le projet permettra d’augmenter le montant des retraites et d’allouer davantage de fonds publics à la relance de la croissance, avait dit le Premier ministre, Dmitri Medvedev. Selon un sondage paru récemment, 90 % des Russes s’y opposent et une pétition demandant son abandon a recueilli trois millions de signatures sur internet.
Plusieurs milliers de Moscovites ont défilé dimanche dans les rues de la capitale russe pour protester contre le projet. Organisé par le Parti libertarien, le rassemblement a permis à de nombreux manifestants de scander des slogans hostiles au chef de l’État, qualifié de « voleur », et de réclamer que « le tsar s’en aille ».
Mis à mal par ce projet de réforme, Vladimir Poutine est toutefois encore maître du jeu pour le moment. Comme l’explique à L’Orient-Le Jour Igor Delanoë, directeur-adjoint de l’Observatoire franco-russe à Moscou, le morcellement de l’opposition joue en faveur du chef de l’État. Soucieux de ne pas déplaire à leur base d’électeurs, le Parti communiste russe et le Parti Russie Juste sont tenus d’exprimer un désaccord sonore et manifeste. Toutefois, ils ne dénoncent pas les autres aspects de la politique menée par Vladimir Poutine, et ont l’habitude de voter aux côtés du gouvernement. De son côté, « l’opposant Alexei Navalny joue aussi sa propre partition », décrypte M. Delanoë. Crédité de 27,2 % des voix à l’élection municipale de Moscou en 2013, le célèbre avocat et militant anticorruption a les yeux rivés sur celle de 2018*. Mais il n’est à la tête d’aucun parti et son message manque de résonance à l’échelle nationale.
Cet éclatement de l’opposition ne permet pas à une figure politique d’émerger et de capitaliser sur ce mouvement de contestation. Il faut aussi se rappeler que dans un pays de 144 millions d’habitants, la mobilisation reste très timide : la population russe n’a simplement pas l’habitude d’aller battre le pavé contre son gouvernement. Comme l’indique M. Delanoë, on est encore loin du « grondement de fond de nature à induire un renouveau de la vie politique russe ».

Le fusible Medvedev ?
Si le chef du Kremlin semble intouchable, ses boyards pourraient faire les frais de la colère populaire. Au plus bas dans les sondages depuis la publication d’une vidéo par Alexeï Navalny révélant une possible affaire de corruption, Dmitri Medvedev pourrait apparaître comme le bouc émissaire tout trouvé de cette réforme aussi impopulaire que nécessaire. Vladimir Poutine s’est bien gardé de prendre la défense de son gouvernement, ayant même déclaré que la réforme « ne peut pas plaire à la majorité écrasante de la population », alors qu’il en était vraisemblablement le commanditaire. Le renouvellement politique attendu à l’issue des élections de mars 2018 pourrait finalement se concrétiser, si l’adoption de cette réforme se révélait fatale pour le gouvernement Medvedev. Toutefois, l’identité de son successeur reste un mystère : comme le rappelle à L’OLJ Florent Parmentier, responsable du Policy Lab à Sciences-Po, peu de personnalités politiques russes semblent aujourd’hui taillées pour cet exercice à hauts risques.
En 1721, Pierre le Grand repoussait les frontières de son empire jusqu’à la mer Baltique, après 21 années de lutte contre l’Empire suédois. En 2014, il n’aura fallu qu’un mois à Vladimir Poutine pour annexer la Crimée et asseoir son emprise sur la mer Noire. Toutefois, ce qui a fait la renommée du premier manque encore au second : la mise en œuvre de réformes structurelles salutaires pour l’économie russe. Alors que Pierre le Grand modernise son pays et s’attache à rattraper le retard économique et scientifique pris sur les monarchies européennes, Vladimir Poutine est à la tête d’une Russie à l’économie déclinante, gangrenée par la corruption, où 20 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
Si Vladimir Poutine s’est toujours montré plus intéressé par la diplomatie internationale que par les problématiques socio-économiques de son pays, le mandat acquis en 2018 ne s’inscrit pas dans cette continuité. Le chef de l’État russe semble dorénavant convaincu qu’il ne peut rivaliser avec les États-Unis ou la Chine tant que son pays pointe à la 12e place du classement des pays, selon leur PIB. Derrière cette réforme, c’est sa capacité à remettre l’économie russe sur les rails de la croissance et de la compétitivité qui est en jeu.

C’est une épine dans le pied de Vladimir Poutine qui participe à éroder sa popularité, pourtant au beau fixe depuis l’annexion de la Crimée. Il ne s’agit pas de la Syrie, du respect des droits de l’homme, ou encore des sanctions occidentales contre la Russie mais d’un sujet beaucoup plus délicat pour le chef du Kremlin : la réforme des retraites. Celle-ci propose de relever...

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