Les mesures administratives prises par le ministre de l'Agriculture, Ghazi Zeaïter, à l'encontre de la directrice générale des coopératives au sein du ministère de l'Agriculture, Gloria Abi Zeid (décrites comme des mesures arbitraires et injustes contre une fonctionnaire dont le souci est de vouloir appliquer la loi), ont suscité un véritable tollé dans divers milieux.
Il y a près de trois semaines, la directrice générale des coopératives, ancienne présidente du comité administratif pour l'exécution du Plan vert, connue pour sa probité et son attachement à l'application de la loi dans l'exercice de sa fonction, a refusé d'apposer sa signature sur des attestations de création de deux coopératives d'habitation, qu'elle jugeait illégales. La décision de la suppression de ces coopératives n'a pas eu l'heur de plaire au ministre de l'Agriculture, qui, quatre jours plus tard, a ordonné son annulation, ainsi que l'annulation d'une autre résolution émise par Mme Abi Zeid, visant à sanctionner une employée qui avait commis une enfreinte à la loi dans le cadre de ses fonctions.
Selon la LBC, il s'agit d'une fonctionnaire qui a couvert des infractions plutôt que de les rapporter, ce qui a poussé Mme Abi Zeid à retenir son salaire pour une durée de dix jours, mesure aussitôt annulée par le ministre de l'Agriculture. Ces infractions porteraient sur la création d'une Caisse mutuelle nationale pour garantir le secteur agricole des catastrophes naturelles. Selon la chaîne précitée, l'organisme, censé compter 51 membres, n'en comporte que 35, dont certains ne remplissent pas les conditions légales pour en faire partie, comme ce magistrat nommé directeur général dans une administration. En outre, cette mutuelle aurait reçu une aide financière dont le montant n'a pas été dépensé selon l'usage qui lui était destiné.
Ne se contentant pas d'annuler les décisions de la directrice générale des coopératives, M. Zeaïter est allé, jeudi, jusqu'à décréter le gel de ses prérogatives, lui interdisant de remplir ses fonctions, le temps que le secrétariat général du Conseil des ministres donne suite à une demande du ministre de l'Agriculture, adressée le jour même, d'annuler un décret de 2015, en vertu duquel Mme Abi Zeid avait été désignée à son poste, et de la nommer à nouveau présidente du comité administratif du Plan vert.
« Révolution blanche »
Au cours d'une conférence de presse tenue au siège de la Ligue maronite, où l'on notait la présence de cadres des Forces libanaises (FL), le président de la ligue, Antoine Klimos, s'est insurgé contre les ordonnances émises par le ministre de l'Agriculture, exprimant son étonnement qu' « un ministre censé garantir l'intérêt public et mettre fin au gaspillage, réprime une employée modèle qui a voulu appliquer la loi et préserver les deniers publics ».
Le président de la Ligue maronite s'est par ailleurs interrogé sur la légalité des décisions de M. Zeaïter, notamment celle de réclamer l'annulation du décret de nomination de Mme Abi Zeid à son poste de directrice. « Si M. Zeaïter doute de la légalité de ce décret, pourquoi donc l'avait-il signé lorsqu'il était ministre des Travaux publics dans le gouvernement de Tammam Salam ? » a-t-il lancé, dénonçant « une injustice flagrante contre une haute fonctionnaire de l'État, compétente et courageuse ».
Et d'appeler les médias dans toutes leurs composantes à « mener une révolution blanche » contre l'esprit de corruption qui règne dans les services de l'État, avant d'exhorter le président de la République, Michel Aoun, « pour qui la lutte contre la corruption constitue un des chevaux de bataille de son mandat », ainsi que le chef du gouvernement, Saad Hariri, et le président du Parlement, Nabih Berry, à « prendre les mesures nécessaires pour préserver le droit et la vérité ».
Le président de la Ligue maronite a en outre invité M. Zeaïter à « tirer profit de compétences comme celles de Mme Gloria Abi Zeid, plutôt que de prendre en considération les intérêts illégitimes et illégaux des personnes, quelle que soit leur position ».
Une source proche du dossier a expliqué à L'Orient-Le Jour pourquoi les deux coopératives d'habitation qui ont fait l'objet d'une suppression étaient illégales. Selon cette source, les complexes résidentiels construits par les coopératives doivent appartenir à leurs seuls membres. Or, souligne-t-elle, ces deux coopératives, l'une connue sous l'appellation d'al-Amal, l'autre baptisée du nom de l'archevêque grec-catholique de Zahlé, Mgr Issam Darwiche, ont édifié sur des biens-fonds appartenant au waqf ecclésial des immeubles dont les appartements ont été vendus à des tiers ne faisant pas partie de ces coopératives. La source précitée rappelle que la réglementation, en vertu de laquelle les membres de tels groupements ont seuls le droit d'acquérir ces appartements, a été établie pour aider les personnes à revenu limité, et non pour générer des bénéfices pour les commerçants.
Toujours selon cette source, Mme Abi Zeid s'était adressée au représentant du Conseil d'État auprès de son administration, pour lui demander de statuer sur la légalité de sa décision d'annuler les coopératives. Le magistrat avait répondu que la décision est légale.
Michel Moawad et Jawad Boulos
Montant eux aussi au créneau, le président du mouvement de l'Indépendance, Michel Moawad, et l'ancien député Jawad Boulos ont accusé M. Zeaïter, dans un communiqué, de « profiter de son poste de ministre pour atteindre des objectifs personnels », soulignant qu' « en écartant la directrice générale des coopératives, dont nombre de responsables reconnaissent l'honnêteté et le rejet des abus et du clientélisme, le ministre a dépassé ses prérogatives et enfreint les lois ». Et de dénoncer ainsi « les pratiques arbitraires de certains ministres qui font fi des lois en vue de satisfaire des intérêts privés et réaliser des bénéfices financiers et sectaires ».
« L'évaluation des fonctionnaires n'est pas censée dépendre de l'humeur d'un ministre. Elle doit relever des seuls organismes de contrôle » ont prôné, dans leur lancée, MM. Moawad et Boulos, s'en remettant au chef de l'État, Michel Aoun, « garant de la Constitution et des lois », au président de la Chambre, Nabih Berry, « tuteur politique de M. Zeaïter », ainsi qu'à tous les membres du gouvernement, pour que le cas de la fonctionnaire injustement révoquée soit reconsidéré.
L'intérêt public
Le coordinateur du mouvement du 14 Mars, Farès Souhaid, a pour sa part exprimé, dans un tweet, sa solidarité avec la fonctionnaire écartée. « Gloria Abi Zeid représente le meilleur appui aux agriculteurs en général et plus particulièrement aux agriculteurs du jurd de Jbeil », a-t-il souligné. L'ancien député a affirmé à L'Orient-Le Jour que « cette dame originaire de Zghorta, proche du chef des Marada, Sleiman Frangié, n'a jamais fait de discrimination dans les dossiers adressés par les agriculteurs, à quelque bord politique qu'ils appartiennent ». M. Souhaid souligne à l'appui de ses propos que lors de son mandat parlementaire, « Mme Abi Zeid, alors présidente du Plan vert, avait satisfait toutes les demandes des agriculteurs de la région de Akoura qui sollicitaient son soutien pour la création de lacs d'eau servant à l'irrigation des vergers ».
M. Souhaid conclut en réitérant son appui à « cette fonctionnaire compétente et honnête qui a toujours fait primer l'intérêt public aux intérêts politiques ».
Les mesures du ministre de l'Agriculture ont en outre provoqué la réaction du vice-président du Renouveau démocratique, Antoine Haddad, qui a écrit sur Facebook : « Nous sommes avec Gloria Abi Zeid parce qu'elle est compétente et représente l'une des meilleures figures de l'administration, luttant contre la corruption et subissant les abus et l'oppression, et non parce qu'elle est de notre bord ou de notre confession. »
Dans la journée d'hier, le ministre de l'Agriculture n'a pas réagi à ces critiques. On apprend qu'il compte tenir une conférence de presse aujourd'hui pour évoquer le dossier litigieux qui l'oppose à Mme Abi Zeid.
Il y a près de...
commentaires (14)
Wâllâh yâ äâmméhhh éhhh Z'gértéwïîyéeh, Notre Gloria Nationale ! Khâââï, chî b'yérfaëérrâââss ! BRAVO Sétt Gloria !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
22 h 20, le 07 mars 2017