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Moyen Orient et Monde

La timide libéralisation des droits des Saoudiennes

Le prince Mohammad ben Salmane, prenant peu à peu les rênes du pouvoir, cherche à gagner la confiance de la future génération du royaume.

Des Saoudiennes réunies à l’occasion de la mort du roi Abdallah en 2015. Photo AFP

Grande victoire féministe ou simple coup de com de la monarchie saoudienne ? Moins de deux semaines après l'annonce du décret du roi Salman qui autorise les femmes du pays à conduire, la princesse Rima bint Bandar ben Sultan, fille de l'ancien émir ambassadeur d'Arabie à Washington, a été nommée à la tête de la fédération omnisports. Elle devient la première femme du royaume wahhabite à diriger une fédération et à promouvoir la pratique d'une discipline encore peu répandue parmi les femmes du pays.
Dans la foulée du décret royal, la nomination de cette Saoudienne à un poste de responsabilité participe d'une petite révolution pour la cause féministe dans ce pays. Le chemin est toutefois encore long. D'autant plus que ces réformes s'inscrivent avant tout dans le vaste plan économique et social conduit par le prince héritier Mohammad ben Salmane (32 ans), Vision 2030. Avec une population totale de 28,1 millions d'habitants (dont 12,5 millions de femmes), l'Arabie saoudite doit composer avec deux données structurelles de taille pour les années à venir : sa population très jeune d'un côté (67 % des Saoudiens avaient moins de 30 ans en 2015), et une transition économique et politique nécessaire pour sortir du tout pétrole, initiée en 2015, de l'autre.

Depuis 2009
La femme saoudienne dispose d'un statut atypique et compliqué au sein de la société : encore enchaînée à un système de tutelle, elle ne peut divorcer, voyager seule ou encore ouvrir un compte en banque. Le combat de longue haleine des Saoudiennes pour l'amélioration de leurs droits est issu d'un lent mouvement d'émancipation entamé dans les années 60, avec l'ouverture des premières écoles pour filles dans le pays. Depuis, le statut de la femme saoudienne semble suivre progressivement les évolutions sociales du pays.
Ainsi, en 2009, le roi Abdallah ouvre la première université mixte d'Arabie saoudite. Après le printemps arabe de 2011 et l'ampleur qu'avait prise le mouvement féministe women2Drive, il autorise les femmes à voter et à se présenter aux élections municipales – ces dernières restent contraintes de passer par un porte-parole masculin pour s'exprimer, ou de parler derrière une cloison. En 2015, le roi Salmane poursuit la « modernisation équilibrée » initiée par son frère et entame ce qu'il veut être une « ère de changements » dans le pays. En mai 2017, une femme peut désormais effectuer des démarches administratives sans présence d'un tuteur de sexe masculin à ses côtés. En juillet 2017, enfin, les jeunes filles sont autorisées à faire du sport dans les écoles publiques.

Potentiel soutien politique
Dans un contexte économique difficile depuis la chute du prix de pétrole en 2015 et la forte augmentation du chômage dans le pays, l'Arabie saoudite ne peut effectuer sa transition économique en laissant de côté la moitié de sa population féminine. Elle doit donc mettre de côté certains aspects de son idéologie wahhabite et permettre aux femmes, handicapées par leur totale dépendance aux services de transport onéreux, d'accéder plus facilement au marché du travail. Seulement un tiers d'entre elles ont actuellement un emploi fixe rémunéré. Comme l'explique l'institut de recherche Capital Economics, « outre un bond vraisemblable des ventes de véhicules, la mesure (NDLR : prise par le gouvernement saoudien) devrait faciliter la recherche et l'obtention d'emplois pour les femmes ».
Le prince Mohammad ben Salmane, prenant peu à peu les rênes du pouvoir, cherche également à gagner la confiance de la future génération saoudienne. Les femmes du pays sont un potentiel soutien politique du prince dans les années à venir. Il lui est donc bénéfique de contrebalancer progressivement l'idéologie conservatrice de la société afin de séduire une jeunesse en mal de libertés et d'éviter une potentielle révolte populaire. Il initie ainsi divers progrès, avec prudence.
Cette avancée soudaine envers les droits de la femme détourne l'attention générale de la guerre menée par la monarchie au Yémen, qui renvoie une image négative du royaume. Le roi Salmane et son fils souhaitent ainsi redorer le blason du pays à l'étranger en polissant d'un vernis libéral, avec parcimonie, la monarchie saoudienne.

Grande victoire féministe ou simple coup de com de la monarchie saoudienne ? Moins de deux semaines après l'annonce du décret du roi Salman qui autorise les femmes du pays à conduire, la princesse Rima bint Bandar ben Sultan, fille de l'ancien émir ambassadeur d'Arabie à Washington, a été nommée à la tête de la fédération omnisports. Elle devient la première femme du royaume...

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