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Nos Lecteurs ont la Parole - par Carole Georges CHELHOT

Un bonheur de courte durée

Le sapin que j'ai mis du temps à décorer est défait. Les boules scintillantes devant lesquelles on s'est extasié sont démêlées et classées, les guirlandes lumineuses sont débranchées. La crèche qui a abrité l'Enfant Jésus, Marie, Joseph, les rois mages, vaches, ânes et moutons retrouve sa place dans le grenier. Les costumes de fête et tous les artifices sont rangés. La belle vaisselle que j'ai astiquée et la nappe toute blanche, brodée, qui a orné la table à manger sont, aussi, rangées. J'ai changé de musique. La maison semble soudain lugubre, muette et dépeuplée.
Je regarde mon homme. Il s'en va vers son chez-lui. Sa valise est prête, lui aussi. Comme un soldat sur le pied de guerre, le regard hagard, il se morfond dans des schémas que seuls les hommes d'affaires sont capables de dessiner : il nous faut faire des efforts, beaucoup d'efforts, de l'argent, beaucoup d'argent et des affaires, beaucoup d'affaires pour honorer nos engagements, venir à bout de tout ce gâchis que seul notre milieu inventé sait déchiffrer, payer ce luxe dérisoire, éphémère et insignifiant dans lequel nous nous sommes embourbés. Avons-nous réellement besoin de tout cet apparat pour paraître et nous présenter ? Courrons-nous autant pour remplacer l'essentiel afin d'exister ? Peut-être, qui sait...
J'ai beau jouer la belle, inventer des mélodies, interpréter des danses, improviser des farandoles... Il est déjà parti. Nos bras se sont défaits, nos corps se sont séparés, nos cœurs se sont déchirés. Notre chambre est libérée de ce parfum de bois citronné, le lit est refait. De mon homme, il ne restera que notre photo qui traînera dans un cadre jusqu' à sa prochaine visite. Peut être, qui sait...
Mes chérubins que j'ai étreints, serrés, enlacés et embrassés se sont délacés, dénoués et détachés. Je les raccompagne vers le chemin du retour, je ne les regarde pas, je n'ose pas, de peur qu'ils voient mes yeux rougis et mouillés, de crainte qu'ils soupçonnent ma peine, qu'ils devinent la douleur que je tente d'enfouir au plus profond de mon être meurtri et abîmé. Mes enfants, que j'ai accueillis dans notre chez-nous, rentrent dans leur chez-eux. Qu'emportent-ils avec eux, que portent-ils en eux : leur rire d'enfant, l'espoir de lendemains meilleurs, l'angoisse d'un dessein secret, le courage des héros et des souvenirs, beaucoup de souvenirs qui les aideront à surmonter la froideur de l'étranger et la cruauté de l'exil. Cet étranger sournois qui me les vole pour les aider à s'envoler vers une meilleure destinée. Peut être, qui sait...
Mes connaissances ont fini de m'envoyer leurs souhaits pour le 1er janvier, comme chaque année. Ces vœux virtuels, impersonnels, indifférents qui finissent tous par se ressembler. Joie, santé, succès, amour, argent... on ne s'amuse quand même pas à désirer tristesse, deuil, maladie, désamour et pauvreté ! Pour les autres jours de l'année, ces accointances reprendront leur parure d'étranger : bonjour, ça va, qu'est-ce que tu deviens ? Depuis le temps que l'on ne s'est pas rencontré. On se reverra aux prochaines fêtes. Peut être, qui sait...
J'éteins les lumières, je baisse les volets, j'arrête la musique, le rideau est tombé.
Allez mon Minou, où es-tu, viens, on rentre, la fête est terminée.
À l'année prochaine. Peut-être, qui sait...

Le sapin que j'ai mis du temps à décorer est défait. Les boules scintillantes devant lesquelles on s'est extasié sont démêlées et classées, les guirlandes lumineuses sont débranchées. La crèche qui a abrité l'Enfant Jésus, Marie, Joseph, les rois mages, vaches, ânes et moutons retrouve sa place dans le grenier. Les costumes de fête et tous les artifices sont rangés. La belle...

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