Le roi Salmane d'Arabie saoudite est attendu au Kremlin aujourd'hui. Le porte-parole du président russe Vladimir Poutine, Dimitri Peskov, a d'ores et déjà annoncé la teneur de ce déplacement historique.
« Notre principal espoir est que cette visite donne un nouvel élan aux relations bilatérales, parce que leur potentiel est bien plus riche que la situation actuelle. La Russie est intéressée par un dialogue, en particulier sur le Moyen-Orient et la Syrie », a-t-il déclaré lundi. Alors que des délégations des deux pays avaient déjà échangé sur les différends entre Moscou et Riyad, cette rencontre revêt un caractère particulier. « La visite du roi est spectaculaire, car il est vieux et malade, et ne voyage plus beaucoup », explique Olivier Da Lage, spécialiste des pays du Golfe, à L'Orient-Le Jour. En effet, le dernier déplacement officiel du monarque de 82 ans remonte à sa tournée asiatique en février dernier. Mais ce réchauffement des relations entre Moscou et Riyad avait déjà été annoncé par la nomination du prince héritier Mohammad ben Salman, qui avait déjà servi d'intermédiaire entre les deux pays.
L'or noir va sans doute constituer un point majeur de la discussion entre la délégation saoudienne et ses hôtes. « Les deux pays sont confrontés au problème majeur qu'est la baisse des cours du pétrole. Ils vont chercher à le redresser ensemble », analyse Olivier Da Lage. Alors que le prix du baril avait chuté de 105 à 28 dollars entre 2014 et 2016, les économies russe et saoudienne, qui dépendent de 70 à 80 % des revenus pétroliers, avaient été dramatiquement affectées. Couplées à ce choc, les sanctions que les États-Unis et l'Europe imposent à la Russie depuis 2014 ont mené à une récession, dont le pays commence tout juste à sortir. La rencontre entre le roi Salmane et le président Poutine va donc certainement aboutir à davantage de coopération dans le secteur pétrolier, d'autant que les entreprises russes Rosneft, Lukoil et Tatneft se sont déjà déclarées ouvertes à un travail commun avec Saudi Aramco.
« Cette ouverture s'inscrit dans une vision à long terme. Des investissements saoudiens dans la région arctique intéressent la Russie », confirme Florent Parmentier, maître de conférences à Sciences-Po Paris et spécialiste de la Russie. « Mais il s'agit aussi pour le royaume de concrétiser une partie de son plan Vision 2030, qui vise à diversifier l'économie saoudienne et à trouver de nouveaux partenaires », avance-t-il.
La Syrie, sujet de discorde
Si le sujet de la coopération énergétique semble naturel pour les deux pays, trouver un accord géopolitique sera d'une toute autre difficulté. En Syrie, les troupes russes soutiennent l'alliance (essentiellement chiite) Téhéran-Damas, alors que l'Arabie saoudite arme des groupes de rebelles sunnites opposés au régime de Bachar el-Assad. Mais l'inimitié entre l'Iran et l'Arabie saoudite remonte à loin et aujourd'hui encore, les deux pays s'affrontent de manière interposée en Syrie et au Yémen, entre autres.
La ligne de fracture est-elle pour autant insurmontable ? Il y a des sujets de désaccord, mais pas d'hostilité entre la Russie et le royaume wahhabite, relativise Olivier Da Lage. « Le roi Salmane reconnaît pleinement la situation actuelle : les alliés du royaume en Syrie ne vont pas gagner la guerre. Il cherche une porte de sortie sans perdre la face, et compte sur la Russie pour négocier avec Téhéran », estime le spécialiste. Même son de cloche pour Florent Parmentier qui confirme cette volonté de désescalade autour de la Syrie : « Poutine se met en scène en tant que médiateur et défenseur de la paix, afin de redorer son blason. Mais il cherche surtout à préparer l'après-guerre en Syrie, quand il faudra forcément composer avec Riyad. »
Un possible axe de coopération en Syrie pourrait bien faire partie de la lutte contre le terrorisme, puisque les deux pays ont récemment été la cible d'attentats revendiqués par Daech. « La Russie a clairement des objectifs de politique intérieure en vue. Avec la radicalisation islamiste dans le Caucase et la Tchétchénie, l'Arabie saoudite peut aider la Russie à mieux surveiller ses jihadistes, et exercer une influence sur les sunnites de Russie (15 % de la population russe) en tant qu'autorité religieuse islamique », explique M. Parmentier. Il existerait donc des enjeux géoculturels : en échange de cette aide saoudienne, la Russie pourrait acquérir le statut de défenseur des chrétiens au Moyen-Orient, qu'elle se dispute avec la France depuis le XIXe siècle.
Une « nouvelle donne » géopolitique
Alors que les relations entre les États-Unis et la Russie sont entachées de méfiance, il peut sembler étrange que l'Arabie saoudite se détourne de l'un pour aller vers l'autre. D'autant qu'un achat mutuel d'armes est au programme des discussions aujourd'hui. « La quasi-totalité de l'arsenal saoudien provient de l'OTAN », s'étonne Olivier Da Lage, « toute vente sera donc forcément plus symbolique que fonctionnelle, vu que les équipements américains et russes ne sont pas compatibles ».
Après la visite fastueuse du président américain Donald Trump en mai dernier et destinée à renforcer l'alliance Washington-Riyad, le déplacement du roi Salmane à Moscou devrait faire grincer des dents à la Maison-Blanche, ou plutôt à la Trump Tower. « Il faut comprendre les Saoudiens. Leur réputation est ternie à cause de la Syrie et du Yémen, ils ne sont plus aussi populaires qu'avant au Congrès ou au Sénat. L'amitié de Trump n'est pas une garantie suffisante ! » avance Florent Parmentier, qui précise que les relations entre les deux pays ne se sont pas refroidies pour autant.
« Le royaume reconnaît simplement la nouvelle donne géopolitique, Moscou faisant son retour en tant qu'acteur important, et reprenant la place que la Russie avait perdue avec la dissolution de l'Union soviétique », explique Olivier Da Lage, ce que Florent Parmentier confirme. « On se dirige vers un système d'alliances plus flexibles et ouvertes, même si elles peuvent sembler contre nature. Si les axes Téhéran-Damas-Moscou et Washington-Riyad-Bagdad sont loin de rompre, tous les acteurs recherchent une forme de pluralisme géopolitique pour sortir des alliances rigides qu'on connaît aujourd'hui. »
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Un peu plus d'humilité de la part de tous et le monde tournera mieux. Le monde tournera mieux en n'excluant personne. Le monde tournera mieux dans l'équilibre des forces et dans le respect des peuples et de tous. Pour se faire respecter, il faut savoir surtout respecter autrui .... Tout ceci commence dans le respect des droits de lhomme...!nous en avons tous besoin ....surtout en orient!
14 h 50, le 05 octobre 2017