Mission impossible pour Rex Tillerson ? Le secrétaire d'État américain a entamé dimanche une tournée dans le Golfe, avec pour objectif clair de tenter de trouver une solution permettant de limiter considérablement l'influence iranienne dans la région.
Mais son voyage éclair, 48 heures à peine, a montré que la tâche est plus ardue que prévu. Washington est bien décidé à mettre sur pied sa politique d'endiguement à l'égard de Téhéran, notamment depuis que Donald Trump est revenu sur sa promesse de « déchirer » le « pire accord » ayant jamais existé, en référence à l'accord sur le nucléaire iranien. Il lui fallait donc une alternative pour s'attaquer à l'Iran.
Le 13 octobre, le président américain avait en effet choisi de décertifier l'accord sur le nucléaire signé en 2015 par l'Iran et les 5+1, renvoyant ainsi la balle au Congrès. Cette décision était la preuve qu'il avait finalement cédé au matraquage de son entourage qui l'avait mis en garde contre des conséquences graves d'un retrait américain de l'accord. Donald Trump n'a pas pour autant abandonné son projet de contrer l'influence iranienne, pointant du doigt Téhéran et son rôle « déstabilisateur » au Moyen-Orient.
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C'est son secrétaire d'État qui s'est ainsi chargé de l'épineux dossier dont l'objectif est d'isoler et de contenir la République islamique. Après avoir dénoncé dimanche à Riyad d'abord, puis à Doha, le « comportement pernicieux » de Téhéran et exhorté les pays de la région, mais également l'Europe, à rejoindre Washington et cesser tout commerce avec les pasdaran, M. Tillerson a quasiment provoqué une minicrise avec Bagdad. En exigeant que « tous les combattants étrangers en Irak », en particulier ceux des « milices iraniennes », rentrent chez eux, le diplomate américain a vivement irrité le Premier ministre irakien, Haïder el-Abadi. « Les commentaires de M. Tillerson montrent un sérieux manque de compréhension claire des complexités de la région, ce qui pourrait conduire à des politiques malavisées », estime Ali Vaez, spécialiste de l'Iran à l'International Crisis Group, contacté par L'Orient-Le Jour.
Arrivé lundi soir en visite surprise à Bagdad, M. Tillerson s'est vu rétorquer par M. Abadi que « les unités paramilitaires du Hachd al-Chaabi (les milices chiites) étaient composées uniquement d'Irakiens placés sous son contrôle ». « Les combattants du Hachd al-Chaabi sont des Irakiens qui ont combattu le terrorisme, ont défendu leur pays et se sont sacrifiés pour vaincre le groupe État islamique », a ajouté le Premier ministre. « La chute de l'EI crée davantage de frictions entre les États-Unis et l'Iran en Irak, où, jusqu'ici, ils ont implicitement coopéré et combattu le même ennemi », relève Ali Vaez. Le cabinet du Premier ministre irakien avait auparavant affirmé qu' « aucune force étrangère » ne combattait en Irak et que « personne n'avait le droit d'interférer dans les affaires irakiennes ». Washington ne pouvait, il y a encore quelques semaines, se permettre de remettre en question la tutelle iranienne en Irak sans compromettre son objectif d'éradiquer l'EI. Mais il est désormais trop tard. « L'influence de l'Iran en Irak est une donnée naturelle, et ni la persuasion ni la pression ne peut l'éliminer. Seul l'engagement (militaire américain) peut l'équilibrer », poursuit Ali Vaez.
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Rohani se défend
En Irak, comme au Liban ou en Syrie, si elles sont téléguidées par l'Iran, les milices chiites sont pour la plupart nationales. Les visites régulières en Irak et en Syrie, et dans une moindre mesure au Yémen et au Liban, du général iranien Qassem Souleimani, chargé des opérations extérieures des gardiens de la révolution, est le signe d'une implication directe de Téhéran dans toute la région, lui permettant notamment de participer à toutes les batailles importantes, d'Alep à Mossoul. C'est par ce biais, c'est-à-dire en s'appuyant sur des réseaux communautaires, que Téhéran gagne en enracinement dans chacun des pays où il entend avoir un rôle important.
Ce que n'a pas manqué de rappeler lundi le président iranien, Hassan Rohani, qui vantait, dans un discours retransmis par la télévision d'État, l'influence croissante de Téhéran au Moyen-Orient. « L'importance de la nation iranienne dans la région est plus forte qu'à tout autre période », a affirmé Hassan Rohani, en réponse à la rhétorique agressive de Donald Trump, qui a accusé l'Iran d'être « la principale source du terrorisme dans la région ». « En Irak, en Syrie, au Liban, en Afrique du Nord, dans la région du golfe Persique, où peut-on mener une action décisive sans tenir compte du point de vue iranien ? » a ajouté le président censé être réformateur, comme pour rappeler à Washington que l'Iran est présent sur ces différents théâtres et qu'il compte bien y rester. « La rivalité entre l'Iran et les États-Unis et ses alliés pourrait déstabiliser davantage l'Irak et créer un espace pour l'émergence d'un EI 2.0 ou d'un el-Qaëda 3.0. », estime Ali Vaez.
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Présent au Liban, à travers ses supplétifs du Hezbollah, Téhéran a également considérablement accru sa présence en Syrie en soutenant financièrement et militairement le groupe qui combat aux côtés du régime syrien. Dans une moindre mesure, l'Iran a assuré sa présence au Yémen où il soutient les houthis, miliciens chiites rebelles, et à Gaza en soutenant le Hamas. Ses tentacules se déploient jusqu'à Bahreïn, à majorité chiite, où Téhéran conserve ses liens avec l'opposition. Un ancrage dans la région tel qu'il apparaît difficilement déracinable. Même si les États-Unis souhaitent à terme marginaliser l'Iran, il paraît peu probable qu'une solution aux conflits irakien et syrien soit trouvée sans l'un des principaux acteurs sur le terrain, autrement dit sans les Iraniens. S'ils sont perçus comme le problème, ils doivent faire partie de la solution. L'expansion iranienne est perçue comme la principale source de déstabilisation à la fois par l'Arabie saoudite, chef de file du monde sunnite, et par Israël, qui considère que les milices chiites sont tout aussi dangereuses que les groupes jihadistes sunnites, tels que l'EI ou el-Qaëda. « Les États-Unis ne devraient pas adopter un jeu à somme nulle avec les rivaux régionaux de l'Iran », analyse Ali Vaez.
Éviter l'enracinement de l'Iran en Syrie est le défi majeur pour les Américains mais surtout pour leur allié israélien, qui voit d'un très mauvais œil son établissement dans le Sud du pays. L'État hébreu n'a pas hésité à intervenir militairement à plusieurs reprises, notamment en septembre, en frappant un site militaire syrien stratégique, près de la ville de Massyaf, dans la province de Hama. Le site était connu pour être utilisé par du personnel militaire iranien – qualifié « d'experts » – et des combattants du Hezbollah, selon l'Observatoire des droits de l'homme (OSDH). Les Israéliens craignent également une implantation de bases militaires iraniennes en Syrie, qui rendraient plus que concret le fameux corridor chiite. Les États-Unis souhaitent endiguer la menace iranienne au Moyen-Orient, sans pour autant vouloir, pour l'instant, s'impliquer davantage sur le sol syrien.
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15 h 30, le 25 octobre 2017