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Liban - Ressources hydrauliques

Pénurie d'eau au Liban : cet été s'annonce infernal

Nous disposerons de moitié moins d’eau que l’an passé, selon une étude effectuée par l’USJ et financée par l’Unicef.

Pour leur étude, les chercheurs ont choisi de se concentrer sur la source de Afqa (Jbeil), profitant des données sur la neige et l’eau fournies par la station de Laqlouq. Photo diak/Bigstock

L’été à venir risque d’être chaud : après un hiver particulièrement clément et des températures trop hautes pour la saison, une étude prévoit avec une précision inédite l’ampleur de la sécheresse dans les mois à venir, montrant que l’eau disponible au cours de la période sèche représentera cette année moins de la moitié du volume de l’année précédente.

L’étude, effectuée conjointement par le département de géographie de l’Université Saint-Joseph et par le Centre régional de l’eau et de l’environnement (Creen) de l’École supérieure d’ingénierie de Beyrouth (ESIB, également à l’USJ), avec un financement de l’Unicef, a produit des résultats sans appel, annoncés récemment au cours d’une conférence. Wajdi Najem, vice-recteur à l’administration de l’USJ et ancien doyen de l’ESIB, spécialiste en eau, ainsi que Janine Somma et Charbel Abou Chakra, chercheurs au département de géographie, qui effectuent des études sur la neige, notamment avec un matériel de télédétection, détaillent les conclusions de l’étude pour L’Orient-Le Jour. Antoine Allam, chercheur au CREEN, a également participé à l'étude. 

Les chercheurs ont choisi de se concentrer sur la source de Afqa (Jbeil), profitant des données sur la neige et de l’eau fournies par la station de Laqlouq – une des stations météorologiques installées à l’initiative de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et son laboratoire CESBIO, ainsi que celle du CNRS libanais –, ainsi que des données de la météo de l’aéroport. Les spécialistes s’accordent à dire que le niveau d’enneigement cette année était inférieur aux années précédentes et que les températures en haute montagne étaient nettement plus élevées : les températures inférieures à zéro n’ont été enregistrées que durant cinq jours à Laqlouq, contre 37 l’année dernière, suivant les données de la station dans cette localité.


(Lire aussi : « La solution pour alimenter Beyrouth en eau est prête mais les responsables n’en veulent pas »)


La fonte des neiges, à d’autres périodes
L’étude s’est fondée sur des calculs précis sur Afqa, avec un recul dans le temps. Et la conclusion est la suivante : même comparé avec l’époque qui s’est étendue de 1965-1966 à 1973-1974, la période qui s’étend grosso modo de 2007 à aujourd’hui n’a pas vu une grande variation dans le volume annuel d’eau disponible, puisque la moyenne annuelle était de 116,2 millions de mètres cubes dans le passé, contre 117,6 millions de mètres cubes aujourd’hui.

Qu’est-ce qui a changé alors ? Une nette modification du régime hydrologique des précipitations et de la fonte des neiges a déplacé la période à laquelle le débit de l’eau est le plus fort et celle à laquelle il est le plus bas, expliquent les spécialistes. Ainsi, le graphe réalisé pour l’étude montre que dans les années 60-70, en avril, un peu plus de 70 % de l’eau s’était déjà écoulée (donc de l’eau qui n’est plus disponible), ce qui laissait une moyenne d’un peu moins de 30 % pour l’approvisionnement en eau durant l’été. Actuellement, cette moyenne en avril est calculée à près de 81 %, ne laissant pour la saison sèche qu’un peu moins de 18 % de l’eau disponible. « Cela signifie que nous avons perdu annuellement une moyenne de 12 millions de mètres cubes d’eau pour l’été, sachant que les températures plus élevées et la densité démographique ont nettement augmenté les besoins », affirme Wajdi Najem.

Il explique pourquoi la neige est cruciale dans l’alimentation des cours d’eau et dans l’approvisionnement en eau au cours de la saison sèche. « Quand il pleut, l’eau ruisselle et est entraînée dans les cours d’eau jusqu’à la mer, souligne-t-il. Alors que la neige dure un certain temps, et sa fonte progressive permet d’alimenter ces sources et cours d’eau plus tard dans l’année, d’où un approvisionnement équilibré durant la saison sèche. »


(Lire aussi : Un documentaire sur l’état scandaleux du Litani)


De 17 millions… à environ huit !
Il est évident que les variations d’une année à l’autre sont une réalité à prendre en compte. Et cet été risque d’être particulièrement sévère, comme le démontre l’étude, qui a fait des calculs de prévision basés sur les données concernant les précipitations et les températures jusqu’à fin avril. « La conclusion de l’étude, c’est que nous disposerons d’environ huit millions de mètres cubes seulement pour l’approvisionnement en eau à partir de mai, souligne Wajdi Najem. Une rapide comparaison avec l’année dernière nous permet de mesurer le manque à combler, puisque nous disposions alors de 17 millions de mètres cubes à la même période ! »

Un été difficile en perspective, donc, qui viendra à coup sûr aggraver les problèmes de gestion que l’on connaît. Ainsi, les experts rappellent que 75 % de notre eau est toujours utilisée pour l’irrigation, alors que les besoins de la population en eau potable vont croissant. Janine Somma souligne dès lors l’importance « de la sensibilisation de la population au plus vite à la nécessité de rationaliser l’utilisation de l’eau ». L’amélioration de la gestion des ressources hydrauliques et l’éducation sont les deux domaines dans lequel il est possible d’intervenir, affirment-ils.

Le défi de l’approvisionnement en eau, véritable problème au Liban, notamment depuis qu’il accueille plus d’un million de réfugiés sur son sol, a motivé l’Unicef à être partenaire de cette étude, comme l’expliquent à L’OLJ Olivier Thonet, chef du service de l’eau, et Jad Maalouf, chef du projet dans le cadre duquel cette étude a été financée. « En tant qu’acteur sur la scène libanaise, nous nous sentons concernés par une étude qui détermine avec précision la période à laquelle la pénurie d’eau sera le plus sévère, explique Jad Maalouf. D’autant plus que pour l’USJ, ces données pourront servir à alerter les autorités sur la gravité de la situation. »

Deux degrés en une quarantaine d’années
Si la situation est si grave aujourd’hui, à quoi faut-il s’attendre à l’avenir ? Les experts pensent qu’il s’agit d’une tendance qui va se poursuivre. Wajdi Najem évoque les modèles réalisés sur la neige et le changement climatique par le Creen durant près de vingt ans, et la courbe des températures qui montre que la moyenne sur l’année au Liban est désormais de deux degrés supérieure à celle qui était enregistrée dans les années 60-70.

Que faudrait-il craindre avec une fonte des neiges à un rythme différent et un régime de précipitations modifié ? Si cette tendance de réchauffement se poursuit, le stock neigeux risque d’en souffrir considérablement : il représente déjà la moitié environ de ce qu’il était dans les années 70, déplorent les experts, et cela pourrait empirer. De plus, s’il y avait davantage de pluies et moins de neige, on pourrait craindre un débit accru des fleuves à certaines saisons, d’où un risque d’inondations et des périodes de sécheresse plus longues au cours de l’année, expliquent les spécialistes.

Reste une question : les autorités libanaises seront-elles concernées par des données aussi alarmantes ? La nécessité d’adapter l’infrastructure à cette situation changeante et de créer des structures de stockage supplémentaires se précise de plus en plus. Mais peut-on dire que la tendance des autorités libanaises à construire exclusivement de très grands barrages se justifie dans un tel contexte de pénurie croissante ? Peut-être que le plus urgent serait d’ouvrir un vaste débat sur cette question vitale.

L’été à venir risque d’être chaud : après un hiver particulièrement clément et des températures trop hautes pour la saison, une étude prévoit avec une précision inédite l’ampleur de la sécheresse dans les mois à venir, montrant que l’eau disponible au cours de la période sèche représentera cette année moins de la moitié du volume de l’année précédente....

commentaires (11)

oui c'est vrai .. les 100 000 000 se déverse dans la mer . alors qu'attendent les ministres concerner a entreprendre des constructions de barrages etc ... !?!

Bery tus

21 h 54, le 23 mai 2018

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Commentaires (11)

  • oui c'est vrai .. les 100 000 000 se déverse dans la mer . alors qu'attendent les ministres concerner a entreprendre des constructions de barrages etc ... !?!

    Bery tus

    21 h 54, le 23 mai 2018

  • Cette année il y aura du tourisme pour le Liban même des villes comme Brescia ( 200.000 habitants) je connais 2 voyages organisés un en Août et l'autre en Octobre, commente ils vont faire avec l'eau ?

    Eleni Caridopoulou

    20 h 18, le 23 mai 2018

  • Il n'y a pas de penurie de l'eau au Liban.Il y a plus de 100.000.000 de metre cube d'eau douce parjour qui se perd dans les cotes Libanaise Nous avons fait un Workshop au Parlement au mois de Fevrier 2015. Nous avons visiter Mr Berry et Mr. Tamam Salaam. Il n'y a pas de suite.Nous somme pret a reprendre cette tache avec toutes nos technicite' Eddy Arida Beterson Water international

    Eddy Arida

    13 h 42, le 23 mai 2018

  • Seul notre nouveau parlement pourra sauver cet été qui s'annonce infernal en l'arrosant de promesses irréalisables.

    Antoine Sabbagha

    13 h 28, le 23 mai 2018

  • Oh my God ! Encore une chose de plus qu'on va mettre sur le dos de ........ Lol.. ...

    FRIK-A-FRAK

    11 h 47, le 23 mai 2018

  • LA SOIF AU PAYS DE L'EAU ET DES RIVIERES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 37, le 23 mai 2018

  • Ca, malheureusement, on le sent venir depuis des mois... Et jusqu'à quand nous allons laisser aller à la mer, une eau de plus en plus rare et précieuse?

    NAUFAL SORAYA

    08 h 07, le 23 mai 2018

  • Il est urgent d'éduquer les libanais à la lutte contre le gaspillage.

    Yves Prevost

    07 h 14, le 23 mai 2018

  • Il devient tres urgent de hater la construction des barrages

    Esber

    06 h 53, le 23 mai 2018

  • Désolé mais il peut pleuvoir cinq fois plus et il y aura toujours pénurie parce qu'une fois le droit de forer acquitté, l'accès à la nappe est en open bar (sans compteur et sans facturation) ce qui est un scandale. Toute consommation non adéquatement facturée, toute non résolution du problème du passager clandestin pour une ressource aussi éminemment publique et vitale que l'eau, est un désastre. Avant les hydrologues, les ingénieurs et autres météorologues, où sont les économistes, les politiques, la force publique? La ville du Cap repousse la catastrophe par le rationnement. Au Liban, qui s'interdit ou interdit de laver sa voiture ou le trottoir à grande eau, surtout en période de sécheresse? Qui paie vraiment le prix de l'eau (à part des citernes dont les propriétaires ont un accès scandaleux à la nappe)? Non vraiment le problème c'est 4,5 millions d'egoïstes stupides menés par ceux qu'ils méritent. On est pas sorti de l'auberge.

    M.E

    03 h 46, le 23 mai 2018

  • Quelle pénurie? On a élu le parlement du siècle qui va amener l'eau même à notre chambre à coucher... Walaw!!

    Wlek Sanferlou

    01 h 44, le 23 mai 2018

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