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Liban - Conférence

Journalisme et diversité ethnique : un binôme à favoriser

SKeyes publie le rapport d'une étude effectuée dans le monde arabe.

Une vue des panélistes, hier, à la conférence de SKeyes.

Déchiré par des « identités meurtrières », pour reprendre le titre d'un des ouvrages d'Amin Maalouf, le monde arabe n'est vraisemblablement pas encore sorti de l'ornière. En lieu et place d'une diversité ethnique et religieuse source potentielle de richesse, le pluralisme a fini par devenir l'arme et l'alibi rêvé pour nourrir des conflits sans cesse renouvelés.

Pris dans l'engrenage, les journalistes, vecteurs de la réalité qu'ils se doivent de répercuter, assument sans aucun doute leur part de responsabilité dans l'exacerbation des crises. Véritable rempart contre la diffusion de la haine et contre le confessionnalisme dévastateur et destructeur, ils peuvent néanmoins réinvestir un rôle plus propice au dialogue, transformant ainsi la diversité en ressources constructives.

C'est autour de cette réflexion sur le rôle des journalistes que la Fondation Samir Kassir, SKeyes, en collaboration avec l'association Adyan et l'agence française de coopération médias CFI, a organisé un débat, à l'occasion du lancement du rapport sur « la couverture médiatique de la diversité dans les médias libanais, syriens et irakiens » (voir encadré).

Devant un parterre de journalistes libanais, arabes et européens, les organisateurs ont rendu compte des résultats de l'étude qui vise à démontrer à quel point les médias concernés reflètent les sociétés telles qu'elles sont aujourd'hui avec leurs particularismes, sans pour autant encourager le communautarisme et contribuer aux divisions.
« Pourquoi n'avons-nous pas de politiques éditoriales qui octroient plus d'espace à la couverture de nouvelles non tragiques et qui rendent mieux compte de la diversité ? » s'est interrogée Nayla Tabbara, directrice de l'Institut de la citoyenneté et de la gestion de la diversité, Adyan. Elle cite notamment des exemples tirés d'Irak, où l'on note une « sur-couverture » des questions liées aux communautés chiite, sunnite et kurde, beaucoup moins aux minorités telles que les yazidis ou les bahaïs.
« Personne n'avait jamais parlé des yazidis avant que leurs filles ne soient violées », renchérit à son tour Asaad Zalzali, journaliste irakien, lauréat du prix Samir Kassir pour la liberté de la presse en 2017.

Le débat a été l'occasion de faire un état des lieux sur le journalisme dans la région et de passer en revue les nombreux défis auxquels les journalistes font face à l'intérieur de leurs structures respectives, mais aussi à l'extérieur, face à des régimes qui œuvrent en direction de politiques d'assimilation et d'assujettissement des médias plutôt que de leur organisation et de leur indépendance.

 

Des chartes non respectées
Pour Joanna Nassar, directrice des programmes au sein du PNUD, les multiples formations prodiguées aux journalistes « se sont avérées inutiles en l'absence de politiques éditoriales suivies à l'intérieur même des institutions médiatiques qui doivent aller dans le même sens ». Mme Nassar a évoqué les efforts entrepris au Liban pour mettre en place un code éthique, qui reste toutefois aléatoire dans la mesure où il n'est pas contraignant, et reste, pour nombre d'institutions médiatiques, lettre morte, puisque la conviction n'y est pas, a-t-elle relevé en substance.

C'est un problème similaire qui se pose en Syrie où une charte d'honneur a été mise en place en 2014 par un collectif de médias de l'opposition, témoigne Jawad Charbaji, journaliste. « Cette charte, suivie de formations des journalistes, est l'un des projets les plus importants dans le paysage médiatique syrien », a-t-il estimé.
« Pour autant, la diversité n'en est pas plus respectée en Syrie », poursuit le journaliste, en rappelant que ce sont « les régimes dictatoriaux qui ont imposé, par la force, la diversité dans le monde arabe ».

Les chartes ne sont pas respectées non plus en Irak du fait notamment de « l'ingérence des partis politiques qui ont une influence sur des médias sous leur coupe », rappelle M. Zalzali en dénonçant par la même occasion l'exacerbation insatiable de la fibre confessionnelle et la pression subie par les journalistes.

La « success story » en matière de code éthique est probablement à rechercher en Tunisie où est née, dans le sillage de la révolution, une codification du travail journalistique, fondée sur les critères de la rigueur, l'équité, la neutralité et la nécessité d'éviter le discours haineux et discriminatoire.
« Il s'agit d'une expérience avant-gardiste, témoigne Hanene Zbiss, lauréate du prix Samir Kassir en 2014. La réussite de la formule réside dans le fait qu'un rapport sur la bonne application du texte est effectué mensuellement. Il pointe les violations retransmises et débattues publiquement lors d'une émission radio. »

Au Liban, le recours à des expressions ou des programmes au « caractère théâtral » qui exacerbent le confessionnalisme reste toujours de mise, relève Mme Tabbara, en stigmatisant des concepts tels que « les forces obscurantistes », ou le « rampement druze », autant de formules qui désormais « suscitent une réaction négative chez le récepteur libanais parce qu'elles lui rappellent la guerre ».

Toutefois, ce n'est pas au seul journaliste d'assumer la responsabilité de ces écarts. Car, dit Layal Bahnam, directrice des programmes à Maharat, c'est l'ensemble du cadre dans lequel évolue le journaliste qui doit être réformé, à commencer par la loi désuète sur les imprimés, l'absence d'un syndicat efficace et d'un conseil supérieur de l'audiovisuel indépendant. « Il faut également tenir compte de la situation économique précaire des journalistes qui ne bénéficient d'aucune protection », dénonce-t-elle.

 

L'expérience européenne
Le problème du respect de la diversité dans la couverture journalistique est un sujet qui préoccupe tout autant l'Occident, qui se retrouve face aux échecs des politiques d'intégration des populations d'origines immigrées, notamment avec le récent flux des réfugiés vers le Vieux Continent.

En France, des formules à caractère préventif ont été mises en place, telles que le Bondy Blog, une plateforme d'expression ouverte aux groupes minoritaires des banlieues. Une opportunité pour parler de la vie de la banlieue dans une approche inclusive, loin des stigmates habituels, comme l'explique son président, Kozi Pastakia. Une autre initiative positive est également à retenir : la publication du « Précis à l'usage du journalisme » publié par l'institut Panos. L'ouvrage est destiné à sensibiliser, grâce à l'humour, « les journalistes qui veulent écrire sur les Noirs, les musulmans, les Asiatiques, les Roms, la banlieue, les juifs, les femmes... », explique Virginie Sassoon vice-présidente du club XXIe siècle.

Le processus de déconstruction des stéréotypes est également en marche en ex-Yougoslavie, enchaîne Dasha Ilic, journaliste serbe et directrice de communication à l'Institut de la diversité médiatique. Elle met toutefois en garde contre « la propagande et les agendas nationalistes » et se prononce en faveur d'un rôle plus avancé accordé aux femmes. Il s'agit également de rester vigilant face aux médias numériques « qui nous enferment dans des bulles d'information hermétiques » et de favoriser un journalisme de paix et de positivisme, préconise Michael Unland, journaliste allemand, directeur de Cameco.

 

Pour mémoire

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Déchiré par des « identités meurtrières », pour reprendre le titre d'un des ouvrages d'Amin Maalouf, le monde arabe n'est vraisemblablement pas encore sorti de l'ornière. En lieu et place d'une diversité ethnique et religieuse source potentielle de richesse, le pluralisme a fini par devenir l'arme et l'alibi rêvé pour nourrir des conflits sans cesse renouvelés.
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commentaires (2)

PLUS DE JOURNALISME... C,EST LE CLIENTELISME REMUNERE !

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 41, le 19 octobre 2017

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Commentaires (2)

  • PLUS DE JOURNALISME... C,EST LE CLIENTELISME REMUNERE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 41, le 19 octobre 2017

  • parlant des journalistes et feuilles libanais, comment esperer mieux puisque: 1-les "feuilles" & leurs journalistes/reporters qui manquent le plus d'ethique sont monayes par DIEU SEUL SAIT combien de sponsors etrangers - etrangers aussi bien a nos interets qu'au devoir d'ethique - pire leurs sponsors les paient pour desinformer et intoxiquer 2- l'education de base, l'instruction ( a l'ecole et chez leur parents ) essentielles et bien ces gens la y sont totalement etrangeres

    Gaby SIOUFI

    10 h 23, le 19 octobre 2017

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