Israël a encore une fois prouvé que sa sécurité nationale prime sur tout, traçant ses propres lignes rouges en Syrie. L'aviation israélienne a ainsi frappé dans la nuit du vendredi à samedi une base militaire en Syrie, dans la région d'al-Kiswah, à 14 kilomètres au sud de Damas. Selon l'agence officielle syrienne SANA, au moins deux missiles sol-sol tirés par l'État hébreu ont été interceptés par les systèmes syriens de défense antiaérienne, alors que d'autres projectiles ont causé des dégâts matériels. D'autres sources ont évoqué des raids aériens effectués par des avions de combat israéliens depuis l'espace aérien libanais. De puissantes explosions ont été entendues jusque dans la capitale syrienne, où plusieurs quartiers auraient subi des coupures d'électricité, précise de son côté l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Le raid a visé des installations militaires soupçonnées d'abriter des militaires iraniens. C'est la BBC qui a divulgué le 10 novembre la construction d'une base militaire iranienne dans cette localité, s'appuyant sur des sources de renseignements occidentales. L'information était accompagnée de photos prises depuis début 2017 montrant la construction de nouveaux bâtiments censés abriter des forces iraniennes.
L'État hébreu s'inquiète de la menace grandissante, à ses yeux, de la présence militaire iranienne ainsi que du Hezbollah et d'autres miliciens chiites alliés du régime syrien, venus s'installer à sa frontière nord, s'approchant trop du plateau du Golan. Le mois dernier, le Premier ministre Benjamin Netanyahu avait clairement déclaré devant les députés de son parti, le Likoud : « Nous contrôlons nos frontières, nous protégeons notre pays et nous continuerons à le faire. » « J'ai informé nos amis, à commencer par nos amis américains et aussi nos amis à Moscou, qu'Israël agira en Syrie, et notamment dans le sud de la Syrie, comme il l'entend et en fonction des exigences de sa sécurité », avait également martelé M. Netanyahu. Un principe réitéré la semaine dernière par le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, qui précise : « Nous devons préserver nos intérêts de sécurité. »
(Lire aussi : Lieberman : En Syrie, c'est davantage le Hezbollah que l'Iran)
En septembre, lors de son discours à l'ONU, M. Netanyahu a même menacé les Iraniens en déclarant : « Nous allons agir pour empêcher l'Iran d'établir des bases militaires permanentes en Syrie. » Des propos réitérés récemment par le chef d'état-major de l'armée israélienne, le général Gadi Eizenkot : « Nous souhaitons que l'Iran se retire de Syrie. Nous avons dit à voix haute, mais aussi par des canaux plus discrets, que nous n'accepterons pas une consolidation des positions iraniennes en Syrie. Nous ne permettrons pas qu'ils construisent des usines d'armement et des bases militaires. »
Les Israéliens ont en outre tenté, sans succès, de convaincre les Russes de créer une zone tampon de 60 à 80 kilomètres à proximité des hauteurs du Golan, pour éloigner les activités iraniennes de leurs frontières. Moscou s'est seulement engagé à maintenir les milices pro-iraniennes à 5 kilomètres de la frontière israélienne, selon l'accord de « désescalade » dans le sud de la Syrie conclu récemment avec les États-Unis et la Jordanie.
Une première
Ce n'est pas la première fois qu'Israël intervient militairement en Syrie, notamment pour frapper des convois ou des dépôts d'armes destinées au Hezbollah, ou en représailles contre des positions du régime syrien, suite à des obus tombés sur le Golan. Mais si les informations de la BBC s'avèrent exactes, ce sera la première fois qu'Israël bombarde des positions iraniennes, une attaque qui confirme que l'État hébreu fonctionne selon son propre agenda, nonobstant les intérêts des autres puissances impliquées dans le conflit syrien, notamment la Russie. En effet, Israël a toujours fait prévaloir sa sécurité nationale par rapport tout autre intérêt, même s'il venait d'un pays allié. Rappelons par exemple qu'en 1981, les Israéliens avaient détruit le réacteur nucléaire d'Osirak en Irak, qui était à cette époque soutenu par les pays occidentaux, alors que Bagdad était en pleine guerre contre l'Iran.
La tactique israélienne reste néanmoins concentrée sur des frappes ciblées, évitant une escalade militaire avec l'Iran. D'ailleurs, le ministre israélien de la Défense semble avoir préparé le terrain la semaine dernière en minimisant la présence militaire iranienne sur le sol syrien. Pour M. Lieberman, « il est vrai qu'il y a un certain nombre d'experts et de conseillers iraniens, mais il n'y a pas de force militaire iranienne sur les terres syriennes ». Des propos qui, selon le Haaretz, semblent convenir à l'Iran. Ainsi, le quotidien israélien se demande pourquoi Téhéran n'a pas encore réagi à la frappe israélienne. En effet, la presse iranienne, toujours selon Haaretz, a couvert l'attaque israélienne comme étant une frappe contre des installations syriennes, sans faire mention d'une éventuelle présence iranienne sur le site en question. « Si Lieberman dément toute présence iranienne sur le sol syrien, pourquoi les Iraniens diront le contraire ? » se demande le quotidien israélien.
Le mutisme iranien s'accompagne d'un silence côté russe, alors que Moscou a récemment indiqué que la présence iranienne en Syrie est « légitime ». Reste donc à évaluer la position de la Russie par rapport à ce raid : va-t-elle tracer de nouvelles lignes rouges à Israël pour défendre ses alliés ?
Pour mémoire
Israël se réserve le droit de frapper si nécessaire en Syrie
commentaires (6)
Allez jouer ailleurs svp
Bery tus
21 h 46, le 04 décembre 2017