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Culture - Théâtre

De l’urgence de couper le cordon ombilical...

Cinq personnages sur les planches du Metro al-Madina* (y compris le bébé dans le ventre tout rond de Nada Bou Farhat) réinterprètent la comédie douce-amère de la vie dans " En cinq".

Oussama el-Ali, Nada Bou Farhat et Zeinab Assaf réinterprètent les maux d’amour.

Alors qu'elle est enceinte de trois mois, Nada Bou Farhat souhaite remonter sur les planches interpréter un rôle personnel, « inspiré de mes expériences », dit-elle. Elle demande à Gabriel Yammine de lui écrire une pièce taillée à sa mesure. L'auteur-metteur en scène se hâte de le faire, mais lui propose, tout en utilisant toujours le sujet de la grossesse, de croquer un portrait différent (voire aux antipodes) du caractère de la comédienne, de nature indépendante et libre. Le dramaturge crée alors le personnage de Claire, une jardinière peu dégourdie et assez niaise, qui vit encore chez ses parents et se laisse assujettir par les pressions et contraintes familiales, sociales ou autres.

Délivrance ou libération?

En Cinq est une comédie drôle et légère, mais aussi grinçante, au ton caustique et grave. Le texte de Gabriel Yammine, teinté d'humour noir, ne laisse personne indifférent, surtout pas une grande majorité des femmes, tous âges confondus, qui se retrouveront un peu en Claire. Dès son apparition sur scène, celle-ci pousse un cri d'effroi, de douleur. « Détrompez-vous, dit-elle, je suis encore au cinquième mois. Le temps de la délivrance n'est pas encore venu. » Et puisqu'il s'agit de délivrance, c'est en s'adressant à l'enfant qui va bientôt naître qu'elle lui narre son parcours et se « délivre » ainsi de tous les démons passés.

La grossesse évoque le cordon ombilical. Ce lien qui la rattache encore à sa mère, une terrible mamma despote qui règne sur sa petite famille. Ce même cordon ombilical qui ne s'est jamais coupé de la société qui l'entoure. Claire dévoile son ventre. Cette couverture charnelle trop longtemps brimée, dissimulée, se met à nu. Claire fait alors part de ses peurs. De cette légion de peurs qui l'assaillent depuis son enfance. Jusqu'à présent, la vie pour elle n'a été qu'un jeu de cache-cache continu. Obligée de se carapacer, de se refuser tout plaisir, elle a longtemps baissé les yeux, s'est inclinée devant le désir des hommes, n'a pas osé regarder les couples en face alors qu'ils faisaient semblant de s'aimer. Claire a eu peur des mots, des images. Elle a même eu peur de regarder son corps s'épanouir. Elle a même eu peur de vieillir seule, célibataire, de ne pas s'assumer en tant qu'entité humaine.

La petite jardinière d'enfants n'a pas coupé le cordon ombilical qui la rattache à l'épicentre de la terre et qui cause encore des ondes telluriques jusque dans sa peau. Aujourd'hui, alors qu'elle est enceinte, elle ose gratter la couche épidermique afin de crier haut et fort ses désamours. En mots crus et secs, Nada Bou Farhat brise les tabous et ses chaînes à la fois. Entourée de quatre comédiens hauts en couleur (Zeinab Assaf, Joyce Abou Jaoudé et Oussama el-Ali), qui interprètent leurs rôles à merveille tout en leur donnant cette petite touche d'acidité et de folie, elle se délie. On se croirait alors propulsé dans ces comédies italiennes à la Ettore Scola où les affreux, sales et méchants font la loi.

En Cinq n'est pas seulement une comédie divertissante. Elle est le miroir qui renvoie en vrac les préjugés, les clichés, les a priori d'une société aliénante. Elle est comme le ventre de Nada Bou Farhat, la fine peau d'un tambour qui résonne dans le tréfonds des femmes. Alors, on souhaite vivement que le personnage de Claire accouche pour qu'enfin soit coupé le cordon ombilical...

* Au théâtre du Metro al-Madina. Ce soir à 21h30, ainsi que les 4, 5 et 6 mars.


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