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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Quand les tensions séparatistes menacent les frontières du Yémen

Une sécession du Sud affaiblirait la coalition arabe et le président Hadi.

Le Yémen va-t-il sortir totalement morcelé par la guerre qui y fait rage depuis maintenant deux ans ? Des milliers de Yéménites, partisans de l'indépendance du sud du pays, ont clamé leur volonté sécessionniste, le 4 mai, à Aden, grand port du Sud. Cette manifestation a révélé l'érosion croissante et périlleuse de la légitimité du président yéménite, reconnu par la communauté internationale, Abd Rabbo Mansour Hadi.

S'indignant du limogeage du gouverneur d'Aden, Aidarous el-Zoubaidi, leader du Mouvement séparatiste du Sud (al-Hirak), par le président Hadi lui-même le 27 avril dernier, les manifestants ont appelé à la sécession et ont interpellé le gouverneur afin que soit formée une direction politique nationale capable d'administrer et de représenter le Sud.

Vingt-sept ans après la réunification de la République arabe du Yémen (Yémen du Nord) et la République démocratique et populaire du Yémen (Yémen du Sud), les frontières actuelles restent contestées par certains groupes du Sud. Ces revendications rendent le conflit, qui oppose l'ancien président Ali Abdallah Saleh, soutenu par les rebelles houthistes, à l'actuel président Hadi, d'autant plus inextricable. « Il y a une forte volonté indépendantiste, mais les groupes au Sud, à l'exemple du Hirak, restent divisés et ne peuvent parvenir à un leadership unique », relativise Charles Schmitz, professeur de géographie à Baltimore (États-Unis), chercheur au Middle East Institute et spécialiste du Yémen. Fragilisant l'unité du pays, ces revendications restent une menace pour l'autorité du président Hadi sur l'ensemble du territoire.

Depuis le début du conflit en mars 2015, un regain d'insurrection séparatiste se fait sentir et semble alimenté, selon le président Hadi, par un acteur majeur de la guerre : les Émirats arabes unis (EAU). Dans le conflit yéménite, les EAU sont partie prenante de la coalition arabe, menée par l'Arabie saoudite, qui soutient le président Hadi, et déploient « entre 2 000 et 4 000 hommes en permanence au Yémen et sur leur base d'Assab, en Érythrée », selon les informations du quotidien Le Monde. Les EAU combattent les groupes jihadistes (el-Qaëda notamment) dans le sud du pays, aux côtés de groupes locaux.

« Les EAU ont bâti des forces effectives et compétentes dans le sud du pays, dont certaines soutiennent la sécession et d'autres non », confirme Charles Schmitz. Les groupes locaux, sécessionnistes ou unitaristes, ont permis un succès tout relatif contre les groupes jihadistes en 2016, la capitale Sanaa, située au Nord-Ouest, étant encore aux mains des rebelles. « Au terme de deux années, la coalition militaire construite pour restaurer le pouvoir du président Hadi est dans une situation proche de l'impasse », note François Burgat, chercheur à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (Iremam).

 

(Pour mémoire : A Riyad, le chef du Pentagone dit ne pas vouloir d'un "nouveau Hezbollah" au Yémen)

 

 

Un risque d'affaiblissement de la coalition arabe
Dans ce contexte, la présence militaire des EAU semble à double tranchant pour le président Hadi. Le rôle des EAU au Yémen l'inquiète plus qu'il ne le rassure, l'influence des Émiratis grandissant alors que les succès militaires se font attendre. L'implantation des EAU en mer Rouge et dans le golfe d'Aden accroît également le sentiment d'une ingérence émiratie au Yémen. Depuis début février, la tension est montée d'un cran entre le président Hadi et Mohammad ben Zayed, le prince héritier d'Abou Dhabi et commandant en chef des forces armées émiraties, le président Hadi allant jusqu'à dénoncer « un pouvoir d'occupation au Yémen plutôt qu'une force de libération ». Dans leur but premier de sécuriser le Yémen, « il n'est pas complètement impossible que les Émirats explorent désormais, même discrètement, l'idée d'une sortie de crise qui passerait par la sécession du Sud », avance François Burgat.

Cette crise sème inévitablement le trouble au sein de la coalition arabe. Un élément particulier catalyse les tensions entre les deux forces principales de la coalition : le parti sunnite al-Islah. Émanant des Frères musulmans, le parti a rapidement combattu les rebelles houthistes, se retrouvant de facto aux côtés de l'Arabie saoudite et des EAU. Si l'Arabie saoudite ne voit aucun désavantage à se battre aux côtés de ces partisans de l'unité yéménite, les EAU, eux, discréditent ce parti qu'ils qualifient d'islamiste. Classée sur la liste des organisations terroristes des EAU, la branche émiratie d'al-Islah subit de fortes pressions depuis 2011. La branche yéménite ne bénéficie en aucun cas d'une opinion plus favorable et reste un allié indésirable pour les EAU. Une partition du Yémen risquerait certes d'affaiblir cet ennemi, mais ferait exploser la coalition arabe. L'issue du conflit reste donc suspendue à la capacité des alliés du président Hadi de définir une priorité commune afin d'éviter une dislocation mortifère du Yémen.

 

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