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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

L’administration Trump fait un énième pied-de-nez à l’ONU

L’ambassadrice des États-Unis aux Nations unies a annoncé mardi soir le retrait de Washington du Conseil des droits de l’homme.

L’ambassadrice des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, lors de sa conférence de presse avec le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, mardi à Washington. Toya Sarno Jordan/Reuters

Après avoir longtemps agité la menace d’un retrait du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Washington a fini par sauter le pas.
 « Nous prenons cette mesure parce que notre engagement ne nous permet pas de continuer à faire partie d’une organisation hypocrite et servant ses propres intérêts, qui fait des droits de l’homme un sujet de moquerie », a justifié mardi devant la presse la représentante américaine aux Nations unies, Nikki Haley, aux côtés du secrétaire d’État Mike Pompeo. « Pendant trop longtemps, le Conseil des droits de l’homme a protégé les auteurs de violations des droits de l’homme et s’est transformé en cloaque de partis- pris politiques », a-t-elle fustigé.Le CDH a été créé en 2006 pour promouvoir et protéger les droits humains à travers le monde, mais ses rapports ont souvent contredit les priorités américaines. En particulier, le fait qu’Israël soit le seul pays au monde ayant un point fixe (appelé point 7) à l’ordre du jour de chaque session, soit trois fois par an, provoque la colère des États-Unis. Si l’alliance entre Washington et l’État hébreu est historique, la relation entre les administrations américaine et israélienne s’est d’autant plus renforcée depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2017. Défendant bec et ongles l’allié israélien, Mme Haley a notamment dénoncé le fait que « les régimes les plus inhumains échappent à tout examen » avant de souligner que l’État hébreu a été la cible de cinq résolutions récemment, soit « davantage que la Corée du Nord, l’Iran et la Syrie réunis ».
Sans surprise, la mesure a été saluée hier par l’État hébreu. « Israël remercie le président Trump, le secrétaire (d’État Mike) Pompeo et l’ambassadrice Haley pour leur décision courageuse contre l’hypocrisie et les mensonges du soi-disant Conseil des droits de l’homme de l’ONU », ont déclaré les services du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans un communiqué. « Depuis des années, le CDH a prouvé qu’il était une organisation anti-israélienne biaisée, hostile, qui a trahi sa mission de défendre les droits de l’homme », ont-ils insisté.
Le ton était toutefois bien différent du côté des pays membres alors que des diplomates du monde entier ont défendu le CDH hier. Le ministère russe des Affaires étrangères a notamment dénoncé le « cynisme grossier » des États-Unis et leur « mépris envers les Nations unies ». L’Union européenne a pour sa part affirmé être « résolument engagée dans le CDH » et a ajouté qu’elle allait continuer à essayer de régler les problèmes de cet organisme malgré le retrait américain.

« Unilatéralisme à courte vue »
Si la décision de l’administration Trump est radicale, elle est loin d’être un tournant. « Le message des États-Unis s’inscrit dans une continuité historique et il est cohérent avec la pensée conservatrice depuis Ronald Reagan », rappelle Corentin Sellin, professeur agrégé d’histoire et spécialiste des États-Unis, contacté par L’Orient-Le Jour. Depuis 2006, la relation entre Washington et le CDH est loin d’avoir été un fleuve tranquille. Les États-Unis n’ont pas siégé à l’organe onusien situé à Genève entre 2006 et 2009, en raison de la défiance envers le multilatéralisme de l’ancien président républicain George W. Bush, appuyé par l’ancien ambassadeur américain à l’ONU, John Bolton, désormais conseiller à la Sécurité nationale de M. Trump. Le 45e président américain s’aligne donc sur cette même vision, considérant la diplomatie onusienne comme « non seulement coûteuse, mais entravant également les intérêts américains », observe M. Sellin. Cette mesure s’ajoute au retrait américain de l’Unesco et à la coupure de plusieurs financements à des organes de l’ONU, dont l’Unrwa, alors que M. Trump a l’organisation internationale en ligne de mire depuis le début de sa campagne présidentielle.
Mme Haley et M. Pompeo ont tout de même insisté sur le fait que les États-Unis resteraient un héraut des droits de l’homme dans le monde lors de la conférence de presse. Une position qui rend plus difficile la tâche américaine de couvrir l’État hébreu au sein de l’organe onusien. En siégeant au CDH, Washington « parvenait à réguler l’antisionisme primitif de certains pays », précise M. Sellin. Mais l’administration américaine baigne désormais dans « un unilatéralisme à courte vue qui peut en fin de compte se retourner contre les objectifs originaux » de Washington, ajoute-t-il.
Cette annonce intervient par ailleurs au lendemain de vives critiques du haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad el-Hussein, contre la politique « inadmissible » et « cruelle » des autorités américaines de séparation d’enfants de leurs parents sans-papiers à la frontière mexicaine, qui chamboule la scène politique nationale ces derniers jours. À cet égard, « le timing de la mesure de se retirer du CDH est singulier, M. Trump renchérit au lieu de modérer » le débat sur la question des droits de l’homme, note M. Sellin. Selon l’expert, la prise de décision rapide pourrait aussi être une « vendetta personnelle » face à M. el-Hussein qui avait appelé dans un discours à La Haye en septembre 2016 à rejeter « la banalisation de la bigoterie » par des populistes tels que M. Trump, alors candidat à la présidentielle américaine à l’époque.

Après avoir longtemps agité la menace d’un retrait du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Washington a fini par sauter le pas.  « Nous prenons cette mesure parce que notre engagement ne nous permet pas de continuer à faire partie d’une organisation hypocrite et servant ses propres intérêts, qui fait des droits de l’homme un sujet de moquerie », a justifié...

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