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Liban - Polémique

Interdiction des arts martiaux combinés : souci de sécurité ou histoire d’argent ?

Les amateurs de Mixed Martial Arts (MMA) au Liban ne peuvent plus pratiquer ce sport. Zoom sur une décision prise par le ministre de la Jeunesse et des Sports.

Joshua Mortada au championnat de l’IMMAF. Photo Arabs MMA

Le ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohammad Fneich, a signé un arrêté interdisant la pratique du MMA (Mixed Martial Arts) au Liban. L'arrêté ministériel, publié jeudi dernier, a suscité une grande polémique dans les milieux sportifs et enflammé les réseaux sociaux. Alors que les combattants sont furieux contre la décision du ministre, les entraîneurs, eux, ont exprimé des doutes quant aux vrais motifs de l'interdiction. Certains ont même été jusqu'à conférer à cette décision un caractère communautaire.

L'article 2 de l'arrêté stipule qu'il est « interdit à toute partie, et sous quelque titre que ce soit, de tenir des matches, des compétitions et des épreuves de MMA ou tout sport similaire au cours duquel une cage et de la violence sont pratiquées et ceci au risque d'enfreindre les lois en vigueur ».

Interrogé à ce sujet par L'Orient-Le Jour, le directeur général du ministère, Zeid Khiami, a insisté sur le fait que le MMA a été interdit pour raisons de sécurité, avant de démentir les rumeurs renvoyant la décision du ministre à des considérations religieuses ou communautaires. « Il s'agit d'un sport qui promeut la violence, qui se déroule dans une cage, et qui finit par un knock-out », explique-t-il laconiquement.

La même décision avait été prise en France l'année dernière. Le ministère français des Sports avait pris un arrêté interdisant les compétitions de MMA. La décision, datant du 3 octobre 2016, a été publiée au Journal officiel du 23 octobre. L'arrêté redéfinit les « règles techniques et de sécurité applicables aux manifestations publiques de sports de combat », mais le MMA n'est jamais mentionné, peut-on lire dans l'édition du 26 octobre de L'Équipe.

La montée du MMA
« J'ai l'impression, voire la certitude, que la décision du ministre a été prise à la hâte, sans que ce dernier n'ait mené suffisamment d'études au préalable », estime Joshua Mortada, combattant de MMA et détenteur de la médaille de bronze du championnat de l'IMMAF (International MMA Federation) pour les amateurs avancés. Commentant l'arrêté ainsi que les raisons qui le motivent, M. Mortada assure que d'autres jeux sportifs ne sont pas moins violents que le MMA et font couler autant de sang au cours des matches. « Il est vrai que les combattants de MMA s'affrontent dans une cage octogonale, mais celle-ci n'est qu'une mesure de plus pour garantir leur sécurité », affirme-t-il. « Dans une cage octogonale, le combattant ne se trouve jamais poussé dans un coin, incapable de réagir, et par conséquent complètement à la merci de son adversaire », explique M. Mortada.

Quant à la question des critères de victoire et d'échec adoptés pour évaluer les matches, le ministre avait déclaré que le système des « points » n'est pas utilisé lors des combats. « Le MMA a dépassé le concept de points qui n'est plus convenable pour juger un bon combattant, d'autant que tout coup adressé par un sportif à un autre n'est pas nécessairement efficace et par conséquent ne devrait pas être compté », affirme le jeune homme. « Le MMA se base sur l'ensemble de la performance du combattant. Il s'agit de quatre critères d'or. Le premier est relatif aux coups efficaces, le second est relatif aux saisissements efficaces, le troisième aux capacités de contrôle et le quatrième à l'agressivité et la défense », explique M. Mortada qui s'empresse de préciser que « l'agression ne signifie pas la nuisance mais la capacité de bien contrôler le combat ».

Pour Roy Dakroub, combattant professionnel de MMA, « toute cette histoire n'est qu'une affaire de pouvoir et d'argent ». « Le MMA est un de ces sports particulièrement rentables », affirme-t-il avant d'ajouter : « Des sponsors, de la publicité et des droits de retransmission exclusive par les chaînes de télévision entrent en jeu, ce qui pousse les parties concernées par ce sport à vouloir, à tout prix, avoir un monopole et tirer le plus grand profit par conséquent » de cette discipline.

Lorsque Roy et son ami Élie Rayess ont participé au Desert Force Championship (DFC), le championnat de MMA le plus large du monde arabe, aucune fédération de MMA n'était encore fondée au Liban. Ce n'est qu'après la diffusion du DFC sur la chaîne MBC Action que des clubs libanais se sont finalement intéressés à ce jeu de combat qu'ils méprisaient sous prétexte qu'il n'est qu'une tendance qui finira par s'éteindre.
« Ceci n'a heureusement pas été le cas », raconte M. Dakroub. « Depuis 2011, les regards se sont tournés vers le MMA. Les sponsors sont attirés par la grande visibilité des combattants, et les entraîneurs par la montée de cette discipline partout dans le monde », poursuit-il. « Cependant, le milieu a tout de suite été rongé par la convoitise de ceux qui sont en charge de la promotion de ce sport. Nous avions voulu avoir une fédération pour le MMA, nous avons malheureusement fini par en avoir plusieurs », se plaint le combattant professionnel.

 

 

 

Des motifs controversés
« Nous ne savons pas, au juste, quels sont les motifs à l'origine de l'arrêté émis par le ministre », affirme Nadim Nassif, conseiller académique du programme d'éducation physique et sportive à l'Université Notre-Dame de Louaïzé et consultant à l'IMMAF. « Mais plusieurs facteurs sont probablement entrés en jeu pour aboutir à cette décision », poursuit-il.
« S'il s'agit véritablement d'une affaire de sécurité, les arguments avancés par le ministre sur cette question seraient non pertinents. Nombreuses sont les études qui prouvent que d'autres sports sont encore plus risqués et de loin plus dangereux que le MMA », répond-il. « Quant à la cage octogonale qu'on ne cesse d'évoquer, elle n'est qu'un outil de protection », poursuit M. Nassif.

Au Liban, la gestion de ce sport n'est pas réglementée. Et c'est là qu'il faut creuser pour tenter d'obtenir des réponses plus claires. « D'une part, la présence d'une multitude de fédérations ainsi que les divisions au niveau des organisateurs et des sponsors constituent un facteur affaiblissant qui pourrait être à l'origine de l'interdiction. Celle-ci serait une des conséquences du bras de fer engagé entre les parties concernées. D'autre part, les autres fédérations de sports de combat, notamment celle du judo, sont les plus grands bénéficiaires d'une pareille décision car elles se trouvent menacées par la montée du MMA », explique-t-il. Selon M. Nassif, la Fédération de judo avait envoyé au ministère une lettre dans laquelle elle salue sa décision.

Pour M. Mortada, « cette décision est de nature à décourager les jeunes athlètes libanais qui aspirent à se lancer à fond dans une carrière de combattant de MMA ». « Bien que nous pouvons poursuivre nos entraînements et nos participations aux matches à l'étranger, il est toujours plus intéressant et plus important pour nous de pratiquer ce sport au Liban, pour mieux représenter le pays à l'échelle internationale », se désole-t-il.


 

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commentaires (1)

Ah bon? On prends exemple sur ce qui se fait en france?? Eh bien le voile y est interdit, qu'on l'interdise alors au Liban aussi. On interdit un sport parceque suppose dangereux mais les tirs a la kalachnikov apres chaque discours de gargamel font des morts et des blesses a chaque fois et ca continue comme si de rien n'etait. Dommage que le ridicule ne tue pas aussi.

George Khoury

09 h 59, le 27 février 2017

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Commentaires (1)

  • Ah bon? On prends exemple sur ce qui se fait en france?? Eh bien le voile y est interdit, qu'on l'interdise alors au Liban aussi. On interdit un sport parceque suppose dangereux mais les tirs a la kalachnikov apres chaque discours de gargamel font des morts et des blesses a chaque fois et ca continue comme si de rien n'etait. Dommage que le ridicule ne tue pas aussi.

    George Khoury

    09 h 59, le 27 février 2017

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