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Thérapies

Au début du siècle dernier, c’est au chevet d’un homme malade – comme on s’accordait à appeler un Empire ottoman en état de délabrement avancé – que se pressaient les puissances de l’époque. Tant d’ardeur n’avait certes pas pour objet de redonner santé et vigueur au moribond, mais de s’emparer de ses dépouilles.


Toutes proportions gardées, l’homme malade du Proche-Orient, c’est cette Syrie qui se débat depuis plus de sept ans dans une horrible guerre civile se doublant de tout un écheveau de guerres parallèles impliquant, à des degrés divers, les deux superpuissances mondiales. Il n’y a là pourtant aucun lambeau d’empire à se disputer, mais en revanche des zones d’influence dont les prolongements stratégiques débordent largement le cadre syrien. C’est dire que si Bachar el-Assad est quasiment assuré désormais de conserver son siège présidentiel, c’est sur un pays ravagé, exsangue, retenu en otage par ses propres alliés comme par ses adversaires, qu’il peut prétendre régner.


On retenait son souffle hier, dans l’attente des représailles occidentales censées sanctionner les attaques à l’arme chimique que multiplie, contre les populations civiles, l’implacable régime de Damas. Traîtresse lame à double tranchant, cependant, que ces lignes rouges que, dans leur sainte indignation, s’assignent elles-mêmes les nations justicières avant de se résoudre à châtier les États voyous. Se dédire, comme le fit Barack Obama il y a quatre ans, c’est perdre la face. Dès lors, et ne serait-ce que pour se distinguer de son prédécesseur dont il a si cruellement dénoncé la mollesse, le bouillant Donald Trump est condamné à (ré)agir comme ce fut déjà le cas en 2017.


Or si la riposte paraît inévitable une fois épuisées les tractations à l’ONU, c’est bien son ampleur qui pose dilemme. Frapper trop fort alors que l’arène est passablement encombrée de protagonistes, et non des moindres, c’est frôler l’affrontement avec la Russie. Pas assez fort, et c’est un nouveau bail avec l’impunité que contracte alors le pouvoir baassiste. À défaut d’un remède de cheval administré à doses massives ou d’une opération chirurgicale en règle, ce sont de simples piqûres d’épingle qu’on aurait administrées à l’homme malade : c’est d’une véritable prime à la barbarie qu’on aurait gratifié l’impénitent récidiviste.

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Parlant de thérapie, on ne vous apprendra rien en rappelant que le Liban, bien qu’épargné par la violence ambiante, bien que bénéficiant en outre d’une vaste sollicitude internationale, n’est pas au meilleur de sa forme. Des prêts colossaux à taux bonifiés viennent d’être offerts à notre pays par la CEDRE, tenue à l’initiative de la France : providentielle, puissante perfusion qui ne vaut cependant que si le patient se décide à entreprendre enfin toutes ces réformes mille fois promises et aussitôt oubliées ; à dératiser une administration infestée de parasites, par la grâce du clientélisme ; à chasser du temple les voleurs qui y sévissent : à défaut de quoi la manne qui nous tombe du ciel n’aurait servi qu’à augmenter d’autant la dette publique, déjà énorme.


C’est de toute cette mauvaise graisse que le Liban est sommé de se débarrasser, sous le vigilant regard des secouristes étrangers ; mais y a-t-il seulement un médecin à bord ?

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Au début du siècle dernier, c’est au chevet d’un homme malade – comme on s’accordait à appeler un Empire ottoman en état de délabrement avancé – que se pressaient les puissances de l’époque. Tant d’ardeur n’avait certes pas pour objet de redonner santé et vigueur au moribond, mais de s’emparer de ses dépouilles. Toutes proportions gardées, l’homme malade du...