La crise ouverte entre, d'une part, le Qatar et, d'autre part, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis principalement, appuyés par les autres pays du Conseil de coopération du Golfe, s'est invitée dans la course pour le secrétariat général de l'Unesco. L'élection devrait commencer le 9 octobre et se terminer au plus tard le 13, au rythme d'un tour de vote par jour, jusqu'à ce que l'un des huit candidats encore en lice obtienne les 30 voix requises pour succéder à Irina Bokova qui achève son second mandat. L'un des favoris, le candidat du Qatar, Hamad ben Abdel Aziz al-Kawari, se démène pour tenter de contourner le barrage constitué par l'hostilité déclarée de l'Arabie saoudite (qui n'est pourtant pas membre de l'Unesco) et de ses alliés, sachant que les pays arabes avaient prévu d'installer un des leurs au siège de secrétaire général de l'Unesco pour la première fois depuis la création de cette institution de l'ONU.
Toutefois, le candidat du Qatar n'est pas le seul à appartenir au monde arabe. Le Liban a sa candidate, Vera el-Khoury Lacoeuilhe, l'Égypte a aussi la sienne, Moushira Khattab. Quant à l'Irak, il a également un candidat, Saleh al-Hasnawi. Officiellement, il s'agirait d'une nouvelle tactique qui prévoit de présenter plusieurs candidats pour que l'un d'eux remporte l'élection. Mais des milieux proches de l'Unesco précisent qu'il s'agit plutôt de l'incapacité des pays arabes membres de cette institution (Liban, Oman, Soudan, Égypte, Qatar, Algérie et Maroc) de s'entendre sur un seul candidat qui les pousse à en avoir quatre. Selon Jeune Afrique, qui suit ces élections de près, la candidate du Liban a de sérieuses chances, ayant une parfaite connaissance des rouages de l'Unesco (elle y est depuis plus de 20 ans). De plus, Véra el-Khoury Lacoeuilhe est parfaitement trilingue, ce qui n'est pas le cas de plusieurs candidats, et son programme, qu'elle a présenté au cours de son audition devant les membres, est global et axé sur la diversité des missions de l'Unesco, ainsi que sur la nécessité de promouvoir les valeurs de dialogue et de respect de la diversité culturelle dans le monde.
(Pour mémoire : Première étape réussie pour la candidate du Liban à la direction générale de l'Unesco !)
De son côté, l'Égyptienne Moushira Khattab promet de privilégier la langue arabe et rappelle que l'Égypte a des relations diplomatiques avec Israël, alors que l'Irakien est plutôt discret.
Les quatre candidats arabes ne s'affrontent pas seulement entre eux. Ils doivent faire face à quatre autres candidats, ceux de la Chine, Qian Tang, du Viet Nam Pham, Sanh Chan, d'Azerbaïdjan, Polad Bülbüloglu, et de la France, l'ancienne ministre de la Culture sous François Hollande Audrey Azoulay.
En fait, ils étaient neuf au total, mais le candidat du Guatemala s'est retiré de la course. L'ancienne ministre française fait partie des candidats favoris, ayant déjà l'appui du représentant du Maroc en raison des liens privilégiés entre ce pays et la France, et de plus, son père est l'un des conseillers du roi Mohammad VI. Mais en dépit de ses chances considérables, la candidate de la France a un grand handicap, le fait que son pays soit l'hôte du siège de l'Unesco. En effet, il existe un accord tacite qui veut que le pays hôte d'une institution de l'ONU ne présente pas de candidat à la tête de cette même institution, car cela donnerait un trop grand avantage à ce pays dans les décisions qu'il serait amené à prendre.
Malgré cette entente tacite, rien n'empêche la France de présenter une candidate, et ce sont les électeurs qui décideront si cette règle non écrite doit être préservée ou non. Toutefois, des sources diplomatiques précisent que même au sein de l'Unesco, de plus en plus de pays membres voient d'un mauvais œil cette candidature, sachant que l'Europe a occupé le poste de secrétaire général de cette institution depuis bien des années et qu'il est temps que cela change.
(Pour mémoire : Vera el-Khoury Lacoeuilhe : Je ne reviendrai pas sur ma candidature)
Ce qui est sûr, à ce stade, c'est que tous les candidats courtisent l'Afrique, dont le vote est forcément déterminant. La candidate égyptienne met ainsi en avant l'appartenance de son pays à ce continent, alors que le candidat chinois (qui bénéficie du poids considérable de son pays) promet de relancer des projets éducatifs dans cette région du monde, sachant que depuis 2010, il est le sous-directeur général de l'Unesco pour l'éducation.
Le conflit israélo-palestinien aura aussi un impact sur le vote des membres, surtout depuis qu'en 2011, la Palestine est passée du statut d'observateur à celui de membre à part entière de l'Unesco, ce qui suscité la colère des Israéliens. La riposte américaine ne s'est d'ailleurs pas fait attendre puisque les États-Unis ont suspendu leur contribution financière à cette institution.
À moins d'une semaine du scrutin, tout le monde s'accorde à dire que les conflits politiques ne doivent pas interférer dans le vote, mais il est clair que les enjeux vont au-delà des intérêts de l'Unesco qui sont pourtant dans le développement de la culture et de l'éducation dans le monde, thèmes que la candidate du Liban connaît à merveille ayant pratiqué et vécu la diversité, la tolérance, l'ouverture et le respect des droits et des libertés. À ce sujet, il est bon de préciser que certains candidats viennent de pays qui ne reconnaissent pas toutes ces valeurs et aucun d'eux n'a en tout cas le profil de la candidate du Liban. Mais à l'échelle des nations, ce qui se fait n'est pas toujours conforme à ce qui se dit. Rendez-vous donc le 9 octobre pour un premier tour, qui permettra de tester les intentions de vote. Le deuxième tour devrait commencer à montrer les alliances, mais les experts estiment que c'est à partir du troisième tour que l'issue du vote peut commencer à se préciser.
Pour mémoire
Unesco : la candidature qui embarrasse les autorités libanaises
commentaires (2)
Très bon article ,merci chère Scarlett.Il faut soutenir à fond notre candidate Libanaise Vera Khoury qui est incontestablement(de l'avis de tous) celle qui connait le mieux les dossiers de l'Unesco. En effet ce sont les 58 membres du conseil exécutif (sur les 195 de l'Unesco)qui voteront à partir de la seùmaine prochaine dont les sept pays arabes présents à ce conseil(Liban,Oman,Soudan,Egypte,Qatar,Algérie et Maroc). La décision sera par la suite validée par la conférence générale en novembre prochain(195 membres).Une Libanaise à la tête de l'organisation serait pour nous tous une immense fierté!!
Bahjat RIZK
10 h 24, le 04 octobre 2017