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Moyen Orient et Monde - focus

En Iran, la censure étend sa toile sur internet

La fermeture récente du réseau social Cloob illustre les difficultés auxquelles doit faire face Hassan Rohani entre revendications sociétales et censure des franges conservatrices.

De jeunes Iraniens face à leurs ordinateurs à Qom. Au- dessus d’eux, des affiches représentant l’ayatollah Ruhollah Khomeyni, fondateur de la République islamique, et de l’actuel guide de la République, l’ayatollah Ali Khamenei. AFP

La communication passe de plus en plus mal entre conservateurs et réformateurs en Iran. Le 16 octobre dernier, les administrateurs du réseau social iranien Cloob annonçaient sa fermeture après plusieurs années de lutte contre la censure. Créée il y a 10 ans et inspirée de Facebook – interdit en Iran – la plate-forme aux deux millions d'utilisateurs a connu plusieurs coups d'arrêt avant sa clôture définitive.

« Cloob.com a été fermé à trois reprises et la dernière fois il a fallu 28 jours pour le rouvrir », explique le directeur de la société, Mohammad Javad Shakouri Moghadam, sur son blog officiel. « Comme un fermier, un webmaître sait combien il est difficile d'irriguer une terre après 28 jours de sécheresse. »

La multiplication de photos de femmes non voilées et de critiques contre le pouvoir en place diffusées sur Cloob ont eu raison du plus ancien des quelques réseaux sociaux autorisés en Iran. Comme un symbole de l'obsession du pouvoir iranien à vouloir contrôler les espaces de communication sur la Toile, à revers des revendications des franges les plus jeunes qui réclament davantage de liberté.

Le président réformateur Hassan Rohani s'est engagé, en mai dernier, à réclamer une baisse des limitations et des restrictions, s'assurant ainsi le soutien d'une grande partie de la population durant la période électorale. Mais c'est la frange conservatrice et la justice iranienne qui ont pour l'instant le dernier mot et contrôlent Internet en exerçant une censure répressive en fonction de la compatibilité des contenus avec les « valeurs de la Révolution islamique ». Si le président de la République est favorable aux réseaux sociaux, s'il va dans le sens de la société civile, « il se heurte aux pasdaran et à la justice iranienne qui, sous prétexte de menace à la sécurité nationale, vont effectivement fermer ou censurer des réseaux », souligne Thierry Coville, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).

Alors que ces réseaux apparaissent utiles au gouvernement pour partager et diffuser le discours officiel sur les scènes nationale et internationale, « leur utilisation est limitée et censurée en interne afin d'éviter qu'ils deviennent un point de ralliement de la société civile et de la diaspora pour proposer une vision alternative à la ligne officielle », explique Clément Therme, chercheur à l'International Institute for Strategic Studies (IISS) de Londres.

 

(Lire aussi : Usé par la censure, le Facebook iranien annonce sa fermeture)

 

Demande croissante
Avec 25 millions d'utilisateurs, Telegram est le média social le plus utilisé en Iran. Son système de messages cryptés n'échappe pourtant pas aux autorités iraniennes avec lesquelles la société russe s'est accordée pour filtrer le contenu répréhensible. Le géant américain Instagram, plate-forme de partage de photos en ligne et propriété de Facebook, mène aussi une véritable chasse aux photos de femmes non voilées afin de pouvoir continuer à prospérer en Iran en évitant la répression gouvernementale.

La loi de la presse de 1986 permet au gouvernement d'exercer sa censure sur les réseaux sociaux et de rendre obligatoires les mécanismes de filtrage aux fournisseurs d'accès à internet. La loi permet également à la justice iranienne d'infliger des peines très sévères en cas de violation des règles qu'elle instaure sur la diffusion de l'information. Les blogs et réseaux sociaux apparaissent comme un moyen d'expression en plein essor dans un pays où le développement de l'éducation et la circulation de l'information augmentent considérablement. « Le niveau d'études est de plus en plus élevé, les Iraniens sont de plus en plus informés, ils veulent donner leur avis », explique Thierry Coville. La très grande présence des Iraniens sur Internet en général, justifiée « par la demande d'ouverture sur le monde et la volonté de connaissance de l'étranger », estime Clément Therme, témoigne d'une évolution de la société et des prises de position sur la question. « Des progrès existent, mais ils sont plus le résultat d'une pression sociale par le bas que d'une politique officielle pro-active », ajoute-t-il.

Les revendications sociétales existent en dehors de la sphère d'Internet. Les réseaux sociaux ont surtout pour effet de les amplifier. L'échec du Mouvement vert (aussi surnommé « révolution Twitter ») à se traduire en réforme politique en 2009, malgré la forte présence d'activistes sur les réseaux sociaux, montrent qu'ils « sont bien plus un moyen qu'une fin » pour la population iranienne, estime Clément Therme. Malgré la répression et le fait que les forces conservatrices « vivent dans l'illusion qu'elles pourraient contrôler tout ça », les instances régulatrices sont « dépassées par l'ampleur du phénomène », estime néanmoins Thierry Coville.

 

 

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