Téhéran envoie des armements sophistiqués et des conseillers militaires aux houthis, intensifiant son soutien à son allié chiite dans une guerre civile yéménite dont l'issue pourrait bousculer l'équilibre des forces au Moyen-Orient. Adversaire de l'Iran, l'Arabie saoudite conduit de son côté une coalition arabe sunnite qui combat les houthis pour réinstaller l'ancien président Abd Rabbo Mansour Hadi, parti en exil en 2014 après la chute de Sanaa, la capitale du Yémen.Des sources ayant connaissance des mouvements militaires ont déclaré ces derniers mois que les Iraniens endossaient un rôle de plus en plus important dans le conflit yéménite, comme ils l'ont fait en Syrie où ils apportent un appui non négligeable au Hezbollah. Un responsable iranien a récemment fait état d'une réunion organisée à Téhéran par le général Qassem Soleimani, commandant de la force d'élite al-Qods, pour réfléchir aux moyens d'intensifier le soutien aux houthis. « Lors de cette réunion, ils ont décidé d'augmenter leur soutien, avec des programmes d'aguerrissement, des armes et un appui financier », a dit ce responsable. « Le Yémen, c'est là où se joue la véritable guerre par procuration, et gagner la bataille du Yémen aidera à définir l'équilibre du pouvoir au Moyen-Orient », a-t-il souligné.
Téhéran réfute officiellement les accusations de l'Arabie saoudite, qui affirme que la République islamique apporte un soutien financier et militaire aux houthis et met l'aggravation de la crise sur le compte de Riyad. Les activités de l'Iran au Yémen témoignent cependant de la place de plus en plus importante que prennent à Téhéran les tenants de la ligne la plus dure, au risque de provoquer un nouveau raidissement des États-Unis vis-à-vis du régime des mollahs.
« Nous ne manquons pas d'informations ou de preuves de l'introduction par l'Iran d'armes dans la région », a déclaré le général Ahmad Asseri, porte-parole de la coalition arabe. « Nous voyons bien qu'il y a sur le terrain des missiles antichars Kornet alors qu'ils ne figuraient pas dans l'arsenal de l'armée yéménite ou dans celui des houthis. Ils sont arrivés après. » « Les Saoudiens ne veulent tout simplement pas admettre leur échec et ils inventent des justifications (...) deux années après le début d'une guerre d'agression dans laquelle les États-Unis et la Grande-Bretagne sont impliqués », a réagi un dirigeant houthi qui s'exprimait sous le sceau de l'anonymat.
L'activité iranienne a alarmé de nombreux pays sunnites dans une région où l'on redoute l'influence que tente d'y prendre la République islamique. « Nous voulons que l'Iran cesse d'exporter le chiisme dans la région, que ce soit au Yémen ou ailleurs », a ainsi expliqué un haut responsable d'un pays voisin.
Créer un nouveau Hezbollah
Un ancien responsable iranien de la sécurité reconnaît qu'à Téhéran, les partisans de la ligne dure ambitionnent de se servir des houthis pour « affermir leur position dans la région ». « Ils veulent créer au Yémen une milice semblable au Hezbollah. Pour résister aux politiques hostiles de Riyad, l'Iran doit utiliser toutes ses cartes », a-t-il dit. Un diplomate en poste au Moyen-Orient ne dit pas autre chose: « L'Iran s'est efforcé d'exploiter certaines franges des houthis pour qu'elles jouent un rôle perturbateur au Yémen. »
Les sources de Reuters proches de la coalition affirment que l'Iran utilise des bateaux pour introduire des armes au Yémen, soit directement, soit en passant par la Somalie, contournant ainsi le blocus que tente d'instaurer la coalition. Des sources occidentales affirment de leur côté que les armes sont transbordées depuis des cargos vers de petits bateaux de pêche plus difficiles à repérer car très nombreux dans ces eaux.
Si la coalition a réussi l'année dernière à chasser el-Qaëda de la région, elle ne parvient toujours pas à empêcher la contrebande d'armes et de combattants, témoignent plusieurs sources. Le général Asseri, de la coalition arabe, admet que la surveillance des 2 700 km de côtes yéménites n'est pas chose aisée. « On ne peut pas surveiller cette longueur de côtes, même en amenant dans la zone tous les navires du monde, explique-t-il. Si nous bloquions tous les petits bateaux de pêche, les activités de la population seraient pénalisées. »
Spécialistes afghans et arabes
De septembre 2015 à mars 2016, des navires des marines française et australienne ont régulièrement saisi des armes vraisemblablement destinées aux houthis. Selon un responsable du Pentagone, la contrebande d'armes iraniennes s'est poursuivie sans relâche depuis mars 2016, date à laquelle les saisies se sont interrompues. Parmi les équipements livrés, figurent des missiles balistiques à longue portée, susceptibles d'atteindre des cibles situées bien à l'intérieur du territoire saoudien. « Il n'y a pas d'explication crédible à l'apparition de ces armes autrement que par une aide extérieure. Pour nous, ces armes viennent très probablement d'Iran », dit il.
Dans un rapport consacré aux transferts de technologies vers l'Iran, l'institut Conflict Armament Research (CAR) dit détenir des preuves montrant que le drone Qasef-1 UAV qu'utilisent les houthis n'est pas de construction locale, contrairement à ce qu'avancent les miliciens chiites. Ces drones ont été utilisés par les houthis et par leurs alliés locaux pour viser les systèmes de défense de la coalition, et la preuve de l'utilisation par les houthis de tels équipements est apparue lors de récentes attaques. En plus de ces armes, Téhéran fournit des spécialistes afghans et arabes pour entraîner les houthis et leur servir de conseillers militaires. Parmi eux, figurent des Afghans chiites qui ont combattu en Syrie sous la bannière d'al-Qods.
(Source : Reuters)
pourquoi critiquer l'Iran, c'est normal qu'il aide les houthis, les saudis et les autres pays du Golfe aident bien les autres, avec l'aide américaine
18 h 15, le 23 mars 2017