La rue pavée de Monnot et le quartier qui l'entoure avec ses arbres qui se suivent, alignés comme des gardiens impérissables de notre mémoire, et ce mélange de bâtiments début XXe siècle et d'immeubles des années 70, connaissent une discrète mais séduisante renaissance, après avoir été la vedette des nuits beyrouthines dans les années 90. Abandonnée, oubliée au profit de Gemmayzé, star des années 2000, située sur ce qui fut la ligne verte, elle garde quelques cicatrices visibles des années de guerre.
Et la plus évidente, la plus belle aussi, se trouve au haut de la rue Monnot qui démarre à Sodeco : la Maison jaune, transformée, aux bons soins de l'architecte Youssef Haïdar, en musée de la mémoire. À visiter pour évaluer et apprécier l'impressionnant travail qui s'y est fait, tout en conservant aux lieux sa puissance à l'ombre des francs-tireurs qui y ont vécu. Frôler ses murs qui se confessent encore, essayer de tourner la page. Même si je garde un précieux souvenir de ce que c'était « avant », un immeuble fonctionnel avec un charmant salon de coiffure au rez-de-chaussée, quoique bouffé par la moisissure du temps, il est évident que ce musée nécessaire pour ne jamais oublier s'est glissé avec élégance dans les nouvelles habitudes des passants sans changer le visage du quartier.
À côté, un café libanais traditionnel situé dans une maison avec un jardin rengorge de souvenirs et de parfums de Beyrouth. On peut y déguster de la nourriture locale ou fumer un narguilé en se racontant des histoires... Juste en face, et jouant bien le jeu des contrastes, un restaurant asiatique attire les moins nostalgiques.
En longeant les murs recouverts de graffitis qui les rajeunissent, d'affiches colorées à moitié décollées par le vent, comme les rides d'un temps qui passe lentement, alors qu'en la descendant, la rue devient plus étroite, je ne me lasse jamais, durant les belles saisons, de saisir le parfum de jasmin et de coings qui se dégagent des arbres en fleurs. Un parfum qui se mélange souvent, et pour notre plus grand malheur, à celui des poubelles qui traînent, mais que le printemps et sa légèreté transforment comme par magie en souffles fleuris.
Monnot, tout comme Beyrouth, est faite de contrastes et de diversité. Une mixité bien dosée de genres, de cultures, de goûts et de lieux. On peut aussi bien, au niveau de la rue Huvelin, déguster des plats organiques sous une verrière, apprécier une cuisine européenne, ou prendre un apéritif avec vue sur la ville à la terrasse d'un hôtel, un peu plus bas dans la rue. Cette partie de la ville me rappelle Rome, avec ses ruelles intimistes et ses bâtiments grandioses. Rythmée par le bruit des pas, celui des talons qui claquent sur les pavés anciens en ralentissant la cadence pour mieux prendre son temps.
Le parking au coin, qui devient certains dimanches un terrain de jeux pour enfants en manque d'espaces verts, mène à l'église Saint-Joseph, où il est souvent plaisant d'assister aux concerts gratuits de l'Orchestre symphonique libanais, les vendredis soir. Derrière le terrain de l'église, une plaque en pierre datant du IXe siècle, commémorant la création de l'USJ, me fait penser, à chacun de mes passages, à toutes ces personnes qui ont emprunté ce même chemin.
Aujourd'hui calme, après avoir été réveillée, bousculée, rénovée, envahie sans être agressée par quelques nouveaux buildings, la rue Monnot semble presque retirée des activités et des agitations de la ville. Monnot discrète, secrète, à consommer en solo, sans modération.
*Il a sillonné les rues de Beyrouth à pied, plongé dans ses entrailles, pour y décrypter les vrais noms, avant que des coïncidences, des (mauvaises) habitudes, ne les aient changées. Bahi Ghubril en a constitué des plans, des cartes, des guides et un label : Zawarib Beirut. Il devient ainsi, un samedi sur deux, le guide des lecteurs de « L'OLJ », irréductibles amoureux de cette ville aux mille parfums.
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