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Campus - ENQUÊTE

Législatives : les étudiants, entre pragmatisme et désenchantement

La jeunesse libanaise n’est pas une entité homogène et isolée de la société. À l’instar des autres tranches d’âge, on y trouve l’optimiste, le partisan enthousiaste, le pragmatique, etc.

De jeunes activistes libanais manifestant au centre-ville de Beyrouth contre le système politique sectaire, au mois de mai 2017. Photo Reuters

Si chaque année les étudiants attendent les élections universitaires pour afficher leurs opinions politiques avec un enthousiasme parfois excessif, les prochaines législatives occupent une grande place du débat chez ces nouveaux électeurs, en grande partie pragmatiques, mais aussi désenchantés. Avec la disparition du clivage 14-8 Mars, une loi électorale qui favorise des alliances aléatoires, voire même absurdes, nouées sous une logique de « pragmatisme électoral » et un nombre remarquable de candidats indépendants (appelés, d’une manière erronée, représentants de la « société civile »), ces jeunes ont un choix à faire dans ce brouillard électoral. Que traduirait leur vote dans les urnes du 6 mai prochain ?

Le discours des indépendants, qui dénoncent les partis traditionnels et promettent d’être la bouée de sauvetage, gagne en popularité chez les étudiants et arrive à attirer un public. Pour Karim, ces nouveaux venus sur la scène politique redéfinissent le jeu électoral. « En posant des principes de base qui prônent l’État de droit, les droits de l’homme, la bonne gouvernance et parfois la laïcité, les listes indépendantes élèvent le niveau du débat politique et forcent d’une manière ou d’une autre les partis à traiter de ces questions. Même s’ils ne vont pas bouleverser le paysage politique d’un seul coup, les quelques nouveaux arrivants au Parlement joueront un rôle d’opposition de l’intérieur. Ils seront la voix de l’intérêt général », estime-t-il.
Mais cette popularité, observée à travers les focus group menés dans différentes facultés, est accompagnée d’un scepticisme remarquable chez les nouveaux électeurs : les intentions de ces indépendants, leur capacité de changer l’état des choses et l’honnêteté de leurs discours électoraux sont constamment remis en question. Certains étudiants les appréhendent d’une manière pragmatique. « La société civile est hétérogène, et les candidats ne sont pas tous semblables. J’aurais voté pour les indépendants, sauf que ceux qui se sont présentés dans ma circonscription ne m’ont pas vraiment convaincu. Quelques listes indépendantes dans d’autres circonscriptions paraissent pourtant intéressantes », confie un étudiant.

« Fausses promesses »
En contrepartie, beaucoup de jeunes perçoivent les indépendants comme un seul bloc homogène, qui n’a pour raison d’être que de s’opposer au pouvoir en place. Cela apparaît surtout quand une partie des étudiants expriment leur volonté de voter pour les indépendants sans se soucier de leurs programmes électoraux, mais dans le seul but de marquer un vote-sanction contre les partis politiques traditionnels. Marwan le dit clairement : « Je sais que les indépendants qui se sont présentés dans ma circonscription sont honnêtes et veulent vraiment travailler, mais ils n’expriment pas une vision globale dans leur politique. Je veux juste voter pour eux pour faire perdre un bulletin au mouvement Amal. »

Cependant, il ne faut pas se faire des illusions : si les indépendants touchent une tranche des jeunes, une grande partie de ces derniers restent fidèles aux partis traditionnels. En effet, et loin des clichés qui réduisent les sympathisants des partis à des bénéficiaires d’un système clientéliste et confessionnel, la jeunesse se sent quelque part en sécurité en votant pour les candidats familiers pour elle et en maintenant le statu quo. « Pourquoi se jeter dans les bras de l’inconnu quand on a appris à s’en sortir avec le système en place ? » dit une des étudiantes. D’ailleurs, cela n’est pas étonnant pour une génération qui n’a connu de la politique libanaise que ces mêmes protagonistes, mais dans leur image d’après-guerre.
D’autres les soutiennent par conviction : « Ma famille et moi votons pour le Hezbollah, dit Asma. Oui, je suis absolument convaincue par leur propos, même dans les questions sociales. Ils ont toujours tenu leurs promesses, je ne vois pas pourquoi ils vont changer cette attitude. Les élections ne changeront pas peut-être grand-chose, mais elles montreront au moins le vrai taux de popularité de chacun auprès de l’électorat. »
Restent les désenchantés. Élissa est parmi eux. « Le vrai pouvoir au Liban ne réside pas au Parlement. Les élections ne sont que des formalités procédurales que la classe politique ne peut plus éviter pour maintenir sa légitimité, surtout avec la pression du peuple. Les programmes politiques sont aussi de fausses promesses, du marketing politique. Rien ne changera après les élections. »



Si chaque année les étudiants attendent les élections universitaires pour afficher leurs opinions politiques avec un enthousiasme parfois excessif, les prochaines législatives occupent une grande place du débat chez ces nouveaux électeurs, en grande partie pragmatiques, mais aussi désenchantés. Avec la disparition du clivage 14-8 Mars, une loi électorale qui favorise des alliances...

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