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Culture - À l’affiche

Et tu deviendras un homme, mon singe

La trilogie/prequel/blockbuster se termine en apothéose avec « La Planète des Singes : Suprématie », un opus poignant, intelligent et formidablement réalisé. Charlton Heston et ses singes en carton-pâte auront maintenant du mal à prendre le relais.

Qui se cache derrière ce masque ? Andy Serkis.

Matt Reeves est aux commandes de la planète des singes depuis l'épisode 2, appelé L'Affrontement. Il pousse ici le concept jusqu'au bout, et opère le basculement complet auquel nous avions commencé à assister. L'ère des hommes se termine, laissant place à celle des singes. À cause des manipulations génétiques du premier épisode, ceux-ci sont non seulement dotés de parole et d'intelligence, ils sont aussi capables de se tenir debout, monter à cheval, et aussi remplis d'humanité, d'amour et d'empathie. De même, la règle de base de la communauté des singes est « un singe ne tue pas un singe ». Contrairement à la celle des hommes qui, elle, victime de ses défauts, plonge petit à petit vers une déshumanisation, une autodestruction et n'a plus de règles, se perdant dans une violence inutile et dans des tueries sans sens. Le virus de la grippe simienne a muté, et les survivants perdent petit à petit l'usage de la parole. C'est entre autres par ce transfert de « sens » que le réalisateur appuie son propos.

Où s'arrête l'homme et où commence le singe ?
Matt Reeves, dans un résumé de tout ce que l'homme a su faire de pire, fait référence à l'esclavage, aux guerres, plus précisément au Vietnam, aux camps de concentration. Le tout résumé en un seul homme, « Le Colonel ». Celui qui s'est mis en tête d'éradiquer les singes est campé par Woody Harrelson, qui dans le film arrive à faire presque apprécier un fou de la gâchette porté sur la bibine, lequel n'est pas sans rappeler Marlon Brando dans Apocalypse Now. Le chef-d'œuvre de Coppola est d'ailleurs une source d'inspiration presque assumée du film, avec le tag « Ape Pocalypse Now » de la même écriture que le logo du film, avec Woody qui a le même grade que Brando, vivant la même situation de renégat de l'armée, dont cette dernière veut se débarrasser. Même physiquement, le choix d'en faire un colonel chauve suivi aveuglément par ses troupes et avec un agenda très personnel est une référence claire au personnage.
Mais César, le leader des singes qui fait le voyage vers le colonel pour se venger, va trouver l'absolution, là où le capitaine Willard, lui, perdait son identité.

Suprématie est, à ce jour, le seul blockbuster qui ne déçoit pas et même mieux, qui surprend. Car vendu comme un film de guerre, on s'attend à un affrontement sauvage et sanguinaire entre hommes et singes et sans rien dévoiler, on finit par avoir mieux. Intelligent, réaliste, sans effets de manche, il ne brosse pas le spectateur dans le sens du poil, mais le surprend. Pour une fois, la traduction française du titre est d'ailleurs meilleure que le titre lui-même, car de guerre, il en est question, mais on en voit peu. Alors qu'effectivement, c'est bien de suprématie dont il est question, et les moyens de l'obtenir ne sont pas forcément guerriers. Techniquement, cette trilogie aura atteint des sommets de réalisme. Le niveau des effets spéciaux est en effet tel que les singes sont réellement impressionnants, presque humains. Tout en essayant de faire le lien avec le roman de Pierre Boule, avec l'apparition de la jeune Nova et de Cornélius, le singe scientifique, ces trois opus rendent obsolètes les films des années 70, qui pèchent aujourd'hui par manque de crédibilité et par leur aspect « déguisements haut de gamme ». WETA, studio d'effets spéciaux créé pour la trilogie du Seigneur des Anneaux, est passé maître dans ce qu'on appelle le « Motion Capture », des hommes en combinaison qui jouent des personnages, ensuite, complétés par ordinateur. La précision de leur technologie est telle que Andy Serkis, alias Gollum dans le Seigneur, peut jouer à merveille n'importe quel personnage, sans apparaître à l'écran, tout en lui donnant des expressions shakespeariennes. Son César est humain, et c'est exactement le propos du film, les hommes ne descendent pas du singe. Les singes sont désormais les hommes.

 

 

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