Tu avais tort, papa !

En te retournant comme à chaque fois avant de partir, tu m'avais dit : « Si je ne dois pas revenir, si mon heure est venue, vous me pleurerez trois jours papa puis, avec le temps, la vie reprendra ses droits et c'est ainsi que cela doit être : il est bon que la vie soit plus forte que tout. » Tu allais à Paris voir pourquoi ton cœur si grand à aimer le monde et tout le monde commençait à lâcher. Je ne l'oublierai jamais ce regard que tu n'avais jamais eu auparavant ; comme un regard d'adieu car tu disais ne pas vouloir revenir amoindri, ne pouvant embrasser la vie à pleins bras, cette vie que tu chérissais par-dessus tout.
Pourtant, tu t'es si souvent retourné pour nous lancer un regard d'au revoir, comme tu as dû le faire à tes parents la première fois à l'âge de 20 ans, quand tu quittais ton Liban natal pour aller au-devant d'un avenir brillant que cette terre africaine que tu as tant aimée te promettait. Cet avenir que tu as construit à la sueur de ton front et qui continue de répandre ses bienfaits sur ta famille et ceux qui l'entourent. Cet avenir qui construit encore l'avenir de ta descendance et pour lequel je t'en suis si reconnaissante.
Il paraît que je te ressemble, le même amour de la vie, du monde et de tout le monde ; c'est bien là le plus beau compliment que je puisse recevoir. Alors ce soir, comme depuis tant d'années, comment ne pas se souvenir ? 25 ans, sans doute un brin d'éternité, ce n'est pas assez pour t'oublier, à peine ce qu'il faut pour encore plus t'aimer.
Tu avais tort, papa, trois jours n'ont pas suffi ; c'était il y a vingt-cinq ans et tu me manques toujours autant !

Thérèse IRANI HAGE