Repoussé à plusieurs reprises, l'amendement de l'article 227 bis du code pénal, qui permettait à un violeur d'échapper à la justice en prenant pour épouse sa victime, a fait l'objet de vifs débats en Tunisie. En 2016, le mariage d'une fillette de 13 ans avec son violeur avait particulièrement choqué l'opinion publique.
Mercredi dernier, l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) a voté à l'unanimité une loi dite « intégrale » contre les violences faites aux femmes. Qualifiée d'« historique » par la ministre tunisienne de la Femme, Nézhia Labidi, la nouvelle législation fait référence non seulement à la violence physique, mais également psychologique et économique. Elle reconnaît par ailleurs le rôle des médias et fait de la prévention une priorité. Cette loi punit entre autres de six ans d'emprisonnement toute personne ayant des rapports sexuels avec une mineure de moins de 16 ans, même avec son consentement. Elle sanctionne aussi l'inceste, doublant les peines en cas de rapport avec un parent.
L'adoption de ce texte n'allait pas de soi. Plusieurs modifications du code pénal ont été nécessaires, d'où des débats houleux à l'Assemblée, lors desquels certains députés ont invoqué l'intégrité de la famille et de l'identité « arabo-musulmane ». Adoptée finalement mercredi 26 juillet, cette loi représente une victoire pour les associations féministes qui ont porté ce texte.
(Pour mémoire : Coup de filet anticorruption et espoir d'opération "Mains propres" en Tunisie)
La société civile engagée
« Cette loi reprend quasiment l'intégralité des recommandations de la coalition », note sur sa page Facebook Ghazi Mrabet, avocat et militant tunisien. Composée d'organisations non gouvernementales comme Oxfam, BeityTunisie, la Ligue des électrices tunisiennes et la Ligue tunisienne des droits de l'homme, la coalition défend depuis juin 2016 ce projet de loi organique. « Nous nous sommes engagés pour une loi juste qui protège vraiment les femmes », a déclaré Monia Ben Jémia, juriste et membre de l'Association tunisienne des femmes démocrates. Lundi, elle déplorait, sur sa page Facebook, certaines incohérences et une nomenclature juridique bâclée. « L'amendement pour la définition exacte de l'attentat à la pudeur n'a pas été retenu », regrette-elle. Contrairement à l'article sur le viol, l'attentat à la pudeur incestueux n'est finalement pas cité expressément en dépit des recommandations de la coalition.
Malgré ces lacunes, ce texte est une première dans le monde arabe. Aucun pays n'avait jusqu'ici voté une loi cadre consacrée spécifiquement aux violences à l'égard des femmes. Si des dispositions dans le code pénal ou dans le code de protection de l'enfance existaient auparavant, jamais une législation comportant toutes les dispositions dans un et même texte n'aurait vu le jour.
Il faudra pourtant du temps avant que les avancées juridiques et les mentalités n'accordent leurs violons. Aujourd'hui, 47 % des femmes tunisiennes ont été victimes de violences au moins une fois dans leur vie, selon l'Office national de la famille et de la population (ONFP) tunisien.
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UNE PREMIERE DANS UN PAYS MUSULMAN !
17 h 25, le 29 juillet 2017