On l’appelle l’autostrade Beyrouth-Jounieh. Mais elle n’a rien d’une autostrada italienne, ni même d’une autoroute française. Nous l’appellerons donc la route, considérant qu’elle mérite tout juste cette appellation. Et encore !
Prendre la route reliant Jounieh à Beyrouth, dans un sens ou dans un autre, est un cauchemar quotidien pour tous les automobilistes qui doivent emprunter ce tronçon aux heures de pointe, pour se rendre à leur travail ou pour rentrer chez eux. Cauchemar, vu les embouteillages monstres dans lesquels sont coincés les gens, tous les jours de la semaine, sans exception.
À cause des ralentissements causés par les commerces, des arrêts fréquents des minibus et des taxis-services, souvent au beau milieu d’une voie, des trop nombreux poids-lourds roulant à gauche. À cause bien entendu de la légendaire indiscipline des Libanais, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, voire leur ignorance du code routier. À cause surtout du manque de vision des autorités, qui n’ont pas su réhabiliter la voie ferrée, ni mettre en place un système convenable de transports en commun, ni même construire une nouvelle autoroute digne de ce nom.
Pare-choc contre pare-choc, lorsqu’ils ne se livrent pas à un slalom effréné, lorsqu’ils ne passent pas leurs nerfs sur le klaxon, les conducteurs résignés se distraient comme ils peuvent, écoutent les informations, un peu de musique, bavardent ou tapotent sur leur téléphone portable, et tant pis si c’est interdit. Par moments, on ne sait trop pourquoi, une voie se débloque, on roule mieux. Miracle !
Une heure et demie. C’est le temps moyen qu’il faut pour couvrir les 19 kilomètres qui séparent la capitale de Jounieh. Soit un peu plus de 12 km par heure. Aux heures de pointe bien entendu, périodes de fêtes et saison estivale exclues. Mais désormais, à toute heure du jour ou de la nuit, les automobilistes se retrouvent coincés dans d’inextricables encombrements, même durant la saison morte, lorsque les touristes sont retournés chez eux. Trop de voitures, diront certains. Infrastructure déplorable, diront d’autres. Que sont devenues les promesses de décentralisation, demanderont d’autres encore.
Les plus à plaindre ? Pas seulement les Beyrouthins ou les Jouniotes qui finissent tant bien que mal par s’accommoder de leur calvaire quotidien. Mais tous ceux qui vivent encore plus loin de la capitale, à Jbeil, Batroun, Tripoli ou en zone rurale et qui doivent obligatoirement emprunter le tronçon Beyrouth-Jounieh ou Jounieh-Beyrouth, pour gagner leur pain quotidien. Sans parler de ceux qui ne font que traverser ce tronçon, pour relier le Nord au Sud. La galère, quoi !
La comparaison s’impose avec des nations qui rivalisent d’ingéniosité pour développer leur infrastructure routière, histoire de rendre leurs routes plus fluides, plus sûres aussi. L’Argentine tire fierté de son autoroute de 140 mètres de large, baptisée « Avenida 9 de julio » à Buenos Aires. La Chine aussi de son autoroute à péage, large de 48 voies, non loin de Pékin. Sans parler de la célèbre Katy Freeway, au Texas, dotée elle de quelque 26 voies.
Face à ces géants, le Liban fait piètre figure. Il n’a pas même dépassé l’âge de pierre. Et se contente d’une seule voie qui relie le Nord au Sud. Une misérable voie, truffée de trous et d’obstacles, bordée de commerces. Bloquée en cas d’accidents, d’inondations, ou de travaux. Et que, par surcroît, les piétons ne cessent de traverser. Que d’ambition !
commentaires (4)
Dans les années 1950, je prenais la "bosta" à Jounieh à 7h15, c'était avant la création de " l'austrad" comme l'appelait le chauffeur Brahim K., nous prenions évidemment l'ancienne route nationale Tripoli-Beyrouth, nous arrivions à Sahat-el-Borj à 7h45. Je continuais à pied jusqu'à l'Avenue des Français pour arriver à 8h à mon travail. Conclusion : 19 km en 30 minutes.
Un Libanais
20 h 09, le 19 janvier 2018