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Liban - Salon du livre arabe

Hassan Rifaï, le gardien de la République

La couverture de l’ouvrage.

Un hommage sera rendu ce soir, au Salon du livre arabe au BIEL, au constitutionnaliste Hassan Rifaï, 94 ans, ancien ministre et ancien député, à l'occasion de la parution en arabe, aux éditions Dar Saër el-Machrek, de ses Mémoires « Hassan Rifaï, le gardien de la République », fruits d'un long travail de recherche effectué par les journalistes Ahmad Ayyache et Joseph Bassil, ainsi que par le fils de cette personnalité exceptionnelle, l'avocat Hassane Rifaï, et préfacé par le professeur Joseph Maïla. Une traduction en français de l'ouvrage devrait paraître l'an prochain. Dirigée par Line Rifaï, journaliste à France 24, une table ronde est donc prévue ce soir à 18h pour le lancement de l'ouvrage, avec les anciens ministres Edmond Rizk et Rachid Derbas, l'historien Saadoun Hamadé et l'avocat Hassane Rifaï, en présence du constitutionnaliste. « L'Orient-Le Jour » publie, à l'occasion, de larges extraits de la préface rédigée par M. Maïla :

« L'homme est connu autant que reconnu pour ses interprétations de la Constitution libanaise. Sa vie politique au service de la vie parlementaire et de la démocratie avec laquelle se confond pour lui le Liban fut sa priorité et sa vocation patriotique. Son engagement fut consacré à la défense de l'esprit et de la lettre du droit dans un pays qui s'est fait une spécialité de les contourner. Peu d'hommes politiques et de parlementaires peuvent en dire autant et se prévaloir d'une considération pour la vie en République selon les règles établies par la Constitution. L'exception est devenue la règle dans la République de Taëf. Les exceptions répétées à la norme, exceptions votées "pour une fois seulement" comme les projets de loi l'ont toujours indiqué, sont devenues une constante de l'action de dirigeants soucieux de leurs seuls intérêts. À force de tordre les lois et de forcer leur interprétation, c'est la vie démocratique qui s'en est trouvée affectée, et durablement atteinte et dénaturée. Pour avoir mesuré la dérive du système de gouvernement, la dégradation de la culture politique, juridique et constitutionnelle, il se distingua comme celui dont la voix rappelle le droit mais dérange les entreprises de ceux qui ont fait profession de l'ignorer. De tous ceux qui s'intéressent à la chose publique il fut, tel les archontes de l'antique Grèce et les magistrats de Rome, un politique vigilant, un connaisseur de la règle et un gardien du droit. Non pas un érudit perdu dans la politique, mais un homme politique mettant son érudition au service de la politique.
Cet homme est Hassan Rifaï, dont on lira dans les pages qui suivent la trajectoire de vie. Mieux qu'une biographie destinée à rappeler les faits saillants d'un parcours d'homme, cet ouvrage se lit d'abord comme un témoignage et un enseignement.

Le témoignage tient à la manière dont à travers les événements un responsable politique et un représentant de la nation comme Hassan Rifaï explique ses choix et motive les décisions qu'il a été amené à prendre au cours de sa vie politique. On sera frappé par la part qu'occupe la légitimation de la décision adoptée loin de toute prise de position idéologique ou politique préconçue. Élu du peuple, le parlementaire a en vue et en visée le bien commun et l'intérêt général. Il est important de le souligner dans un contexte où les prises de position confessionnelles sont monnaie courante dans le politique libanaise. Hassan Rifaï semble s'en extraire. Ceux qui s'intéressent à la vie politique du Liban seront nostalgiques d'une époque où les députés s'interpellaient, se regroupaient ou s'opposaient en ne se conformant pas nécessairement à des lignes d'appartenance communautaire. C'est ainsi que se révèle dans l'ouvrage l'esprit de concertation, de coalition ou d'alliances au sein d'une classe politique que la guerre milicienne allait par la suite contaminer. (...)

L'intérêt de l'ouvrage est aussi d'enseignement. On apprendra en le lisant les détails du débat sur des sujets aussi variés que l'Accord du Caire de 1969, le traité israélo-libanais avorté de 1983, les discussions interlibanaises sur les réformes constitutionnelles, ou encore les questions posées par la transition politique de 1988. Ainsi, au-delà l'homme, on sera amené à s'intéresser au vécu des périodes importantes de l'histoire libanaise qu'il a pu connaître.

Sur un plan historique, on le sait, le Liban est entré dans une phase de crise dès la fin des années soixante. Le premier acte de la tragédie s'appelle l'Accord du Caire signé en 1969 qui organise, d'autres diraient qui légalise, l'action de la résistance palestinienne à partir du Liban. Hassan Rifaï approuve cet accord qui écorne la souveraineté du Liban sur son propre territoire de manière importante. Comme nombre de politiciens libanais, Hassan Rifaï est convaincu que cet accord, signé sous l'égide du président Nasser, était inéluctable. Quelles que fussent les soupçons que l'on pouvait nourrir à l'égard de clauses inconnues, il approuve cet accord secret comme la plupart des hommes politiques libanais. Après tout, dit-il, si Pierre Gemayel – le chef des Kataëb libanais opposés à la présence armée palestinienne – l'a accepté, pourquoi ne le refais-je pas moi-même. Quelques années plus tard Hassan Rifaï s'avoue à lui-même qu'il s'est trompé. Il ne pensait pas que l'accord accordait autant de libertés aux fedayin palestiniens.

De la même manière est discuté un accord auquel Hassan Rifaï s'opposera, celui du traité israélo-libanais, avorté, du 17 mai 1983. Ces deux moments phares ont jalonné, avec beaucoup d'autres, tel l'accord milicien tripartite de 1986, l'histoire politique et constitutionnelle du Liban. Ils auront par-dessus tout indiqué des tournants qui se seront avérés de grands moments de division au sein de l'opinion publique et de la classe politique. On lira, aussi avec intérêt, les appréciations juridiques sur la nomination du général Aoun comme président du Conseil de gouvernement de transition et la coexistence de deux gouvernements entraînant les évolutions ultérieures que l'on connaît. Le chapitre auquel on doit impérativement s'attarder est le chapitre cinq que ce livre consacre au moment constitutionnel et politique de l'Accord de Taëf.

De manière claire et raisonnée, Hassan Rifaï énumère en suivant les articles de la Constitution de 1926 amendés selon les propositions de Taëf les différentes scories et parfois les véritables hérésies juridiques consignées dans l'accord. Nul ne contestera l'importance d'une entente qui met fin à une tragédie nationale. Les commentaires de Hassan Rifaï sont de première importance. Toutefois, ce qui aura prévalu dans les propositions de Taëf aura été l'esprit communautaire qui pour mieux faire la part des "pertes" et des "acquis" communautaires et miliciens aura bafoué la logique juridique pour imposer des compromis qui sont autant de compromissions constitutionnelles. On n'entrera pas dans tous les détails de l'implacable argumentation de Hassan Rifaï. Il faut les lire ou en reprendre connaissance. Pour avoir consacré une longue analyse à au document d'Entente nationale qui est l'intitulé officiel de l'accord, je me retrouve en accord quasi total avec ce qu'en dit Hassan Rifaï. De toutes les lectures juridiques qu'il m'a été donné de lire, celle de Hassan Rifaï me paraît la plus raisonnée et la plus fondée en droit par le recours à des opinions savantes des constitutionnalistes français de la Constitution de la Troisième République dont s'inspire la Constitution libanaise. Il faut bien comprendre Hassan Rifaï : ce n'est pas la substance ou la nécessité des amendements constitutionnels qui est remis en cause mais le bien fondé du socle juridique sur lesquels ils ont été construits. Dans cette partie essentielle, que l'on ne peut que recommander aux juristes de droit constitutionnel et à tous ceux qui restent soucieux de pratiquer ou de défendre une vie politique conforme au droit, Hassan Rifaï restera de tous les hommes politiques l'homme qui aura su, en défendant le droit, défendre l'honneur d'une république bafouée par l'oubli de la règle si ce n'est par sa constante violation. »

 

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