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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Pourquoi Ankara reste un membre à part (entière) de l’OTAN

Le pragmatisme turc devrait au bout du compte prévaloir face aux différends entre les alliés.

Un étendard de l’OTAN, à Bruxelles. Reinhard Krause/Reuters

Un pied dans l’OTAN, un pied en dehors. Alors que le sommet qui réunit les membres de l’Alliance atlantique débute aujourd’hui à Bruxelles, la Turquie apparaît plus que jamais comme un membre à part.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan vient d’être fraîchement réélu à la tête de son pays à la suite d’une campagne où il a fait de l’antioccidentalisme l’un de ses thèmes favoris. Les rapports entre les États-Unis et la Turquie, pourtant alliés historiques, sont compliqués par de lourds désaccords sur le dossier syrien, cristallisés autour de la question des Kurdes, en parallèle d’un rapprochement turc avec la Russie et l’Iran. En faisant fi de la demande de Washington, le 26 juin, d’appliquer l’embargo contre l’Iran – le ministre turc de l’Économie, M. Zeybekci, a déclaré que les relations économiques avec l’Iran perdureraient en dépit des sanctions–, Recep Tayyip Erdogan a inscrit un peu plus la diplomatie turque dans une logique d’émancipation vis-à-vis de l’alliance.


(Lire aussi : Dans le monde de Trump, quelle place pour l’Alliance atlantique ?)


Les membres de l’OTAN craignent aujourd’hui plus que jamais que l’allié turc ne passe dans l’autre camp, celui dominé par Moscou et Téhéran. « Le président Erdogan entreprend depuis 2014 un processus de développement de l’industrie militaire turque et de diversification de ses sources d’importations pour limiter sa dépendance à l’égard de l’OTAN », explique à L’Orient-Le Jour Jana Jabbour, docteure associée au CERI/Sciences Po et spécialiste de la Turquie. Ankara a confié la construction de sa première centrale nucléaire aux Russes, dont le coup d’envoi a été célébré par une visite du président russe Vladimir Poutine sur les lieux début avril, et avec qui M. Erdogan a forgé une relation personnelle étroite ces dernières années. En décembre dernier, elle a acheté le système de défense antimissile russe S-400, un concurrent plus sophistiqué du Patriot américain. Vladimir Poutine a d’ailleurs profité de la rencontre début avril, symbole d’une relation florissante, pour annoncer l’avancée d’un an de la livraison des S-400, de 2020 à 2019. De quoi crisper davantage les Américains et leurs alliés : la vente d’armement s’accompagne de fait d’une maintenance, permettant aux ingénieurs russes installant et entretenant les batteries S-400 de pénétrer dans un dispositif militaire turc de fabrication issue de l’OTAN. Déjà perçue comme un partenaire peu fiable, la Turquie est désormais considérée comme un membre compromettant le système de défense de l’OTAN. C’est pourquoi, lors d’un vote le 19 juin, le Sénat américain a tenté d’annuler la livraison des avions de chasse F-35, dont la Turquie a commandé 100 exemplaires.
La Turquie a marqué sa prise de distance vis-à-vis de la diplomatie de l’Occident en s’engageant aux côtés de la Russie et de l’Iran dans le processus d’Astana, après qu’elle a vu son allié américain soutenir les groupes armés kurdes, qu’elle considère comme la principale menace à sa sécurité. Fort de sa nouvelle légitimité électorale, le président Erdogan compte jouer des cartes russe et iranienne autant que nécessaire pour faire pression sur ses partenaires et leur faire du chantage, « conscient du rôle incontournable de son pays dans les dossiers sécuritaires des réfugiés et de la lutte contre l’EI, ainsi que dans le règlement de la crise syrienne », affirme Bayram Balci, directeur de l’Institut français d’études anatoliennes à Istanbul.


(Pour mémoire : Turquie : le chef de l'OTAN félicite Erdogan pour sa victoire)


Pas d’alternative
Washington envisage actuellement d’appliquer des sanctions punitives contre Ankara pour le faire rentrer dans le rang. Les États-Unis prennent acte d’une série de contentieux judiciaires, comme la demande d’extradition de Fethullah Gulen, accusé d’avoir fomenté le coup d’État de 2016 contre M. Erdogan et l’arrestation de cinq citoyens américains en Turquie, dont le pasteur américain Andrew Brunson. « Ces sanctions ne sont pas le symptôme d’une rupture entre Washington et Ankara. Bien au contraire, à moyen et long terme, c’est le pragmatisme qui va prévaloir tant la Turquie est un pays pivot indispensable à la politique étrangère américaine », nuance Jana Jabbour. La Turquie abrite plusieurs bases américaines, dont celle d’Incirlik, qui s’impose comme la rampe de lancement des principales offensives militaires et missions de bombardement en Syrie et offre un rayon d’action couvrant tout le Moyen-Orient, notamment dans le cadre de la guerre contre l’État islamique. Washington devrait également trouver en Ankara un allié précieux pour contenir l’influence iranienne dans la région, véritable repoussoir de l’administration Trump.
S’il est vrai que le président Erdogan joue sur les deux tableaux, les intérêts économiques et sécuritaires de la Turquie dépendent largement de l’Occident.


(Pour mémoire : Livraison controversée du premier F-35 à la Turquie)


Économiquement, la Turquie est ancrée à l’Ouest, la plupart des investisseurs étrangers sont européens, les marchés les plus sûrs pour ses exportations sont en Europe. Pressé de relancer une économie turque chancelante, M. Erdogan a aujourd’hui fondamentalement besoin de renouer avec l’Europe. De même que la sphère de protection que lui procure l’alliance transatlantique est « indispensable à la Turquie pour équilibrer son rapport de force avec l’Iran et la Russie, avec qui les relations ont été inégales et hostiles dans le passé », rappelle Jean Marcou, conférencier spécialiste de la Turquie à Sciences Po Grenoble. Quels que soient les flirts tactiques entrepris par M. Erdogan, « ni la Russie, ni l’Iran, ni l’Organisation de coopération de Shanghai ne représentent des alternatives stratégiques crédibles à son engagement dans l’OTAN », affirme Jana Jabbour. Les relations entre la Turquie, l’Iran et la Russie nées de leur modus vivendi en Syrie restent fragiles et circonstancielles. La Turquie a récemment affirmé que si, après avoir reconquis Deraa au sud, le régime de Damas lance avec le soutien russe une offensive au nord sur la région d’Idleb, la dernière encore sous contrôle de la rébellion, elle quittera le processus d’Astana sur la Syrie. D’autant plus que lors de l’épisode de Manbij début juin, les États-Unis et la Turquie, au bord de la confrontation militaire, ont finalement fait le choix de la coopération pour préserver leur partenariat historique, signe que l’heure semble être au compromis entre les alliés de l’OTAN.


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commentaires (2)

DE NOM SEULEMENT... PERSONNE A L,OTAN N,A PLUS CONFIANCE EN LA TURQUIE DU MINI SULTAN GENOCIDAIRE DES KURDES !

LA LIBRE EXPRESSION

15 h 22, le 11 juillet 2018

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Commentaires (2)

  • DE NOM SEULEMENT... PERSONNE A L,OTAN N,A PLUS CONFIANCE EN LA TURQUIE DU MINI SULTAN GENOCIDAIRE DES KURDES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    15 h 22, le 11 juillet 2018

  • Beaucoup de littérature pour peu de choses! En réalité la Turquie étant une force fasciste elle s'est exclue d'elle même de l'OTAN .. Pour le reste, il est vrai que l'Iran, la Russie ou autres puissances régionales la courtisent dans l'espoir d'atteindre et de porter préjudice au camp adverse... Où réside la fiabilité d'un tel membre d'une organisation ou une alliance militaire ? On en fera jamais d'un ane un cheval de course!

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 15, le 11 juillet 2018

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