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Moyen Orient et Monde - Reportage

En Égypte, les chrétiens du Nord-Sinaï fuient la violence de l’État islamique

Le gouvernement égyptien dément avoir demandé aux populations chrétiennes de quitter leurs villes.

Des familles chrétiennes fuyant el-Arich arrivent dans la ville d’Ismaïlia. Ahmed Aboulenein/Reuters

« On est tellement soulagés d'être arrivés ici... » Assise dans une chaise en rotin qui donne sur la corniche d'Ismaïlia, Mariam Fayez a les yeux dans le vague. « On a tout perdu, notre maison, nos emplois, mais nous n'étions plus en sécurité là-bas. Si nous restions, nos maris et nos fils auraient été tués. Il n'y a plus de vie possible dans le Nord-Sinaï. »

En 48 heures, une centaine de familles chrétiennes – soit la quasi-totalité des coptes vivant à el-Arich – ont fui la capitale du Nord-Sinaï après la multiplication d'incidents violents à leur encontre. Il y a 15 jours, la branche égyptienne de l'État islamique (EI) avait promis de renforcer ses attaques contre « les infidèles d'Égypte ». Depuis, sept personnes ont été exécutées dans la seule ville d'el-Arich.

La violence contre les coptes en Égypte, et plus particulièrement dans cette zone en proie à une féroce insurrection islamiste depuis près de quatre ans, n'est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, l'évêque Makarios de l'église catholique Saint-Marc d'Ismaïlia, responsable du secteur de Suez et du Nord-Sinaï, explique qu'il lui est impossible d'envoyer des prêtres dans la région. « Il y a un diacre permanent sur place qui se fait passer pour un civil, pour porter la sainte communion et faire des prières liturgiques avec nos fidèles, mais on n'a plus la possibilité d'envoyer des prêtres, c'est trop dangereux. Ils en ont déjà tué plusieurs », rappelle le vieil homme. « Avant, Wilayat Sinaï (le nom local de Daech en Égypte) combattait principalement l'armée et la police, mais désormais, les violences sont dirigées contre les civils, et plus particulièrement contre les chrétiens », se désole-t-il. « On essaye de convaincre la population de quitter la cité et de venir ici, nous sommes prêts à les accueillir. Mais on leur laisse le choix. Certains fidèles comptent sur la providence. »

(Pour mémoire : Pourquoi l'armée égyptienne n'arrive- t-elle pas à reprendre le nord du Sinaï ?)

Les moukhabarat en plus...

Toute la journée pourtant, des voitures chargées de maigres sacs de voyage ont déchargé, devant l'église évangélique du diacre Nabil Chucrallah, des familles exténuées. Sur leur visage, un mélange de peine et de soulagement.

Dans la grande cour, du mobilier s'entasse, alors que des bénévoles viennent prêter main forte. Il faut trier les produits de première nécessité déposés par les habitants de la ville : du fromage, du thon, des couches, du café, des médicaments et des couvertures.

L'urgence est de recueillir ces familles perdues, de les rassurer et d'organiser rapidement leur relogement. « La plupart d'entre eux vont rester à Ismaïlia, nous sommes en train de trouver des places à ceux qui sont arrivés et ceux qui sont encore susceptibles de venir », explique le diacre.

Dès l'annonce des premiers départs dans la nuit de vendredi à samedi, les églises de la ville se sont organisées pour mettre à disposition des appartements vides et, avec l'aide du gouvernorat, des chambres ont pu être libérées à Beit el-Chabab, un centre d'accueil normalement réservé aux jeunes. Tout le week-end, députés et figures politiques locales se sont succédé pour apporter leur soutien aux déplacés.
Pourtant, il est difficile d'échanger avec ces familles. La présence policière est renforcée « pour leur sécurité », affirme-t-on, mais des moukhabarat (agents des renseignements égyptiens) écoutent chaque échange. « Si je vous parle, ils me coffrent », assure un jeune homme en collant ses deux poignets devant son visage pour décliner la discussion.
« Ils sont volontairement mis à l'écart, les autorités ne veulent pas qu'ils nous parlent », croit comprendre cette journaliste égyptienne. « Ils ne veulent pas que l'armée soit critiquée. Et l'intérêt des autorités, c'est aussi que tous les chrétiens s'en aillent. Ils sont un fardeau pour elles dans le Nord-Sinaï », explique Mouammar Sawarka, activiste des droits de l'homme. Lui aussi vit entre el-Arich et Ismaïlia, pour des raisons de sécurité. Malgré le fait qu'il soit musulman, il est régulièrement inquiété pour oser dénoncer la lutte antiterroriste inefficace de l'armée, mais aussi ses exactions contre la population.

Une voix éclate pourtant dans le silence respectueux du recueillement : « On veut avoir le sentiment de vivre dans un pays où il y a la sécurité et la stabilité », se plaint cet homme qui vient d'arriver. « On ne sait pas qui marche à côté de nous dans la rue. Le problème, c'est que nous regardons notre nombril, mais ça peut arriver partout ailleurs. On fait migrer les gens d'el-Arich à Ismaïlia, mais combien de temps avant que le problème ne migre ici aussi ? »

Face à des rumeurs naissantes d'instrumentalisation de la part des autorités égyptiennes, le ministre de l'Intérieur, Magdy Abdel-Ghaffar, a dû d'ailleurs se défendre et assurer qu'il n'avait pas demandé aux populations chrétiennes du Nord-Sinaï de quitter el-Arich.

(Pour mémoire : Wilayat Sinaï, l’énigmatique branche égyptienne de l’EI)

Échappés de l'horreur

À cette colère, vient s'ajouter les témoignages de l'horreur qu'ils ont subie là-bas. Samy nous montre son téléphone. D'un doigt, il fait défiler des photos : là, le corps de son oncle, exécuté d'une balle dans la tête ; ici, ce qui ressemble à une bûche carbonisée est le corps de son cousin, brûlé vif. « Il faisait nuit, il devait être 22h30. Deux hommes ont frappé violemment à la porte, ils sont entrés dans la maison et m'ont demandé si nous étions chrétiens », raconte Nabila Fawzi, la tante de Samy, qui a perdu fils et mari. « J'ai dit oui. Ils ont été chercher mon mari et lui ont mis une balle dans la tête. Ils ont ensuite pris mon fils et l'ont brûlé vif », assure la vieille dame. « Ils m'ont demandé si j'avais de l'argent, ont pris tous mes bijoux puis ils ont mis le feu à la maison. » Son annulaire porte encore le cerclage blanc de son alliance disparue.

Si les violences de ce type visant chrétiens et musulmans dans le Sinaï sont régulières depuis plusieurs années, c'est la multiplication des assassinats ciblés ces derniers jours contre les chrétiens qui ont convaincu ces gens de partir : « Ils avaient une liste avec une quarantaine de noms. Les noms des chrétiens », assure Samy. « Ils nous cherchent, nous trouvent et nous tuent. »
Le lendemain, le voisin de Nabila et Samy était décapité sur le toit de sa maison, devant sa femme et ses deux filles.
Mais malgré l'horreur, le diacre Nabil Chucrallah souhaite toutefois rappeler que si la situation est très tendue à el-Arich pour les chrétiens, « il ne faut pas oublier que les premières victimes de l'organisation de l'État islamique sont les musulmans ».


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« On est tellement soulagés d'être arrivés ici... » Assise dans une chaise en rotin qui donne sur la corniche d'Ismaïlia, Mariam Fayez a les yeux dans le vague. « On a tout perdu, notre maison, nos emplois, mais nous n'étions plus en sécurité là-bas. Si nous restions, nos maris et nos fils auraient été tués. Il n'y a plus de vie possible dans le Nord-Sinaï. »En 48...

commentaires (8)

Triste de voir cette féroce insurrection islamiste contre des innocents avec des responsables toujours bras croisés.

Antoine Sabbagha

19 h 52, le 27 février 2017

Tous les commentaires

Commentaires (8)

  • Triste de voir cette féroce insurrection islamiste contre des innocents avec des responsables toujours bras croisés.

    Antoine Sabbagha

    19 h 52, le 27 février 2017

  • A QUI PROFITE LA DESTABILISATION DE L,EGYPTE ? A L,IRAN BIEN SUR... QUI MANIPULE LES TARES COMBATTUS PAR LA SAOUDITE ET TOUS LES ARABES ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 51, le 27 février 2017

  • On y arrive tout doucement... les symphatisants wahabites et autres daechistes vont très vite déchanter .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 39, le 27 février 2017

  • "À cette colère, s'ajoutent les témoignages de l'horreur subie là-bas en bääSSyrie ! Öômâr montre des photos : Là, le corps de son oncle, exécuté d'une balle dans le crâne ! Ici, ce qui ressemble à une bûche carbonisée est le corps de son cousin, brûlé vif ! « Il faisait nuit. Deux hommes sont entrés violemment et m'ont demandé si nous étions Sunnites », raconte Äâïchâ, la tante de Öômâr ! J'ai dit oui. Ils ont cherché mon mari, et lui ont mis une balle dans la tête ! Ils ont ensuite pris mon fils et l'ont brûlé vif !, assure-t-elle ! Ils m'ont demandé si j'avais de l'argent, ont pris mes bijoux puis ils ont mis le feu à la maison. » ! Si les Massacres de ce type visant surtout la Majorité écrasante SUNNITE de Syrie sont régulières surtout since SIX longues années, c'est la multiplication des assassinats ciblés contre eux qui ont convaincu ces Sunnites Majoritaires à 80%, de fuir. « Ils avaient une liste de milliers de noms : Sunnites évidemment ! Ils nous cherchent et nous tuent, assure Öômâr. » ! Le voisin de Äâïchâ et Öômâr avait été décapité devant sa femme et ses filles ! Mais malgré l'horreur, un des Cheikhs souhaite toutefois rappeler que si la situation est telle en Syrie pour les Sunnites, « Il ne faut pas oublier que les victimes de ces bääSSyriens sataNiques sont aussi quelques fois, mais quand même pas si souvent que ça, les noûSSâïrîs eux-mêmes. » !" Wâllâh yâ äâmméhhh, still Correct encore ce Cheikh Sunnite, malgré tous les déboires de ses Ouailles !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    12 h 14, le 27 février 2017

  • "Surtout que l'intérêt des aSSaSSins aSSadiques bääSSidiotistes, c'est aussi que tous les Sunnites s'en aillent même ! Ils sont un sérieux Danger pour eux ; question démographie ; dans leur soi-disant « Syrie-Utile », ou plutôt Äâlaouïtie noûSSâïrie explique un activiste des droits de l'homme qui ; malgré le fait qu'il soit lui aussi Äâlaouïte ; est régulièrement inquiété par ces bääSSyriens pour oser dénoncer leur Massacre des Civils surtout Sunnites, mais aussi leurs exactions contre cette même « sorte » de population.... Une voix éclate pourtant dans le silence respectueux d’une de ces Mosquées Sunnites : « Le problème, c'est que ça peut arriver partout ailleurs ! Car, combien de temps avant que le problème ne ré-migre ici aussi bi Lébnéééne, comme entre 75 et 90 ? » ! Et, bien sûr, face à cette Cata de Massacres de Civils, les bääSSyriens aSSadiques « jurent! », mahééék, qu’ils ne se livrent pas bien entendu à des Massacres de Civils essentiellement Sunnites avec ce qui leur reste de barils d’explosifs ! Et « assurent! » même, bien sûr, qu'ils ne sont pas en train depuis SIX longues années en train de pousser ces populations surtout Sunnites vers l’Exode et l’Exil !" Yâ wâïyléééh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 29, le 27 février 2017

  • Des Horreurs !!!! mais pourquoi les chretiens sont vises??

    Soeur Yvette

    10 h 33, le 27 février 2017

  • "Depuis, des cortèges de voitures chargées entièrement de maigres sacs de voyage ont déchargé sur les routes tant de Syrie, que du Liban que de la Turquie ou la Jordanie devant les Mosquées sunnites des familles Incomplètes! exténuées. Sur leur visage, un mélange de peine évidemment, mais surtout de soulagement ! L'urgence est, bien sûr, de recueillir ces familles perdues, de les rassurer et d'organiser rapidement leur relogement provisoire. Mais la plupart d'entre eux vont rester dans ces trois limitrophes pays de la Syrie, et nous sommes donc en train d’essayer de trouver des places à ceux qui sont arrivés et ceux qui sont encore susceptibles à coup sûr, de venir, explique un Cheikh Sunnite ! Dès l'annonce des premiers Réfugiés, les Mosquées Sunnites se sont organisées pour mettre à leur disposition autant soit peu des centres ou surtout Camps d’hébergement et avec l'aide, heureusement, de l'ONU ! Since, députés et figures politiques locales Saines se sont succédé pour apporter leur soutien à ces déplacés, même si une grande Minorité d’entre eux n’est pas Sunnite…. Pourtant, il est difficile d'échanger avec ces familles : La présence des (Renseignements!) épie chaque échange ! « Si je vous parle, ils me coffrent », assure un jeune homme ! « Ils sont volontairement mis à l'écart, les (Renseignements!) ne veulent pas qu'ils nous parlent », croit comprendre une Véritable journaliste éhhh libanaise !" !!!

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 32, le 27 février 2017

  • "En Six ans, Dix millions de Syriens en très grande majorité SUNNITES – soit la quasi-moitié de la population de Syrie – ont fui ce pays après la multiplication de bombardements violents à leur encontre. Le régime bääSSyriaNique avait, since 011, promis de renforcer ses attaques contre « Ces SUNNITES takfirîstes de Syrie ». Depuis, plus de TROIS-CENTS MILLE morts ; sans compter les invalides ou blessés et les (Disparus !) ; ont été répertoriés ! La violence contre les Sunnites en Syrie, et plus particulièrement depuis la féroce répression du (régime ?) bääSSyrien depuis Six ans, n'est pas nouvelle. Depuis plusieurs années, les autorités religieuses Sunnites expliquent qu'il leur est impossible d'envoyer de nouveaux cheiks en Syrie pour porter la sainte parole du Coran et faire des salâtes avec leurs fidèles pour âllâh et son prophète M’hhammâd, car c'est devenu trop dangereux. Les bää-bää aSSadiques en ont déjà tué plusieurs, rappellent-ils ! Les six premiers mois, ces bääSSyriens s’attaquaient principalement aux Sains Révolutionnaires, mais depuis, leurs violences ne sont dirigées que contre les Civils, et plus particulièrement contre les Sunnites, se désolent-ils. Ils essayent de convaincre leurs Sunnites de s’enfuir, mais ils leur laissent le choix car certains de leurs fidèles Sunnites comptent, encore, sur la providence…. d’Äâllâh !" !!! Yâ hassratâââh !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 36, le 27 février 2017

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