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Moyen Orient et Monde - INTERVIEW EXPRESS

Moins de tension sur le dossier syrien entre Moscou et Riyad

David Rigoulet Roze décrypte les enjeux de la rencontre entre le roi Salmane et Vladimir Poutine.

Le président russe recevant hier le roi Salmane d’Arabie, à Moscou. Sputnik/Alexei via REUTERS

Le premier voyage du roi d'Arabie saoudite en Russie a tenu ses promesses. En scellant d'importants accords militaires et énergétiques hier, représentant des « milliards de dollars », Moscou et Riyad ont acté leur rapprochement après plusieurs mois de dialogue croissant. David Rigoulet-Roze, enseignant et chercheur à l'Institut d'analyse stratégique (IFAS) et rédacteur en chef de la revue Orients-Stratégiques, répond aux questions de L'Orient-Le Jour.

On sait que cette réunion est en préparation depuis plusieurs années, pourquoi a-t-elle lieu aujourd'hui ?
C'est le résultat d'un processus de rapprochement lent, en partie accéléré par les négociations sur le pétrole ayant débouché sur l'accord de l'OPEP du 30 novembre 2016. Cet accord prévoyait une convergence entre les membres de l'OPEP et la Russie, qui n'en fait pas partie. Il s'agissait de stabiliser les cours du pétrole de manière profitable à tous. De ce point de vue, il y avait effectivement une convergence d'intérêts objectifs, ce qui n'excluait pas par ailleurs des divergences géopolitiques, notamment à propos de la Syrie. Mais depuis, les choses ont un peu évolué, parce que même sur la Syrie, Riyad a amendé sa position initiale proactive en renonçant implicitement à promouvoir le renversement de Bachar el-Assad. Une distanciation qui permet ainsi de se rapprocher de Moscou, dont l'intervention militaire directe, le 30 septembre 2015, avait comme objectif stratégique déclaré la pérennisation du régime du président syrien.

Cette rencontre peut-elle aboutir à un rapprochement sur le dossier syrien entre les deux pays ?
Se rendre aujourd'hui à Moscou est déjà en soi le signe que l'Arabie saoudite prend acte du fait que la situation stratégique a nettement évolué et que, d'une certaine manière, Bachar el-Assad a « gagné sa guerre » avec le soutien massif de Moscou. L'Arabie, sur le dossier syrien, ne soutient plus autant qu'auparavant, comme elle a eu l'ambition de le faire, les groupes susceptibles de renverser le régime. Il y a donc moins de tension à ce niveau entre Moscou et Riyad. Cette nouvelle donne géopolitique peut laisser penser que des convergences relatives pourraient se dessiner pour favoriser à terme une sortie de crise. Il n'est pas exclu qu'il y ait des discussions poussées sur cette question entre les deux gouvernements. En n'oubliant pas que derrière le voyage du roi Salmane, se profile son fils, Mohammad ben Salmane, nouveau prince héritier qui s'était déjà rendu en Russie pour rencontrer Vladimir Poutine, notamment le 11 octobre 2015, puis de nouveau le 30 mai 2017, et qui incarne désormais très largement la nouvelle gouvernance saoudienne.

La Russie cherche-t-elle à accroître son influence au Moyen-Orient en se tournant vers l'Arabie saoudite ?
Cette influence s'est de fait imposée depuis son engagement militaire en Syrie. Le voyage du roi Salmane est aussi une manière de reconnaître le rôle de plus en plus important de la Russie en termes stratégiques dans la région. Le poids de Moscou s'est renforcé ces deux dernières années, et il est désormais reconnu par les différents protagonistes régionaux, que sont à la fois l'Iran, l'allié de la Russie dans le conflit syrien, mais aussi l'Arabie saoudite.

L'Arabie cherche-t-elle un nouveau partenaire face aux États-Unis, à l'aune de la perte de confiance avec son allié historique ?
D'aucuns pourront considérer cette rencontre comme une infidélité faite aux États-Unis, notamment avec la signature d'un contrat d'achat, avec l'industrie militaire russe, du système antiaérien S-400. Mais en même temps, il faut relativiser. Cet engagement n'est en rien comparable aux 110 milliards de dollars de contrats militaires signés avec Washington, à Riyad, le 21 mai 2017. Le contrat d'armement signé avec la Russie est une manière de concrétiser ce rapprochement, mais aussi pour le nouveau prince héritier de donner consistance à son objectif de promotion d'une « industrie nationale ». Cette volonté de réduire la dépendance du royaume aux achats d'armes américaines et européennes passe aussi préalablement par une politique qui s'efforce de diversifier ses fournisseurs, même si les États-Unis resteront le partenaire principal.

Le premier voyage du roi d'Arabie saoudite en Russie a tenu ses promesses. En scellant d'importants accords militaires et énergétiques hier, représentant des « milliards de dollars », Moscou et Riyad ont acté leur rapprochement après plusieurs mois de dialogue croissant. David Rigoulet-Roze, enseignant et chercheur à l'Institut d'analyse stratégique (IFAS) et rédacteur en...

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