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À La Une - Crise

En Libye, un groupe armé stoppe les départs de migrants

La Brigade 48, dont les membres sont issus de la société civile, de la police et de l'armée, a été créée à l'initiative d'un ancien patron du crime organisé.

Un groupe de migrants détenus au centre de l'Autorité anti immigration illégale de Tajoura, près de Tripoli, en Libye, le 6 août 2017. REUTERS/Ismail Zitouny

Un groupe armé constitué de plusieurs centaines d'hommes s'est formé en Libye pour stopper les embarcations des réseaux de passeurs et repousser les migrants, faisant chuter cet été le nombre des départs vers l'Italie, révèlent plusieurs sources dans la région.

L'organisation armée opère à Sabratha. Située sur la côte méditerranéenne à 70 km à l'ouest de Tripoli, cette ville est devenue le principal point de départ des traversées vers l'Italie à la suite d'une campagne de répression menée en 2015 contre les réseaux de passeurs à Zouara, un peu plus à l'ouest.

L'émergence de ce groupe, qui compte des civils mais aussi des policiers et militaires dans ses rangs, explique en partie pourquoi les arrivées en Italie depuis l'Afrique du Nord ont subitement chuté, avec 50% de migrants en moins en juillet par rapport à juillet 2016.

Pour le mois d'août, le recul est encore plus marqué, selon les statistiques provisoires des autorités italiennes. Depuis 2014, quelque 600.000 migrants ont gagné l'Italie via l'Afrique du Nord. Plus de 12.000 ont péri en mer. L'absence d'un pouvoir fort en Libye mais aussi l'accord conclu début 2016 entre l'Union européenne et la Turquie, qui a asséché les flux plus à l'est, en mer Egée, ont déplacé les routes migratoires vers la Méditerranée centrale.

 

(Lire aussi : Violences, angoisse et toujours plus d'obstacles pour les migrants en Libye)

 

Centre de détention
Des sources à Sabratha assurent que l'intervention de ce groupe armé explique directement la baisse du nombre des départs enregistrés ces dernières semaines.

Issus de la société civile, de la police et de l'armée, ses membres "agissent sur le terrain, sur la plage, pour empêcher les migrants d'embarquer à bord de bateaux vers l'Italie", dit un acteur de la société civile de Sabratha, s'exprimant sous le sceau de l'anonymat.

La "campagne très forte" qu'ils mènent contre les migrants et les passeurs est à l'initiative d'un "ancien patron du crime organisé", précise une deuxième source, qui suit de près l'activité des trafiquants d'êtres humains à Sabratha.

L'impact de cette organisation est confirmé par une troisième source ayant des contacts en Libye et qui elle non plus ne veut pas que son nom apparaisse. "Leur initiative pour faire régner l'ordre dans le secteur est significative", dit-elle.

La Brigade 48 - le nom n'est donné que par cette troisième source, les deux sources à Sabratha ne le confirment pas - dispose même d'un centre de détention de migrants. Une photographie envoyée par l'un de nos trois informateurs montre plusieurs centaines de migrants assis sur le sable, devant un mur élevé.

Le groupe s'emploierait à faire reconnaître sa légitimité par Tripoli et obtenir des financements du gouvernement d'union nationale (GNA) reconnu par la communauté internationale. Mais au ministère de l'Intérieur, un responsable du service chargé de la lutte contre l'immigration clandestine à Sabratha n'a pas donné suite à nos sollicitations. Impossible également de contacter directement ce groupe paramilitaire.

Si Tripoli refuse son soutien, dit une des sources à Sabratha, le groupe armé pourrait abandonner ses opérations.

 

(Pour mémoire : Secours aux migrants : la Libye interdit "tout navire étranger" près de ses côtes)

 

Les réseaux de passeurs s'adaptent
Recueillis par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), les récits de migrants arrivés samedi dans le port sicilien de Trapani attestent que la situation a changé. "Ils ont dit qu'il était très difficile de partir de Sabratha, que des individus bloquent les bateaux avant qu'ils n'appareillent et, s'ils arrivent à sortir en mer, ils sont immédiatement renvoyés à terre", rapporte Flavio Di Giacomo, porte-parole de l'OIM à Rome.

La semaine dernière, l'agence européenne de contrôle aux frontières (Frontex) a annoncé que 10.160 migrants avaient atteint l'Italie en juillet, soit 57% de moins que le mois précédent.

"Plusieurs facteurs ont contribué à la chute significative de l'activité ces dernières semaines sur la route migratoire en Méditerranée centrale", a ajouté l'agence européenne, évoquant des mauvaises conditions de mer, la présence accrue de bâtiments des garde-côtes libyens et des "affrontements près de Sabratah".

Face à cette nouvelle donne, les réseaux de passeurs s'adaptent déjà.

D'après Chris Catrambone, co-fondateur de l'ONG Migrant Offshore Aid Station (MOAS) qui se porte au secours des migrants en mer, les trafiquants ont déplacé leur point de départ à l'est de Tripoli, non loin de la ville d'Al Khoms, d'où trois grands canots pneumatiques ont appareillé la semaine dernière tandis qu'une seule petite embarcation avec 26 personnes à son bord était repérée à l'ouest de Tripoli.

"La mer était aussi calme qu'un lac la semaine dernière, et pourtant, il y avait peu de bateaux", a-t-il ajouté.

Un diplomate de haut rang souligne de toute façon que la puissance des réseaux de trafiquants d'êtres humains ne pourra pas être brisée tant que la Libye ne disposera pas d'une "source légitime" du maintien de l'ordre. La situation, compare-t-il, ressemble à un vase brisé. "A un bord, on recolle les morceaux mais tout le reste est en pièces", dit-il.

 

 

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L'organisation armée opère à Sabratha. Située sur la côte méditerranéenne à 70 km à l'ouest de Tripoli, cette ville...

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SI une hirondelle pouvait faire le printemps arabe ......

FRIK-A-FRAK

11 h 05, le 24 août 2017

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Commentaires (1)

  • SI une hirondelle pouvait faire le printemps arabe ......

    FRIK-A-FRAK

    11 h 05, le 24 août 2017

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