Faute de prévenir, il est toujours bon de guérir. Cela semble en tout cas être la ligne de conduite de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et du Koweït dans leur politique vis-à-vis de la Jordanie. Après avoir refusé de soutenir financièrement le royaume hachémite l’année dernière, les pétromonarchies du Golfe sont venues à son secours le 11 juin dernier en lui accordant une aide de deux milliards et demi de dollars, pour lui permettre de calmer la gronde populaire qui commençait à menacer le pouvoir. Des milliers de personnes, issues des classes moyennes et populaires, s’étaient rassemblées pendant plusieurs jours à Amman pour manifester contre une réforme fiscale. Le spectre d’un nouvel avatar du printemps arabe a sans doute incité les monarchies du Golfe à venir rapidement à l’aide de leur allié. Mais d’autres considérations sont certainement entrées en jeu, notamment la volonté d’infléchir la politique jordanienne sur plusieurs dossiers régionaux.
Depuis deux ans, la position de Amman n’est globalement pas en phase avec celle de Riyad, Abou Dhabi et Koweït sur des dossiers majeurs. La Jordanie n’a pas interdit l’organisation des Frères musulmans, contrairement à ses bailleurs de fonds ; n’a pas participé fortement au boycott du Qatar, se contentant de rappeler son ambassadeur ; et n’a pas non plus pris part autant que Riyad le souhaitait à l’intervention militaire au Yémen de la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite contre les rebelles houthis. Autre point de divergence : la politique de l’administration Trump vis-à-vis du conflit israélo-palestinien. En tant que gardien des Lieux saints de Jérusalem, Amman a vivement critiqué l’inauguration en mai dernier du transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, alors que les pays du Golfe se sont contentés d’un soutien minimal aux Palestiniens. « L’alliance de la Jordanie avec l’Arabie, l’Égypte et les Émirats a été négativement affectée par plusieurs dossiers, dont le Qatar, les Ikhwane et le fait qu’Amman ne soit plus l’allié (arabe) le plus important dans la région pour les États-Unis », confirme à L’Orient-Le Jour Amer al-Sabaileh, directeur de l’Institut d’études des médias et des politiques du Moyen-Orient (Mempsi), basé à Amman.
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Partenariat stratégique
La Jordanie joue un rôle d’équilibriste pour sauvegarder au mieux sa neutralité voulue sur des dossiers de la région. Au moins la moitié de sa population est d’origine palestinienne et le régime jordanien, qui a signé la paix avec l’État d’Israël, considère qu’il a un droit de regard sur tous les possibles plans de paix concernant ce conflit.
La coalition d’intérêts qui se forme entre Washington, Riyad, Abou Dhabi et Tel-Aviv, qui ont tous fait de l’endiguement de l’Iran leur priorité régionale, a besoin du soutien de la monarchie hachémite pour valider le « deal du siècle » dont parlent les Américains depuis l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump – un deal promu cette semaine par le conseiller et gendre du président américain Jared Kushner et l’émissaire de l’administration américaine pour le Moyen-Orient, Jason Greenblatt, en tournée régionale.
Le soutien financier à la Jordanie pourrait entrer dans ce cadre. En décembre 2017, la députée jordanienne Wafa Bani Mostafa déclarait à al-Jazeera que le prince héritier saoudien Mohammad « ben Salmane et les Émirats arabes unis tentent d’asphyxier l’économie jordanienne jusqu’à ce qu’elle accepte leurs termes, se soumette à leur leadership dans la région, et consente au prétendu deal ultime de Trump ». « Il n’y a aucune volonté de façonner la position politique jordanienne. L’aide est minime, elle ne peut pas influencer la Jordanie », estime pour sa part M. Sabaileh. « Pour façonner la politique jordanienne, il faudrait un partenariat stratégique plus profond », ajoute-t-il.
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« La gifle du siècle »
Les détails du plan US restent toujours inconnus, même si certains indices aident à en identifier les contours, qui permettent de comprendre pourquoi il serait plus commode d’avoir Amman dans son camp. C’est une solution au rabais pour les Palestiniens que l’administration Trump se préparerait à annoncer. En février dernier à Jérusalem, et selon le site Middle East Eye, Jason Greenblatt aurait affirmé à des représentants de l’Union européenne que « les Palestiniens ne sont plus une partie prenante des négociations » ; qu’ils pouvaient participer au plan de Washington pour la région s’ils le voulaient, mais qu’ils étaient également « libres de faire le contraire ».
Dans ce plan mystérieux, la question de Jérusalem, cadenas dans le processus de paix israélo-palestinien jusque-là, serait réglée. La Ville sainte serait capitale d’Israël, tout en laissant la garde des Lieux saints à la dynastie hachémite. Pour la forme, la capitale de la Palestine serait le village densément peuplé d’Abou Dis, situé à quatre kilomètres à l’est de Jérusalem et où se situe l’université al-Qods. Le président palestinien Mahmoud Abbas a confirmé l’existence d’une telle proposition en la condamnant durant une réunion en janvier du conseil central palestinien, l’un des plus importants organes de décision de l’Organisation de libération de la Palestine.
À l’heure actuelle, aucun leader arabe ne peut officiellement accepter un tel plan, pas même Mohammad ben Salmane ou Mohammad ben Zayed, accusés dernièrement par un grand nombre d’acteurs du monde arabo-musulman d’avoir laissé tomber les Palestiniens. Il faudrait d’abord que les Palestiniens eux-mêmes l’acceptent, ce qui est invraisemblable alors que le président Mahmoud Abbas l’a défini comme la « gifle du siècle ». Washington et Riyad attendent probablement de Amman qu’il joue les intermédiaires dans ce dossier, afin d’infléchir la position palestinienne.
La visite officielle de lundi dernier du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu en Jordanie a porté sur « l’évolution de la situation dans la région et sur l’avancement du processus de paix, ainsi que des relations bilatérales », selon le communiqué de son bureau. Au sujet de Jérusalem, l’on pouvait lire que « M. Netanyahu a réitéré l’engagement d’Israël à respecter le statu quo dans les Lieux saints », répondant dans la foulée au leader de l’opposition israélienne Isaac Herzog qui aurait suggéré mardi 9 juin que l’Arabie saoudite pourrait remplacer la Jordanie dans le rôle de gardien des Lieux saints islamo-chrétiens de Jérusalem. En face, le communiqué du cabinet royal jordanien affirme la position de Amman en faveur de « la création d’un État palestinien sur les lignes de juin 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale, qui vivrait en paix et en sécurité aux côtés d’Israël ». Abdallah de Jordanie s’est envolé pour Washington jeudi dernier et doit rencontrer le président américain à la Maison-Blanche ce lundi, pour discuter notamment du processus de paix israélo-palestinien. À noter que Amman a rappelé la semaine dernière son ambassadeur à Téhéran, sans pour autant le remplacer pour l’instant.
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Il a peur surtout du fait que son royaume serve de patrie de substitution à la Palestine usurpée, mais ce qui est terrible c'est que des arabes du golfe servent d' envoyés pour le compte disrael, et pas n'importe lesquels, des rois et des princes, ceci pour dire que quand on parle "Des arabes" on ne désigne qu'une poignée de fripouille à la solde de ....
09 h 29, le 23 juin 2018