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Idées - Point de vue

Sauvons l’éducation pour sauver le Liban

Une enfant syrienne apprenant sur ordinateur à l’école publique de Mtein en mai 2016. Archives Reuters

La richesse et le développement du Liban résident depuis longtemps dans la qualité de son éducation. Face au changement exponentiel déclenché par la révolution technologique, nous devrions être occupés à débattre de la modernisation de notre système éducatif afin de le rendre compatible avec les défis mais également les avantages liés à cette nouvelle ère. Au lieu de cela, nous assistons à l’effondrement du système éducatif puisqu’une grave crise touche les écoles privées – confrontées à des problématiques de financement suite à l’entrée en vigueur, en août dernier, de la nouvelle grille des salaires des enseignants du privé et du public –, alors qu’elles ont toujours été les garantes d’une éducation de qualité au Liban.

De plus, il est temps de reconnaître que notre système éducatif est, à l’instar d’une grande partie des systèmes modelés pour répondre aux exigences de la révolution industrielle, à maints égards obsolète et plus tout à fait adapté pour fournir le type de compétences nécessaires à l’ère de la connectivité. En 2015, à l’Assemblée générale des Nations unies, la Commission internationale sur le financement de l’éducation à l’international a déclaré : « La génération actuelle de jeunes est confrontée à un monde en pleine mutation. Près de la moitié des emplois dans le monde – environ 2 milliards – risque fort de disparaître (...) La demande de compétences de haut niveau augmentera et de nombreux emplois peu qualifiés et moyennement qualifiés deviendront obsolètes. »


(Lire aussi : Bkerké dénonce les dettes de l’État envers les écoles gratuites, les hôpitaux et les associations)


Apprendre à innover
Aujourd’hui, il est difficile d’identifier clairement les emplois du futur. Cependant, il semble y avoir un consensus général sur les compétences requises pour permettre aux jeunes et de travailler avec souplesse au XXIe siècle. Si la lecture, l’écriture et les mathématiques restent naturellement essentielles, elles ne suffiront plus pour leur permettre de s’adapter dans un monde en constante évolution. La vitesse, la portée et l’impact de cette révolution technologique sont sans précédent et seront très perturbateurs partout. Des compétences telles que le « leadership » ; l’alphabétisation numérique ; la communication; la créativité ; l’entrepreneuriat ; le développement d’une pensée critique ; ou le travail d’équipe doivent donc être désormais transmises, parfois dès le plus jeune âge. Le talent va devenir un énorme atout et il doit être identifié et développé pour chaque enfant. L’éducation doit devenir plus flexible et modulaire pour stimuler la créativité des enfants au lieu de la tuer. Ce sont les jeunes et leurs intérêts, et non les marchés, qui vont dessiner le futur. Il est donc crucial qu’ils apprennent à innover.

Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui n’est certainement pas celui que nous souhaitions pour nos enfants. Nous sommes confrontés à des inégalités croissantes, à la violence et à l’extrémisme. Nous devons reconnaître que, dans une certaine mesure, ce monde est le produit de nos systèmes éducatifs. De nombreux chercheurs du monde entier croient fermement que les jeunes doivent être dotés de compétences telles que l’empathie et la compassion, et que cela commence dès la maternelle. Nos enfants sont les leaders, les politiciens, les penseurs, les scientifiques et les économistes du futur. Un nouvel état d’esprit est nécessaire afin que les jeunes d’aujourd’hui réalisent que les réalisations sociales et écologiques sont aussi importantes que les réalisations financières et même indispensables pour mener à des sociétés pacifiques, inclusives et durables.
Aucun pays n’est à l’abri de ces défis et tous doivent donc repenser intégralement leur système éducatif. Chaque pays doit identifier sa propre vision et développer sa propre stratégie, incluant le curriculum sous sa forme la plus large– les manuels, mais également les paradigmes de prestations qui identifient les rôles des enseignants, des technologies et même des partenaires–, selon des modalités d’élaboration et de mise en œuvre liées à ses capacités. Ces 3 dernières années, j’ai eu l’occasion de visiter 43 pays, et de discuter de ces enjeux avec leur ministre en charge de l’Éducation et même parfois avec leur chef de l’État. Tous ont compris l’importance des enjeux et sont mobilisés à 100 %. Le Rwanda, par exemple, a fait un énorme bond en avant en investissant dans l’éducation et en utilisant les opportunités qu’offre la révolution technologique.


(Lire aussi : Comment aider les jeunes à mieux décrypter les flux d’informations)


La mère des réformes
Au Liban, les problèmes sont multiples et on a l’impression que tout est urgent : c’est peut être le cas. Cependant, la réforme du système éducatif est la mère des réformes et tout en découle : la paix, l’économie, le développement, l’environnement, la recherche, le vivre ensemble, la démocratie, l’égalité des genres... Nous avons besoin d’un gouvernement qui soit à la hauteur de ce défi et qui soit convaincu de l’importance de l’éducation et de l’urgence de cette réforme, même si ses résultats ne sont pas immédiats et ne permettent pas de récolter des avantages électoraux.
Cette réforme – qui doit inclure les écoles privées – nécessitera certes des ressources importantes mais nous n’accepterons pas que le manque de ressources soit utilisé comme motif pour ne rien faire. Nous savons que les ressources existent et qu’il est possible d’en collecter bien plus.
Ce qui manque, c’est la vision et la volonté politique pour agir. Ce qui manque c’est un(e) ministre visionnaire, connaissant les enjeux, capable de motiver toute la classe politique, la société civile, le secteur privé et les partenaires étrangers. Un grand nombre de Libanais(es) ont les compétences et les qualités requises pour mener à bien une telle réforme. Les calculs communautaires et partisans pour la constitution du gouvernement n’intéressent que moyennement les Libanais, ce qui les intéresse, c’est plutôt les compétences des personnes qui vont occuper ces postes et leurs capacités à trouver des solutions à leurs problèmes. Le futur du Liban et de tous ses enfants en dépend et la révolution technologique ne nous attendra pas.

Diplomate, intervenante à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.


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commentaires (5)

Tout à fait d’accord avec cet article J’ajouterai que le Liban ne progressera que si les écoles publiques seront du même niveau que les écoles privées

Assaf Amale michele

01 h 21, le 09 juillet 2018

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Commentaires (5)

  • Tout à fait d’accord avec cet article J’ajouterai que le Liban ne progressera que si les écoles publiques seront du même niveau que les écoles privées

    Assaf Amale michele

    01 h 21, le 09 juillet 2018

  • Education , argent , orientation , modernisme tout manque au Liban , et il faudra vite sauver l’éducation.

    Antoine Sabbagha

    21 h 10, le 08 juillet 2018

  • Il ya presque 50 ans le Amid Eddé dénonçait et critiquait les feuilles de Kleenex et les détritus qui décoraient la route du matar... Les déchets se sont accumulés depuis, les oiseaux se font massacrés par nos valeureux chasseurs, ces dames qui préparent nos mets s'occupent de nos enfants et nos vieux se font maltraiter, les carrières sont gérer par des génies du dollars... L'éducation,l'éducation... civisme, civisme, Ah qu'est-ce qu'ils nous manquent...

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