Le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani avec le président français Emmanuel Macron hier à Paris. Ludovic Marin/AFP
Sortir à tout prix de l'isolement : l'émir du Qatar Tamim ben Hamad al-Thani intensifie actuellement ses efforts pour trouver une porte de sortie à la crise qui oppose son pays à l'axe saoudien depuis le 5 juin.
En déplacement jeudi à Ankara, l'émir a été reçu par son principal allié, le président turc Recep Tayyip Erdogan. La Turquie, qui dispose d'une base militaire au Qatar, avait déployé des forces armées et des véhicules après le début de la crise en signe de soutien. Le président Erdogan avait également entamé une tournée dans le Golfe fin juillet pour tenter d'apaiser les tensions, sans succès. Preuve de la volonté commune de débloquer la situation, le Premier ministre du Koweït, le cheikh Jaber al-Moubarak al-Ahmad al-Sabah, qui s'est imposé en tant que principal médiateur dans la crise du Golfe, se trouvait aussi en Turquie jeudi et a été reçu par le Premier ministre turc, Binali Yildirim.
Après Ankara, l'émir qatari s'est envolé hier pour Berlin où il s'est entretenu avec la chancelière allemande, Angela Merkel, qui a exprimé son souhait de voir « les acteurs (de la crise) s'asseoir au plus vite à la même table », avant d'ajouter que son pays souhaitait « apporter sa contribution pour résoudre ce conflit de manière à ce que chacun puisse sauver la face ». Autrement dit, trouver un accord qui ne remette pas en question l'indépendance qatarie et qui ne ressemble pas à un camouflet pour le camp saoudien. La marge de manœuvre est très réduite, compte tenu des positions plutôt radicales des deux principaux acteurs jusqu'à maintenant. Le cheikh Tamim ben Hamad al-Thani a toutefois déclaré hier que « le Qatar (était) prêt à s'asseoir à la table des discussions pour trouver une issue à la crise diplomatique qui l'oppose à certains de ses voisins du Golfe ».
Après Berlin, le dirigeant qatari s'est rendu à Paris hier où il s'est entretenu avec le président Emmanuel Macron qui a appelé à lever « le plus rapidement possible » les « mesures d'embargo affectant les populations du Qatar ». Le dirigeant français a déjà tenté par le passé de jouer le rôle de médiateur en s'entretenant début août au téléphone avec le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammad ben Salmane. Trois mois après le déclenchement du blocus, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l'Égypte suspendent toujours leurs liaisons aériennes et maritimes avec le Qatar qu'ils accusent de soutenir le terrorisme. Doha voit quant à lui dans ce boycott économique un moyen de s'en prendre à sa politique étrangère indépendante. Le 9 septembre, le cheikh Tamim et le prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane, s'étaient entretenus par téléphone. Il s'agissait là du premier contact officiel entre les deux pays depuis le début de la crise. Mais la réconciliation n'avait pas abouti et le pouvoir saoudien avait même procédé par la suite à l'arrestation du célèbre prédicateur Salmane al-Odah qui avait appelé dans un tweet à un accord entre les deux pays.
D'Ankara à Paris en passant par Berlin, le cheikh Tamim veut donner l'image d'un pays qui, même face au blocus, parvient à se défaire de l'isolement dans lequel certains veulent le placer. Après son déplacement à Paris, l'émir participera mardi à New York à la 72e Assemblée générale des Nations unies, une occasion là encore de briser l'isolement et d'essayer de s'entendre sur un nouveau consensus avec son voisin. À condition que le voisin en question revoie à la baisse ses exigences vis-à-vis du petit émirat.
A.G.