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Culture - Interview

Amadou et Mariam, un dimanche à Beyrouth

C'est avec cette même générosité sans bornes, qui fait de leur musique le carrefour de tant de cultures, qu'Amadou et Mariam se produiront demain soir au MusicHall de Beyrouth au profit de l'association Skoun.

Amadou et Mariam aiment beaucoup Rihanna. ©Hassan Hajjaj

Voilà près de vingt ans qu'on n'a d'yeux que pour ce duo qu'on a baptisé Les Aveugles du Mali. Vingt ans que leurs mélodies font naviguer sur des lacs dorés ou nous embarquent à bord de charrettes dansantes, qui sillonnent une brousse musicale qu'ils ont cultivée avec humilité, naturel et déglingue. Vingt ans qu'Amadou et Mariam, munis de leur dégaine lunaire et leurs ADN mosaïques, créent de la musique à la manière d'un beau bazar à ciel ouvert, repoussant ainsi les frontières de l'Afrique. Ou, peut-être, ramenant les frontières du monde entier à celles du Mali de leurs origines. De retour à Beyrouth, ils fouleront dimanche soir les planches du MusicHall (pour un concert au profit de l'association Skoun) avec un patchwork de leurs sept albums allant du légendaire Un dimanche à Bamako au plus récent La confusion qui sortira à la rentrée. Conversation à bâtons rompus – et peu importe qui, des deux, répond...

 

Quel est votre premier souvenir lié à la musique ?
Il porte le nom Zani Diabate, c'était un percussionniste que j'ai entendu par hasard et qui m'avait beaucoup impressionné à l'époque.

Se lancer à Bamako et en sortir rayonnant partout dans le monde, que retenez-vous de cette expérience ?
C'est une expérience semblable à une montée des marches, comme si nous avions gravi une échelle, lentement mais sûrement. Nous avons démarré dans de petits quartiers où notre musique s'est fait repérer. À l'époque, nos chansons étaient enregistrées sur des cassettes, de la manière la plus rudimentaire. Ensuite, nos titres se sont répandus dans la région avant que nous sillonnions le monde. Cette ascension s'est produite spontanément et organiquement.

Comment décrivez-vous votre relation?
Nous sommes liés depuis 1973, date à laquelle Amadou, guitariste et chanteur déjà établi à l'époque, a décidé d'apprendre le braille à l'Institut des jeunes aveugles de Bamako, sa ville natale, où j'étais justement élève. C'est ainsi que notre aventure s'est amorcée. Aujourd'hui, ce sont aussi et surtout la musique et notre engagement social qui nous unissent.

Comment a-t-on accueilli votre succès, Un dimanche à Bamako, au Mali ?
La chanson et l'album ont reçu de très bons retours, le public nous a transmis une grande joie, car nous étions les premiers à aborder et chanter cette cérémonie (les mariages à Bamako se déroulent les dimanches). Ce titre est devenu une fierté nationale !

On retrouve dans votre musique une substance internationale. Qu'est-ce que vous écoutez et qu'est-ce qui vous inspire ?
Nous n'écoutons pas que de la musique africaine. Sans doute est-ce pour cela qu'on nous suit aussi partout ailleurs. Nous écoutons beaucoup de groupes comme AC/DC, Led Zeppelin, Pink Floyd. Amadou aime beaucoup Rihanna et le hip-hop.

Comment décrivez-vous le son que vous avez créé ?
Dans nos sonorités, s'entremêlent la musique traditionnelle malienne avec des accents de blues, du rock et même parfois de funk.

Entre le Mali de vos origines et le monde qui s'est ouvert à votre musique, de quelle manière ces deux espaces irriguent-ils votre œuvre ?
Notre inspiration musicale est essentiellement malienne, à laquelle viennent s'ajouter des influences piochées un peu partout dans le monde à travers nos voyages : du rock, de la pop, du blues. Nous sommes persuadés que ces mélanges hybrides nous ont permis d'atteindre un niveau international.

Au fil du temps, vous avez enchaîné les collaborations musicales les plus insolites, de Manu Chao à Coldplay, en passant par M ou Keziah Jones. Est-ce une manière pour vous de repousser les frontières de votre musique ?
Ces collaborations ont changé la vision que l'on a de nous. Nous sommes africains, mais notre musique chamarrée a élargi nos horizons. En fait, pour nous, la musique n'a pas de frontières, elle est universelle et on peut donc jouer avec tout le monde.

Quel message porte votre musique ?
Ce sont plusieurs messages qui portent sur la situation du monde et de la société sans que cela ne tombe dans un registre sinistre. De fait, même si les sujets abordés sont parfois durs, on essaye toujours de les agrémenter d'une mélodie gaie et entraînante. Après tout, on a envie que le public danse et s'amuse à l'écoute de nos titres.

Bofu Safou, votre dernier single, est un appel au travail, vous vous adressez à ces « bons à rien »... Est-ce que la vie vous a rendus durs avec vous-mêmes ?
Bofu Safou s'adresse à tout le monde, c'est un titre dont le but est d'inciter au travail pour la communauté. Sur cette chanson rythmée, on invite les jeunes, surtout, à se rendre utiles pour toute la société en dansant !

Êtes-vous un duo de chanteurs engagés ?
Oui. Nous suivons l'actualité de très près, ainsi que les problèmes qui touchent le monde de nos jours, et nous travaillons avec le Programme alimentaire mondial lancé par l'ONU.

Qu'est-ce qui vous met en colère ?
Les conflits et les guerres.

Pourquoi votre album portera le titre La confusion ? Quelles en seront les couleurs ?
C'est un sujet d'actualité. Le mal de notre époque, c'est la confusion. Avec la vitesse à laquelle va le monde et ses problèmes, les gens ne savent plus où donner de la tête. Voilà ce que l'on transmettra à travers cet album sur lequel, à nouveau, le rock, le blues et l'afrobeat seront les timbres principaux.

En lançant un regard sur votre carrière, que retenez-vous ?
Avoir réussi à sensibiliser un large public à notre musique. Et puis aussi, l'impact qu'elle peut avoir sur les gens. On nous dit souvent que ce qu'on fait procure de la joie, change même les états d'âme. C'est simple et beau...

 

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