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La revanche des fossiles

La Terre a beau se réchauffer à vue d'œil, il est des initiatives qui vous donnent carrément froid dans le dos, surtout quand elles sont le fait d'un homme qui passe pour être le plus puissant du monde.

En retirant les États-Unis de l'accord de Paris, Donald Trump a causé la consternation, la colère, mais non point la surprise. À ses électeurs, il avait maintes fois promis de démystifier ce canular d'invention chinoise qu'est, selon lui, le cauchemar climatique. Et il ne s'est pas ravisé depuis, comme il l'a fait pour son projet de transférer l'ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem. Une telle mesure aurait certes pris l'allure d'une véritable déclaration de guerre adressée à l'ensemble du monde arabo-musulman.

L'excentrique a trouvé mieux, et c'est un colossal bras d'honneur qu'il fait à l'humanité tout entière, y compris nombre de ses concitoyens affolés par tant d'inconscience.

L'Oncle Sam est, après la Chine, le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre. Longtemps jaloux de leur formidable essor industriel, mais harcelés par une gigantesque pollution, les Chinois ont finalement viré au vert, finissant même par se poser, en tandem avec l'Union européenne, en porte-étendards du programme climatique. Égoïsme, je-m'en-foutisme, nationalisme, isolationnisme ? À tous ces ismes brandis pour expliquer le geste américain, d'aucuns n'hésitent pas à ajouter affairisme, ce terme étant pris dans son acception la plus tentaculaire, puisqu'il s'agit là des intérêts du très influent complexe industrialo-pétrolier. Le multimilliardaire Donald Trump n'a sans doute plus besoin de se démener pour arrondir ses fins de mois. Mais, suivant une tradition bien établie au sein du Parti républicain (et dûment honorée par les Bush père et fils), c'est au sein de ce même lobby qu'il a recruté nombre de ses collaborateurs, propulsés à des postes-clés. Ainsi se trouve bétonnée, sous Trump, la vieille stratégie consistant à pomper jusqu'à plus soif le pétrole du Golfe en lésinant sur les réserves nationales d'énergies fossiles comme sur la recherche de sources alternatives.

Même si ce scénario de thriller géopolitique ne devait être que pure fiction, il s'avère déjà qu'en s'aliénant une bonne partie du globe, le chef de l'exécutif américain a rendu un bien mauvais service à son propre pays, comme ne s'est pas privé de le relever le président français Emmanuel Macron. Archétype de modernité, l'Amérique, en effet, se voit abruptement éjectée hors du siècle, hors de l'air du temps, et elle fait déjà savoir qu'elle n'est pas d'accord. La grande presse US crie à la catastrophe et, partie de Pittsburgh en Pennsylvanie, la rébellion se répand comme traînée de poudre, promettant de faire de l'économie verte un sujet de polémique interne plus chaud que l'avortement ou la libre acquisition d'armes à feu.

Particulièrement atteinte est enfin cette irremplaçable qualité qui permet aux États d'accéder au rang de puissance et, surtout, de s'y maintenir : la crédibilité, la fidélité aux engagements contractés. C'est cela qui leur vaut d'être admirés ou redoutés, d'être pris au sérieux, dans leurs promesses comme dans leurs avertissements et menaces.

C'est la grandeur de l'Amérique que s'évertue à fossiliser Donald Trump.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

La Terre a beau se réchauffer à vue d'œil, il est des initiatives qui vous donnent carrément froid dans le dos, surtout quand elles sont le fait d'un homme qui passe pour être le plus puissant du monde.
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