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Moyen Orient et Monde - analyse

Frappes en Syrie : un coup d’épée dans l’eau ?

Un bombardier américain de type B-1B Lancer sur la base aérienne d'al-Udeid, au Qatar, dans une photo publiée le 14 avril 2018. Photo US Air Force/Handout via Reuters

Faire le moins mauvais des choix. C’est souvent la règle d’or en matière de relations internationales. Les frappes menées dans la nuit de vendredi à samedi par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni en riposte à l’attaque chimique contre la ville de Douma le 7 avril, attribuée au régime syrien, ne déroge pas à la règle. Cette volonté de trouver le bon compromis, d’éviter toute escalade tout en faisant passer le message, explique les quelques jours de consultations entre les alliés. Pour eux, il y avait deux très mauvaises options : ne rien faire et laisser le régime impuni malgré le franchissement de la ligne rouge ou intervenir de façon disproportionnée et menacer ainsi les intérêts de Moscou en Syrie. Les Occidentaux ont estimé que le moins mauvais des choix était de limiter l’intervention aux capacités du régime syrien en termes d’armes chimiques afin de le dissuader de recourir à une future frappe et de sauvegarder leur crédibilité sur la scène internationale.
Un coup d’épée dans l’eau pour certains, une aventure illicite et belliciste pour d’autres, les frappes n’ont pas échappé aux critiques des deux camps. Certaines sont légitimes. D’autres beaucoup moins. Si les frappes ont été effectuées sans mandat de l’ONU, ce qui pose une réelle question en matière de légalité (mais pas de légitimité), c’est tout simplement parce que l’action du Conseil de sécurité est systématiquement bloquée par la Russie, qui utilise son droit de veto comme un moyen de contourner le droit international.
Les tergiversations tout au long de la semaine ont laissé au régime le temps de se préparer, d’autant que le choix des cibles est resté très prévisible. Même si le président américain Donald Trump s’est félicité du succès de la mission, il est impossible de savoir si toutes les capacités en matière d’armes chimiques du régime ont été annihilées. Impossible de savoir non plus si cela suffira à le dissuader de recommencer, ce qui risque, si c’est le cas, de porter un sacré coup à l’autorité occidentale. Le fait que la présidence syrienne ait publié une vidéo samedi matin montrant Bachar el-Assad en train de se rendre dans son bureau comme si de rien n’était en dit long sur le désir de provocation de la part du régime.
Autres critiques possibles : les frappes laissent au régime le pouvoir de tuer ses opposants par tous les autres moyens, barils d’explosifs en tête, sans risque de représailles. Et elles ne modifient en rien le rapport de force globale sur le terrain où les rebelles sont de plus en plus affaiblis face au pouvoir loyaliste qui a la volonté de reprendre tout le territoire.

Une question de volonté
Cela n’est pas pour autant un simple coup d’épée dans l’eau. Dans la configuration actuelle, et compte tenu de la présence de multiples acteurs en Syrie, la mission occidentale était assez délicate. Le plus important était de ne pas répéter le scénario de 2013 lorsque Barack Obama avait renié ses propres lignes rouges malgré l’attaque chimique contre la Ghouta orientale. Cela avait considérablement renforcé le régime. À défaut de l’affaiblir de manière
significative, les frappes de ce week-end ont permis aux Occidentaux d’envoyer un message clair au régime et au reste du monde : nous avons les capacités de vous faire mal si vous ne respectez pas les règles.
Cela semble évident, mais il était essentiel de le rappeler après la volte-face de 2013 et l’intervention russe en Syrie en 2015. La punition n’est jamais suffisante, mais elle n’en est pas moins nécessaire.
Pyongyang, qui multiplie les essais nucléaires, et qui pourrait avoir la capacité de toucher le territoire américain, est prévenu.
Donald Trump aurait semble-t-il souhaité que les frappes soient plus conséquentes, au risque d’une escalade avec la Russie et l’Iran. C’est la ligne modérée de James Mattis, le secrétaire à la Défense, qui semble au final l’avoir emporté, puisque le choix des cibles était restreint par un critère essentiel aux yeux du Pentagone : que les intérêts russes ne soient pas touchés. Dans cette fenêtre étroite, il était certainement difficile de faire mieux.
Cela rappelle une autre évidence, souvent oubliée, concernant la politique des Occidentaux en Syrie : elle dépend essentiellement d’une question de volonté et non d’une question de capacité. C’est bien là le principal enjeu de ce nouvel acte qui se joue depuis plusieurs mois déjà en Syrie. Est-ce que les Occidentaux ont la volonté d’utiliser leurs moyens de pression diplomatique et économique pour contrecarrer le processus de réhabilitation du régime syrien ? Cette décision est en grande partie entre les mains de Donald Trump, qui a répété vendredi soir sa volonté de ne pas rester indéfiniment en Syrie tout en affirmant pourtant qu’il fallait que Washington s’assure, aux côtés de ses partenaires régionaux, que l’Iran ne bénéficie pas des territoires perdus par l’État islamique en Syrie et en Irak. Deux objectifs a priori contradictoires. Le sort de la Syrie se décidera notamment en fonction de celui qui prendra le pas sur l’autre : le Trump anti-Iran ou le Trump de « l’America First ».

Faire le moins mauvais des choix. C’est souvent la règle d’or en matière de relations internationales. Les frappes menées dans la nuit de vendredi à samedi par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni en riposte à l’attaque chimique contre la ville de Douma le 7 avril, attribuée au régime syrien, ne déroge pas à la règle. Cette volonté de trouver le bon compromis, d’éviter...

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