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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Chez les conservateurs allemands, le mécontentement gronde

Le parti d'Angela Merkel traverse une crise historique, entre défaite électorale en septembre et échec à trouver une coalition en novembre.

La chancelière allemande, Angela Merkel, lors d’une rencontre avec des membres de son parti, en début de semaine, à Berlin. Hannibal Hanschke/Reuters

La volte-face de Martin Schulz, leader des sociaux-démocrates (SPD) va-t-elle fragiliser encore davantage la position d'Angela Merkel ? Car si la formation d'une « grande coalition » va stabiliser le règne de la chancelière, elle risquerait de se trouver prise en tenaille entre une droite plus dure et une gauche plus vindicative. En effet, au sein de l'Union entre CDU (chrétien-démocrates, parti de Mme Merkel) et le CSU (conservateurs bavarois), des voix s'élèvent pour critiquer leur dirigeante. Après l'échec des négociations autour de la formation d'une coalition « Jamaïque », le 19 novembre, les conservateurs avaient serré les rangs autour de la « Mutti » (surnom affectueux donné à Angela Merkel). Mais l'unité était de façade et servait surtout à rejeter la faute sur les libéraux (FDP), dont le chef, Christian Lindner, a causé la crise en claquant la porte des négociations.

 

Au sein de la CDU, une quête de renouvellement
« Nous devons nous préparer pour ce qui viendra après 2021 (date de fin du mandat actuel de Mme Merkel) », a ainsi déclaré Andreas Jung, cadre de la CDU, peu après les élections législatives allemandes du 24 septembre dernier. Les conservateurs y avaient fait leur pire score depuis 12 ans, avec seulement 32,9 % des voix. Signe, selon certains membres de l'Union, que la ligne centriste de Mme Merkel serait dépassée. À l'occasion d'un discours de la chancelière à son fief en Mecklembourg-Poméranie, samedi dernier, un élu l'aurait qualifiée « d'assoiffée de pouvoir » et de « catastrophe ». Huée, cette intervention a toutefois été défendue sur le fond par des cadres du parti. Des responsables de la Junge Union, l'organisation de jeunesse de l'Union CDU-CSU, ont exigé en début de semaine dernière à Düsseldorf la démission d'Angela Merkel.

Si des critiques aussi véhémentes restent marginales, elles reflètent un ras-le-bol qui ne dit pas son nom. Car nombreux sont ceux qui souhaiteraient un renouvellement au sein de la CDU. Ainsi, la réélection de Volker Kauder, proche de la chancelière, à la tête du groupe parlementaire conservateur depuis 2005, est mal passée. « Ça va continuer combien de temps comme ça ? » aurait ironisé Jens Spahn, le secrétaire parlementaire aux Finances. Face à « Mutti », aucun membre du parti ne semble pourtant présenter d'alternative crédible. « D'un côté, la chancelière a empêché l'émergence de concurrents et n'a jamais trouvé de protégé pour sa succession. Mais il faut aussi reconnaître qu'aucune personnalité de la CDU n'est suffisamment consensuelle ou connue pour être éligible », analyse le journal en ligne Der Standard dans un article du 24 novembre.

 

La droitisation des conservateurs bavarois
Chez les conservateurs du parti bavarois CSU, ce n'est pas l'absence de renouveau qui est reproché à Angela Merkel, mais sa politique proréfugiés. Les divisions ont commencé en 2015, quand la chancelière a ouvert les frontières à un million de nouveaux arrivants en déclarant fièrement « Wir schaffen das » (« On y arrivera »). La plupart des réfugiés sont passés par la frontière entre la Bavière et l'Autriche, et Munich leur est devenue une étape incontournable. Horst Seehofer, chef de la CSU, avait alors fortement critiqué cette ouverture et demandé l'instauration de quotas sur l'immigration. La vague d'attentats qui a touché la Bavière l'an dernier, avec notamment la mort de 9 personnes dans l'attaque d'un centre commercial munichois le 22 juillet 2016, n'a pas arrangé la situation. Aujourd'hui, c'est surtout l'émergence du parti d'extrême droite AfD, fortement anti-immigration, qui fait peur aux conservateurs bavarois. Le nouveau-né politique a raflé 95 sièges au Bundestag et pourrait menacer la CSU dans son fief conservateur lors des prochaines élections régionales en Bavière, en automne 2018. « Pour récupérer des électeurs de la AfD, la CSU se positionnera plus à droite en proposant notamment des règles d'immigration plus strictes », explique Hendrick Träger, chercheur à l'Université d'Iéna. « Cela pourrait mener à des conflits avec la chancelière, qui ne peut pas trop se distancier de sa politique d'ouverture, surtout si elle doit tenir compte de la SPD dans sa nouvelle coalition ».

Ainsi, la centriste Angela Merkel pourrait se retrouver prise en porte-à-faux entre les sociaux-démocrates et la CSU. D'autant plus que la SPD sera plus vindicative que jamais. Martin Schulz, son leader, a longtemps refusé toute coalition avec le parti de Mme Merkel. En acceptant sur le principe une « grande coalition », il devrait obtenir des garanties suffisantes pour éviter une nouvelle débâcle électorale (la SPD a obtenu 20 % des voix, soit le pire score de son existence, en septembre dernier). Angela Merkel devrait donc faire face à une coalition toujours plus polarisée, tant à droite qu'à gauche. Et le risque d'éclatement ne sera jamais loin. « C'est pour cela qu'elle n'a pas sanctionné son ministre de l'Agriculture, M. Schmidt, qui a voté contre la ligne du gouvernement sur le dossier du glyphosate au Conseil européen avant-hier », souligne Hendrick Träger qui ajoute : « En le poussant à démissionner, elle aurait créé des remous dans son propre parti. Mais maintenant, elle s'est mis une partie de la SPD (opposée au renouvellement de l'autorisation des glyphosates) à dos. L'ère de la chancelière forte et intouchable est derrière nous. »

 

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