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Moyen Orient et Monde - Crise diplomatique

Entre Londres et Moscou, « choc des souverainetés » ou guerre froide 2.0 ?

En dépit des nombreux soutiens internationaux envers la Grande-Bretagne, peu de mesures concrètes ont été prises jusqu’ici par ses alliés.

La Première ministre britannique, Theresa May, hier à Salisbury. Toby Melville/Pool/Reuters

La tension ne cesse de monter entre les Occidentaux et Moscou depuis la découverte il y a douze jours des corps inconscients de l’ancien agent double russe, Sergueï Skripal, et sa fille Youlia sur un banc dans la ville anglaise de Salisbury. Alors qu’ils sont toujours tous deux hospitalisés dans un état critique, l’enquête menée par le gouvernement britannique a révélé qu’ils ont été agressés avec du Novitchok, un agent innervant développé par l’armée soviétique.

Très vite, les doigts ont été pointés en direction du Kremlin, bien que Moscou démente catégoriquement ces accusations. « Il n’y a eu aucun programme de développement d’armes chimiques sous le nom “Novitchok” ni sous l’URSS ni en Russie », a notamment déclaré hier le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov, selon l’agence russe Interfax.

En dépit des réfutations russes, le ton est monté d’un cran dans la journée alors que de nombreux États occidentaux se sont tour à tour manifestés pour venir en renfort aux côtés des Britanniques. Londres, Berlin, Paris et Washington ont notamment publié un communiqué commun hier, selon lequel la responsabilité de Moscou était la seule explication « plausible » à cette affaire.

Le président français Emmanuel Macron a dans le même temps annoncé hier soir qu’il ne se rendrait pas au pavillon officiel de la Russie à l’occasion du Salon du livre alors que la littérature russe y est à l’honneur cette année. La décision a été prise « dans le contexte de l’attaque de Salisbury en cohérence avec nos positions et par solidarité avec notre allié britannique », a indiqué l’Élysée. Le dirigeant français a aussi déclaré hier que des mesures seraient annoncées « dans les prochains jours » contre Moscou.

Plus tôt dans la journée, le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, a pour sa part qualifié l’attaque russe d’ « extrêmement grave », précisant que l’organisation « ne souhaite pas une nouvelle guerre froide ». « Nous ne voulons pas être entraînés dans une nouvelle course aux armements, car c’est coûteux, dangereux et dans l’intérêt de personne », a-t-il poursuivi. Il a assuré que « l’OTAN défendra tous ses membres contre toute menace ». M. Stoltenberg a toutefois plaidé pour « un dialogue » avec Moscou et a appelé Londres à agir de « manière proportionnée et modérée ».
La Première ministre britannique, Theresa May, a en outre déjà annoncé mercredi l’expulsion de 23 diplomates russes et le gel des contacts bilatéraux avec Moscou, dénonçant l’usage de la force « illégal » par la Russie sur le sol britannique.


(Lire aussi : En Russie, la théorie du sabotage contre Moscou a le vent en poupe)


Guerre froide 2.0 ?
Mais si les soutiens en direction de Londres ont été nombreux, peu de mesures concrètes ont été prises jusqu’ici par ses alliés. Leur temps de réaction a par ailleurs été relativement long et « leurs déclarations ne sont surtout qu’une rhétorique symbolique qui n’auront pas forcément d’effet », explique à L’Orient-Le-Jour Mathieu Boulègue, chercheur au sein du programme sur la Russie et l’Eurasie à Chatham House. Pour le moment, « entrer dans une quelconque confrontation militaire est complètement exclu alors que l’Occident ne veut pas tester le seuil de réaction de la Russie dont il ne peut assumer les coûts et les conséquences », ajoute-t-il.

Car l’Union européenne, les États-Unis et la Russie se trouvent déjà dans une confrontation économique. Moscou est sous le coup de sanctions visant différentes personnalités et entreprises depuis l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014 lors du conflit ukrainien. Londres doit également jongler avec les intérêts économiques des oligarques russes sur son territoire alors que « l’Angleterre est une plaque tournante de l’argent russe vers des paradis fiscaux », poursuit-il.

Face à l’agitation de ces derniers jours, de nombreux observateurs ont comparé la montée des tensions à une guerre froide 2.0, faisant référence aux différents moyens technologiques déployés par Moscou pour déstabiliser l’Occident. Cependant, contrairement au conflit idéologique qui existait entre l’Est et l’Ouest du temps de la guerre froide, aujourd’hui « il n’y a pas d’alternative idéologique forte proposée par Moscou » comme ce fut le cas précédemment, nuance Cyrille Bret, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste de la Russie, interrogé par L’OLJ.


(Lire aussi : Londres expulse 23 diplomates russes et gèle les contacts bilatéraux)


Ce nouveau rebondissement viendrait donc surtout dégrader un peu plus les relations déjà vacillantes entre les deux parties concernées, reflétant « un choc des souverainetés » selon le spécialiste. « La Grande-Bretagne cherche à mettre en garde la Russie contre des opérations clandestines, des infiltrations ou encore des cyber-attaques tandis que la Russie veut montrer l’inflexibilité de l’autorité présidentielle », observe-t-il.

Cette affaire n’est d’ailleurs pas sans précédent puisque d’autres cas d’empoisonnements d’anciens espions russes en Grande-Bretagne ont déjà mis de l’eau dans le gaz entre Londres et Moscou par le passé, la dernière en date remontant à 2006.

Le chef de la diplomatie russe a pour sa part précisé hier que des diplomates britanniques seraient aussi « obligatoirement exclus » mais que Londres serait notifié en amont avant que Moscou ne rende la décision publique. Dans ce contexte, « au regard des déclarations d’un certain nombre d’officiels du côté russe, dont celle de Sergueï Lavrov, on oscille entre ironie et sarcasmes d’une part, indignation feinte de l’autre », estime Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur à l’Institut français de géopolitique (Paris VIII), contacté par L’OLJ.

Ces événements sont aussi à remettre dans le contexte des agendas internes de chacun. Mme May se trouve au milieu du remue-ménage de l’épineuse question du Brexit tandis que l’élection présidentielle russe doit avoir lieu ce dimanche. Bien que la réélection de Vladimir Poutine soulève peu de doutes, l’affaire de Salisbury « pourrait soit pousser des électeurs aux urnes pour lui afficher leur soutien, soit éventuellement susciter une abstention des partisans d’Alexeï Navalny », précise M. Bret.



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commentaires (2)

Non mais franchement quoi , prendre les russes pour des idiots ça va quoi ..... UNE balle aurait coûté moins cher et aurait fait moins de bruit , la ficelle est tellement énorme qu'on pense au dicton qui dit mentez mentez il en restera toujours quelque chose . Tant que on ne bombarde pas Moscou demain matin à l'aube, ce truc va faire pschiiiitttt. Et theresa may ou may not aura peut être obtenu quelque chose pour son brexit .

FRIK-A-FRAK

14 h 02, le 16 mars 2018

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Commentaires (2)

  • Non mais franchement quoi , prendre les russes pour des idiots ça va quoi ..... UNE balle aurait coûté moins cher et aurait fait moins de bruit , la ficelle est tellement énorme qu'on pense au dicton qui dit mentez mentez il en restera toujours quelque chose . Tant que on ne bombarde pas Moscou demain matin à l'aube, ce truc va faire pschiiiitttt. Et theresa may ou may not aura peut être obtenu quelque chose pour son brexit .

    FRIK-A-FRAK

    14 h 02, le 16 mars 2018

  • Il est difficile de croire que la Russie a envoyé un apprenti/espion avec une arme chimique d'une telle puissance pour mal-assassiner un ancien agent passif et retraité. Et si c'était l'Ukraine ou un autre pays qui est derrière cette affaire pour semer le trouble dans les relations entre les alliés et la Russie. l'avenir nous le dira.

    Shou fi

    12 h 21, le 16 mars 2018

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