Expulsion d’al-Jazeera d’Israël : Netanyahu s’aligne-t-il sur Riyad ?

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a annoncé mercredi soir qu'il voulait expulser d'Israël al-Jazeera, dont le siège est au Qatar, accusant la chaîne d'attiser les tensions autour des lieux saints de Jérusalem. « La chaîne al-Jazeera continue d'inciter à la violence à propos du mont du Temple (l'esplanade des Mosquées pour les musulmans) », a écrit le dirigeant israélien sur Facebook. « J'ai demandé plusieurs fois aux agences chargées de l'application de la loi de fermer leur bureau à Jérusalem. Si cela n'est pas possible pour des raisons d'interprétation de la loi, je vais chercher à faire adopter la loi nécessaire pour expulser al-Jazeera d'Israël », a-t-il ajouté.

Israël accuse depuis des années al-Jazeera de partialité dans sa couverture du conflit qui l'oppose aux Palestiniens.
La chaîne basée à Doha a condamné hier ce qu'elle a qualifié d'« accusations arbitraires et déclarations hostiles », ajoutant qu'elle était prête à « prendre toutes les mesures judiciaires nécessaires s'ils (les Israéliens) mettaient leurs menaces à exécution ».
L'initiative du Premier ministre israélien intervient après près de deux semaines de tensions autour de l'esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est, où Israël avait installé un nouveau dispositif de sécurité à la grande fureur des Palestiniens. L'État hébreu a fait machine arrière et démonté hier les derniers éléments de ce dispositif, une décision qualifiée par la Jordanie, gardienne des lieux saints musulmans de Jérusalem, d'« étape vers l'apaisement ». Les musulmans palestiniens voyaient le nouveau dispositif de sécurité comme une tentative d'Israël de renforcer son contrôle sur ce site religieux à Jérusalem-Est, partie palestinienne – occupée et annexée par Israël – de la ville.

Intérêts communs
Mais cette décision intervient également en plein conflit entre le Qatar et ses voisins du Golfe, qui réclament notamment la fermeture de la chaîne al-Jazeera. L'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l'Égypte ont rompu le 5 juin leurs relations avec le Qatar, et lui ont imposé une série de sanctions, notamment pour son soutien au « terrorisme » et son rapprochement avec l'Iran. Selon la chaîne qatarie, les déclarations de M. Netanyahu marquent « un autre épisode de l'attaque vicieuse en cours » contre elle et lancée par les monarchies du Golfe avec Le Caire.

Alors que l'Égypte et la Jordanie sont les deux seuls pays arabes avec lesquels Israël a signé des traités de paix, le Premier ministre israélien s'est efforcé d'améliorer les relations avec les pays de la région. Déjà en février dernier, M. Netanyahu avait déclaré, lors d'une conférence de presse à Washington, que « les pays arabes de la région ne voient plus Israël comme un ennemi mais, de plus en plus, comme un allié ». De nombreux analystes y ont vu une tentative de l'État hébreu pour aller vers une « normalisation » des relations avec les pays arabes. Et au lendemain du début de la nouvelle crise du Golfe, le ministre de la Défense israélien, Avigdor Lieberman, voyait dans l'affaire une fenêtre d'opportunité pour des « possibilités de coopération dans la lutte contre le terrorisme ».

Bien que vivement critiqué pour ses cinquante années d'occupation du territoire palestinien, Israël partage avec les monarchies du Golfe des objectifs : notamment la lutte contre l'expansion iranienne. En s'alignant sur Riyad et ses alliés face à Doha en s'attaquant à son média national, et fort de sa ligne sécuritaire partagée avec Riyad, Israël continue ainsi à explorer le potentiel d'une relation plus approfondie avec le Golfe.