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Moyen Orient et Monde - Terrorisme

Quand un rapport défait le mythe du Captagon

Pour Laurent Laniel, chercheur spécialiste des marchés des drogues illicites à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), la « drogue des jihadistes » n'existe pas.

Des comprimés de Captagon confisqués en Bulgarie, en 2007. Nikolay Doychinov/Reuters

Qui n'a pas entendu parler du Captagon ? Du Liban à l'Europe occidentale, en passant par la Syrie, la seule évocation de cette drogue fait forcément penser à ceux qui, voulant punir les « mécréants », sont à l'origine de tragiques attentats survenus aux quatre coins du monde. Les témoignages ne manquent pas : « Ils avaient l'air de morts-vivants », « Il était certainement sous l'emprise d'une drogue »...

Pendant ce temps, des millions de pilules sont régulièrement saisies par les autorités de plusieurs pays, notamment moyen-orientaux. Ce qui fut un puissant psychotrope abondamment commercialisé et prescrit dans les années 1960 en Europe occidentale et orientale, ainsi qu'au Moyen-Orient, devait à l'origine traiter les troubles de déficit d'attention. Reconnaissable à son logo composé de deux demi-lunes, le médicament est, à l'époque, composé de fénétylline, de la famille des amphétamines. Presque impossible à retracer dans l'organisme après avoir été métabolisé, non placé sous contrôle international, le médicament circule plus ou moins librement jusqu'en 1986, date à laquelle la fénétylline est officiellement reconnue comme substance psychotrope, détaille Laurent Laniel, chercheur spécialiste des marchés des drogues illicites à l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) dans un rapport intitulé Captagon, déconstruction d'un mythe, publié fin juillet. Selon l'Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), il restait encore dans les années 2000 des dizaines de tonnes en stock dans le monde, utilisées à des fins médicales ou de recherche. Plus tard, un rapport de l'organisation daté de 2011 affirme que « fin 2009, les stocks (mondiaux) de fénétylline étaient pratiquement épuisés ».

Aujourd'hui, ce qui fut le Captagon®, de son nom commercial et composé de fénétylline, n'existe plus, et a été remplacé par des contrefaçons portant le même logo, soit les deux demi-lunes. Les comprimés saisis de nos jours sont composés essentiellement d'amphétamines pures, souvent mélangées avec d'autres substances, mais jamais de fénétylline. La plus forte demande de ce produit vient des pays arabes, fournis par l'Europe balkanique essentiellement, via la Turquie. À partir des années 2000, l'étau se resserre autour des importateurs bulgares et turcs, qui se déplacent vers le Moyen-Orient.

 

(Pour mémoire : Captagon : selon un rapport français, "la drogue des jihadistes est un mythe")

 

De Sousse au Bataclan
Comment ce produit est-il passé du statut de simple drogue de rue à celui de drogue des jihadistes ? Car aucune trace de drogue n'a été retrouvée après l'autopsie des auteurs d'attentats en Europe. Depuis les attaques du 13 novembre 2015, difficile de trouver un article ou autre document traitant du Captagon sans qu'il ne soit lié au conflit syrien ou à l'État islamique. Tout commence lorsque des témoins affirment que les auteurs de l'attaque au Bataclan semblent drogués. Il n'en faut pas plus pour que toutes sortes d'hypothèses soient élaborées et que le nom du Captagon apparaisse. Bien que la fénétylline n'existe plus et soit de toute manière impossible à retrouver dans l'organisme.

La seule mention de prise de drogue par l'auteur d'un attentat terroriste paraît, à une seule occasion, lors de l'enquête sur la fusillade sur une plage privée de Sousse en Tunisie. Et encore, certaines affirmations dans le rapport de l'enquête, disponible en ligne, sont contradictoires : « Les analyses toxicologiques ont révélé la présence d'une drogue, dont les principaux effets comprennent un sentiment d'épuisement, d'agressivité et d'extrême colère entraînant la perpétuation de meurtres. Un autre effet de ces drogues est qu'elles augmentent la performance physique et mentale. » Le rapport parle d'une, puis de plusieurs drogues, sans les nommer ;
il mentionne également l'effet d'« épuisement », mais aussi l'augmentation de « la performance physique et mentale ». Au cours des mois suivants, des « sources bien informées » affirment à plusieurs médias, comme le Daily Mail et Vanity Fair, que le terroriste de Sousse avait en réalité consommé de la cocaïne, ou encore du Captagon en provenance de Syrie.

L'amalgame est fait, « reposant sur le caractère plausible de certains éléments mais pas sur l'existence de preuves solides », écrit Laurent Laniel. « En d'autres termes, dans nombre de cas, les faits ont été subordonnés au message plutôt que l'inverse. L'effet de sidération provoqué par les attentats aura probablement contribué à rendre inaudibles les rares voix, qui, dans les jours suivant les attaques, invitaient à la prudence, voire réfutaient l'usage généralisé du Captagon dans les rangs jihadistes. Le mécanisme à l'œuvre laisse entendre que les attentats-suicide revendiqués par l'EI n'auraient pu être exécutés uniquement par une volonté assumée de sacrifier sa propre vie au service d'une cause et sans recours à la chimie », dit-il.

L'analyste conclut sur une analogie avec le mythe des hachachine, ou « assassins », destinée à expliquer la « difficulté des sociétés occidentales à penser l'ennemi ». Au XIe siècle, les nizarites (issus d'un schisme au sein du chiisme ismaélien) commencent à commettre des attentats-suicide contre des dignitaires de l'empire des califes abbassides sunnites dominés par les Turcs. « Les ennemis des nizarites au sein du monde musulman médiéval, ne pouvant se résoudre à croire que des hommes, fussent-ils fanatisés, puissent ainsi sacrifier leur propre vie pour une cause, les rebaptisèrent du terme insultant "haschischin" afin de mieux les bestialiser », avance Laurent Laniel. Ce n'est qu'au XIXe siècle que le parallélisme avec la consommation de haschisch fut établi. L'historien britannique Bernard Lewis, auteur d'un ouvrage publié en 1967 sur cette secte, s'est toutefois empressé de contredire cette thèse, « attestée par aucun auteur ismaélien ou sunnite sérieux », en affirmant que le savoir occidental sur le monde musulman s'était développé dans les « brumes de l'ignorance et des préjugés ».

 

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Qui n'a pas entendu parler du Captagon ? Du Liban à l'Europe occidentale, en passant par la Syrie, la seule évocation de cette drogue fait forcément penser à ceux qui, voulant punir les « mécréants », sont à l'origine de tragiques attentats survenus aux quatre coins du monde. Les témoignages ne manquent pas : « Ils avaient l'air de morts-vivants », « Il était certainement sous...

commentaires (1)

POUR LUI CA N,EXISTE PAS... MAIS LE FAIT EST QUE TOUS LES ENVOYES EN GUERRE JIHADISTES SOIENT-ILS OU AUX AUTRES APPELLATIONS EN CONSUMENT MEME SI C,EST PAR SIMPLE ASSERTION OU CROYANCE OU ENTENDRE DIRE...

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 22, le 08 août 2017

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Commentaires (1)

  • POUR LUI CA N,EXISTE PAS... MAIS LE FAIT EST QUE TOUS LES ENVOYES EN GUERRE JIHADISTES SOIENT-ILS OU AUX AUTRES APPELLATIONS EN CONSUMENT MEME SI C,EST PAR SIMPLE ASSERTION OU CROYANCE OU ENTENDRE DIRE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 22, le 08 août 2017

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