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Culture - Portrait

Ghaleb Hawila, l’art-chimiste

Ses calligrammes révèlent une approche éminemment moderne de la culture arabe, mais aussi une quête identitaire.

La quête de l’harmonie de Ghaleb Hawila rappelle la célèbre scène du film « Innocents » de Bertolucci. Photo Marjan Chatila

Ghaleb Hawila est un alchimiste. Un scientifique invétéré, fou de calligraphie et à la recherche d'un précieux remède susceptible de réconcilier ce que tout oppose. Il porte sur la peau la marque indélébile de son projet : la chaddeh et la sukoon, deux signes arabes qui d'ordinaire ne peuvent se succéder, cohabitent ainsi discrètement sur le haut de sa nuque, où ils sont inscrits à l'encre noire. Derrière ses grandes lunettes rondes métalliques se cache un être débordant d'énergie, à la curiosité insatiable.

Ghaleb Hawila s'est tourné vers la calligraphie par hasard, ou plutôt parce que « personne ne s'y intéressait dans (son) entourage ». La métaphore du chercheur dans son laboratoire n'est pas absurde, tant l'artiste conçoit la calligraphie comme un art expérimental : « Je connais les règles de la calligraphie classique, mais j'aime les malmener, tenter de nouvelles approches. La recherche de modernité suppose une prise de risque, une distance critique par rapport à la tradition. »

Les calligrammes de l'artiste, que la Laetitia Art Gallery présente à l'occasion de l'exposition « Inner harmony and outer chaos », témoignent d'une approche résolument moderne de la calligraphie. La petitesse des lettres calligraphiées augmente le réalisme des organes humains représentés ; vues de loin, les courbes des lettres s'apparentent à de microscopiques cellules humaines, telles qu'on les représente dans les manuels de biologie. Le contour légèrement irrégulier des calligrammes leur confère une apparence moléculaire, et produit une illusion de mouvement : le calligramme en forme de cœur semble battre doucement, tandis que la pupille noire de l'œil, encerclée par un liseré bleu prussien discontinu, paraît prête à se dilater.

 

Harmonie cosmique
L'arrière-plan des calligrammes est constamment blanc, couleur préférée de l'artiste pour sa capacité à augmenter la quantité de « lumière et d'énergie qui se dégagent des couleurs, les espaces blancs sont aussi importants que ceux dédiés à l'écriture. Le blanc est une couleur tolérante, c'est la couleur de l'harmonie ». La quête de l'harmonie de Ghaleb Hawila rappelle la célèbre scène du film Innocents de Bertolucci – notamment la réponse du père poète à Matthew, qui se demande quelle est l'origine de cette harmonie cosmique qui régit le monde bigarré des hommes : « Quand nous regardons autour de nous, nous voyons le chaos. Mais vu d'en haut, c'est-à-dire du point de vue de Dieu, soudain tout rentre dans l'ordre. » Les calligrammes de Ghaleb Hawila sont autant de comprimés d'harmonie, destinés à compenser « le chaos et les souffrances engendrés par les guerres », selon la formule de l'artiste.

« Je suis à la recherche de mon identité, de notre identité à tous. Nous sommes un peuple de culture arabe, un peuple métissé qui porte un héritage, et je me sens la responsabilité d'affirmer cette culture. » En ce sens, la calligraphie devient une porte d'entrée dans cette culture, tant elle est consubstantielle à l'identité de la région. L'art de l'écriture s'avère un moyen de préciser le contour de ces identités orientales plurielles, de leur faire rendre leur essence. L'artiste est particulièrement inspiré par les grands poètes persans, leurs mots simples « qui pourtant révèlent des sentiments puissants, et parfois contradictoires », leur invitation à vivre pleinement le moment présent, qui rappelle ce célèbre vers de Omar Khayyam : « Ami, ne nous soucions pas de demain, profitons de ce souffle de vie. »

Laetitia Art Gallery
Souks de Beyrouth. Jusqu'au 5 juillet.

Ghaleb Hawila est un alchimiste. Un scientifique invétéré, fou de calligraphie et à la recherche d'un précieux remède susceptible de réconcilier ce que tout oppose. Il porte sur la peau la marque indélébile de son projet : la chaddeh et la sukoon, deux signes arabes qui d'ordinaire ne peuvent se succéder, cohabitent ainsi discrètement sur le haut de sa nuque, où ils sont inscrits à...

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