Je souffre d'une soif inassouvie de mémoire et d'identité. Je suis à la recherche d'un sens à une histoire dont j'ignore si j'en suis victime ou bénéficiaire ; d'une histoire dans laquelle j'ignore si j'ai été victime ou bourreau. Le « je » étant là plus collectif qu'individuel. Dois-je avoir honte ou me réjouir d'avoir été du côté des victimes ? Du côté des vainqueurs ?
Le côté revanchard de certains chrétiens d'aujourd'hui me fait autant horreur qu'il le faisait quand les Palestiniens étaient nos victimes. Je reste aujourd'hui un chrétien aussi étranger aux « chrétiens » de la politique que je l'étais aux chrétiens des milices. Je suis chrétien, mais je ne parviens pas à me sentir l'un d'eux. Étranger à ma société, étranger à toute société et les prenant toutes à cœur. Autant l'avouer, je n'ai pas encore d'identité, et me demande si j'ai encore le temps et la possibilité d'en avoir.
L'histoire est une nécessité, pas un luxe superflu, et nous n'en avons pas. « L'histoire, dit Henri-Irénée Marrou dans son maître ouvrage, De la connaissance historique, se définit par la vérité qu'elle se montre capable d'élaborer. Car, en disant connaissance, nous entendons connaissance valide, vraie: l'histoire s'oppose par là à ce qui serait, à ce qui est représentation fausse ou falsifiée, irréelle du passé, à l'utopie, à l'histoire imaginaire (...), au roman historique, au mythe, aux traditions populaires ou aux légendes pédagogiques – ce passé en images d'Épinal que l'orgueil des grands États modernes inculque, dès l'école primaire, à l'âme innocente de ses futurs citoyens. »
Si elle est « difficile à atteindre », cette histoire doit rester « le résultat de l'effort le plus rigoureux pour s'en rapprocher », conclut Marrou.
Quelle est donc, à en juger par le spectacle offert aujourd'hui par l'État libanais, mon histoire ? Notre histoire ? Que me renvoie l'actualité, sinon le spectacle affligeant d'un ensemble de communautés se disputant le pouvoir au lieu de l'exercer, une société éclatée où les instincts manifestés sont aussi primitifs qu'ils l'étaient durant « les » guerres que nous nous sommes livrées ; où des projets diamétralement opposés se disputent l'espace public, comme ces deux visites successives aux frontières méridionales du Hezbollah, qui se dit prêt à la guerre, et du Premier ministre, qui dénonce son bellicisme.
Peut-on vouloir à la fois la guerre et la paix ? N'est-ce pas la voie la plus sûre vers l'éclatement? N'avons-nous rien appris ? Qui sommes-nous donc et que voulons-nous ?
Le...
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"Peut-on vouloir à la fois la guerre et la paix ? N'est-ce pas la voie la plus sûre vers l'éclatement? N'avons-nous rien appris ? Qui sommes-nous donc et que voulons-nous ?". Qui sommes-nous ? Mais, des Sous-Développés.... En premier ces "chrétiens"-là, non peut-être ! Tout simplement. Et que voulons-nous ? Mais, la Moûttassarrifïyâh/Partition pardi ! Wâlâââoû !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
11 h 48, le 22 avril 2017